Le label Made in France constitue bien souvent une manne financière pour les marques. Le petit drapeau bleu blanc rouge raconte, attire, séduit, même sur les vélos et VAE. Mais est-ce simplement de la poudre de perlimpinpin ?

Selon une étude Insign menée en 2020 et citée sur le site Bercy Infos Entreprises, le made in France est un accélérateur de business. 69 % des 102 dirigeants interrogés à la tête d’une entreprise de 50 salariés et plus ont vu une accélération de leur chiffre d’affaires grâce au Made in France. Alors qu’est-ce que le Made in France ? Le sujet est complexe. Il soulève de nombreuses questions et ambiguïtés. Quelques éléments de réponse pour ne pas tomber dans les pièges du franco-lavage (oui, on traduit comme on veut french washing).

Ce que veut dire le « Made in France » (ou fabriqué en France) et comment l’obtenir 

La mention Made in France/Fabriqué en France est un marquage d’origine. Il n’est pas obligatoire pour les produits non alimentaires en Europe. 

Si les marques souhaitent indiquer que leurs produits sont « Fabriqués en France/Made in France », elles doivent pouvoir le justifier et respecter un certain nombre de règles définies par le CDU (Code des douanes de l’Union) que l’on retrouve aussi dans l’article 24 du règlement (CEE) No 2913/92 du conseil du 12 octobre 1992 établissant le Code des douanes communautaire.

Pour les marques qui font tout fabriquer en France, avec des composants sourcés sur le territoire, la question ne se pose pas. Mais pour les autres, les marques dont le processus de fabrication n’est pas entièrement en France, les règles d’origine non préférentielle s’appliquent. Ce sont elles qui définissent les conditions qui permettent d’établir l’origine d’une marchandise : 

« Une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. » (article 60 et suivant du Code des douanes de l’Union)

Les différentes règles qui découlent de ces principes varient selon le produit, comme expliqué ci-dessous :

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Source : Site entreprises.gouv.fr

La mention Made in France ne garantit donc pas que le vélo a entièrement été fabriqué en France. Il garantit cependant qu’une « partie significative » de la fabrication a été effectuée en France. L’assemblage du vélo peut suffire à justifier l’utilisation du made in France. Parfois, même un petit coup de peinture suffit.

Pourquoi il ne faut pas faire une fixette sur le Made in France quand on achète un VAE ? 

C’est bien de le répéter : le Made in France n’est pas un label de qualité mais un marquage d’origine. Il ne justifie pas non plus d’un mode de fabrication et/ou de gouvernance vertueux. 

Ensuite, en France, on ne sait pas (plus) tout faire et on reste encore à la traîne côté électronique. D’autres le font mieux que nous. Il y a en Europe, et dans le reste du monde, des manufactures et usines qui ont développé, elles aussi, un véritable savoir-faire industriel et une expertise historique. On pense directement à Taïwan (Giant, Merida), bastion de l’industrie du vélo. En Europe, c’est en Hongrie, à Miskolc, que sont établies la production et la consolidation des moteurs et des batteries Bosch. La marque précise aussi qu’elle a des usines en Malaisie, à Penang.  

En 2022, 147 millions de vélos ont été produits en Union européenne
En 2022, 147 millions de vélos ont été produits en Union européenne // Source : Eurostat

Pour diverses raisons, les compétences industrielles liées à la fabrication de cycles se sont perdues en France ; une vidéo très complète publiée en 2023 par Les Echos explique pourquoi on ne fabrique plus de vélos chez nous. On assemble toujours, en revanche ; à ce titre, la Manufacture Française du Cycle est l’acteur majeur du marché en France et continue de concevoir et d’assembler des vélos en France (5 000 en 2022). 

Concevoir et fabriquer un vélo : attention à la sémantique !

La confusion est possible entre concevoir et fabriquer. On peut concevoir un produit en France mais le faire fabriquer ailleurs, et/ou le faire assembler en France. On peut, aussi, concevoir un produit en France MAIS le produit final ne respecte pas le cahier des charges pour pouvoir justifier le marquage Made in France. 

Concevoir (ou designer, c’est selon) ne veut en effet pas forcément dire fabriquer. Dans la définition du mot « concevoir » dans le Larousse, on peut lire « Élaborer quelque chose dans son esprit, en arranger les divers éléments et le réaliser ou le faire réaliser ». La deuxième partie de la définition prête à confusion et laisse planer le doute, elle accepte les deux modes de fabrication/réalisation, par soi, par un autre. Il faut ensuite également faire le distingo entre l’assemblage et la fabrication. On peut avancer qu’il y a donc plusieurs niveaux dans le Made in France. 

Quand on consulte les différents sites des marques, on trouve une ribambelle de termes et d’expressions relatives à la fabrication en France qui contribuent à créer de l’ambiguïté : « marque française, vélo conçu en France, vélos assemblés en France, etc. » mais la mention fabriqué en France/Made in France n’est pas toujours utilisée.

D’où une certaine confusion sémantique qui ne doit pas forcément être attribuée à de la mauvaise foi ou des pratiques mensongères. Nombreuses sont les marques qui préfèrent seulement mentionner « vélos conçus et assemblés » en France. Et ça a le mérite d’être clair.

Un peu de cadre

La distinction établie par le site Marques de France est intéressante. Dans sa section « les vélos made in France », il sépare les vélos dont le cadre est fabriqué en France, et les vélos assemblés en France.

Et si l’usage tord le sens des mots, la volonté de se positionner dans les résultats de recherche sur Google l’essore. La course au positionnement entraîne parfois une utilisation qui n’est pas forcément erronée des termes, mais pas toujours justifiée. Un exemple : carton rouge pour les marques qui indiquent « fabriqué en France » dans leur metadescription (le texte qui s’affiche sur la page des résultats des moteurs de recherche) puis qui précisent sur leur site que c’est uniquement la peinture qui est faite en France. On vous voit.

Enfin, ce n’est pas parce qu’on se positionne comme une marque française que l’on produit forcément des vélos made in France. 

Quelles sont les marques de VAE made in France ?

En 2024, il n’existe pas de VAE produit à l’échelle industrielle entièrement français (production entièrement française et composants sourcés en France). Et c’est pas grave. Il y a plusieurs raisons à cela : économiques, compétences, sourcing des matériaux, etc.

Le schéma le plus courant du VAE dit « Made in France », c’est un vélo conçu (imaginé, designé) en France, dont le cadre et les composants (Asie, Europe) sont produits ailleurs, et assemblé (+ finitions) en France. C’est par exemple le cas de la marque Velomad qui propose des VAE conçus et assemblés en France, de la marque O2feel dont les bureaux sont situés dans le nord de la France, de Iweech qui a ses ateliers à Marseille.

Certaines marques vont plus loin. Le grand fabricant de VAE Moustache propose désormais le modèle J, un VAE dont le cadre est conçu et fabriqué en France. Sur le site, on trouve le détail des lieux correspondant aux étapes de fabrication. Sans surprise, les VAE embarquent des valeurs sûres qui ne sont pas fabriquées (ni conçues) en France : motorisation Bosch, composants Shimano, etc. D’ailleurs, on a eu l’occasion de le tester et on vous en parle ici.

On peut aussi parler de la marque Robert Bike. Les cadres de ses cargos électriques sont fabriqués dans l’Est de la France (Moselle). Côté électronique et équipement, on retrouve sans surprise une motorisation Bosch ou encore des freins Magura. En somme, des composants sourcés ailleurs qu’en France, même si, comme chez Moustache, la marque fait un pas supplémentaire.

On doit aussi parler d’Ultima Mobility qui propose des vélos électriques avec des cadres injectés en carbone et polyamide recyclé produits en France et des composants et équipements sourcés au plus près, en France : motorisation Valeo, fourche de cargo Joker, batterie Neogy, etc. Elle explique que 90 % de la valeur de ses vélos est produite en France (98 % d’Europe).

Les ateliers d'Ultima // Source : Ultima
Les ateliers d’Ultima // Source : Ultima

Donc les choses évoluent. Plusieurs marquent ouvrent la voie et montrent que c’est finalement possible. Et ça fait plaisir !

Le Made in France : un sujet complexe qui impose un peu de prudence  

La transparence, le sourcing des composants et l’absence d’opacité sur les lieux de fabrication et d’assemblage doivent davantage convaincre que la mention Made in France. Un bon VAE, c’est la combinaison de bonnes pratiques (transparence, sémantique, gouvernance, expertise, savoir-faire, matériau et composants). Alors allons-y mollo avec l’orgueil franchouillard.

En France, il y a un vrai héritage industriel dans le secteur du cycle, héritage qui s’est perdu avec la délocalisation des usines de fabrication. Certaines grandes marques souhaitent aujourd’hui revitaliser, mais il est difficile de rattraper le savoir-faire perdu, notamment niveau électronique. À ce sujet, on peut noter l’annonce du lancement de l’appel à projets « Industrie du vélo » de France 2030 le 23 mars 2024. Son objectif est de « soutenir les efforts de compétitivité, de souveraineté, d’innovation et d’investissement productif de la filière industrielle du vélo ». Affaire à suivre.

Il était enfin impossible d’écrire un article sur le Made in France dans le vélo sans parler de l’association des artisans du cycle. Elle regroupe des artisans (de composants et cadreurs) passionnés qui se mobilisent pour le savoir-faire français et l’ingénierie du cycle. L’association organise son célèbre Concours de machines, un événement qui réunit les passionnés autour de vélos respectant un cahier des charges précis. Ça vaut le détour. 

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