La voiture électrique est un moyen de transport très peu coûteux au quotidien, grâce à des tarifs d’électricité à domicile très bon marché. Toutefois, lors des grands trajets, c’est une toute autre histoire, avec des prix qui dépassent l’entendement. Tentons de revenir sur les raisons qui expliquent ces prix qui dépassent souvent le coût de l’essence.

Créer une station de charge rapide à partir de rien n’est pas gratuit, loin de là. Les quelques chiffres rendus publics montrent, par exemple, que l’installation d’une seule borne de recharge Ionity, Fastned ou Totalenergies coûte entre 100 000 et 250 000 euros. Dans le dernier rapport trimestriel de Fastned, on apprend que l’installation d’un chargeur leur coûte 95 000 euros, auxquels il faut ajouter 25 000 euros de coûts de raccordement au réseau électrique.

Avec des stations ayant entre 4 et 10 bornes de recharge, il faut donc compter jusqu’à 2 500 000 euros pour installer une station de charge complète. Avant que les opérateurs ne commencent à gagner de l’argent, il faut donc qu’ils aient remboursé cette somme à l’aide des bénéfices réalisés sur chaque charge rapide.

En considérant, de manière très simplifiée, qu’ils gagnent 10 euros sur chaque charge réalisée (en 2022, Fastned annonçait un profit brut de 0,39 €/kWh, soit 10 euros par charge de 25 kWh), ce sont entre 40 000 et 250 000 sessions de charges qui seraient nécessaires avant d’arriver à l’équilibre.

Fastned explique que les différents acteurs de la charge rapide perdent tous de l'argent en 2022 // Source : Fastned
Fastned explique que les différents acteurs de la charge rapide perdent tous de l’argent en 2022 // Source : Fastned

De manière réaliste, on peut penser qu’il y a moins de 50 charges par jour en moyenne par station (Fastned annonçait 50 sessions de charges par station par jour aux Pays-Bas et en Allemagne au premier trimestre 2023), ce qui implique qu’il faudrait entre 3 et 18 ans avant que les exploitants commencent à rentabiliser l’installation.

Bien entendu, l’utilisation des bornes va massivement augmenter avec l’arrivée de plus en plus de véhicules électriques sur le marché, mais telle est la réalité actuelle : il est improbable que les exploitants de bornes de recharge rapide arrivent à gagner de l’argent en 2023 en vendant des charges aux véhicules électriques.

Un acteur sort du lot par rapport aux autres tant il arrive à minimiser les coûts. Il s’agit de Tesla, pour qui Bloomberg avait révélé un coût divisé par 6 par rapport à Electrify America. En d’autres termes, pour le même prix, Tesla peut se permettre d’implanter un Superchargeur de 24 bornes, là où d’autres ne peuvent construire que 6 bornes de recharge. Leur secret est une intégration verticale de la production au déploiement des bornes, là où les autres acteurs sous-traitent toutes ces opérations.

Un marché qui n’est pas encore mature

Contrairement à l’essence, où les prix ont relativement peu de volatilité (en dehors des périodes de crise), les opérateurs de charge rapide font la pluie et le beau temps, avec des écarts considérables entre les périodes et les stations choisies.

L’un des acteurs les plus actifs dans ce yo-yo des prix n’est autre que Tesla, qui a pour coutume de modifier ses tarifs en Europe plusieurs fois par mois. En septembre 2022, les prix avaient augmenté de manière surprenante (+ 29 % en une nuit), avant de baisser pour la période du Black Friday, pour finalement remonter quelques jours après.

Recharge Model Y sur superchargeur Tesla // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Recharge Model Y sur superchargeur Tesla // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Une autre preuve, s’il en fallait, que le marché manque de maturité est à trouver au niveau de la méthode de facturation. En effet, beaucoup d’acteurs ont cherché entre 2019 et 2023 la manière la plus adéquate de facturer l’électricité au consommateur, avec quelques situations étranges au rendez-vous.

Par exemple, Ionity proposait pendant plusieurs mois une charge forfaitaire à 8 euros peu importe la quantité d’énergie utilisée, avant de passer à une facturation à la minute, puis aujourd’hui à l’énergie consommée.

Ceci participe à la confusion qui règne autour des tarifs de charge rapide : presque personne ne peut dire d’avance combien va coûter un voyage en électrique tant il y a de tarifs et méthodes de facturation différentes.

Combien ça coûte, de voyager en voiture électrique ?

Dans le but de simplifier les différents calculs et simplement donner un ordre de grandeur, nous considérons que la consommation moyenne sur autoroute d’une voiture électrique est de 20 kWh pour 100 km. Pour les véhicules les moins énergivores (Tesla Model 3 Propulsion notamment), ce peut être moins, et pour les gros SUV (Mercedes EQC, Audi Q8 e-tron, etc.), ce sera bien plus.

La recharge à domicile d’une voiture électrique est extrêmement bon marché. Au tarif bleu d’EDF, il faut compter 4,20 euros/100 km, ce qui équivaut à 2,5 litres d’essence. En optimisant les coûts avec un abonnement EDF Tempo par exemple, le coût baisse à moins de 2€/100 km, ce qui est bien entendu imbattable en voiture thermique.

Une Tesla Model Y en charge sur une station Fastned // Source : Bob Jouy pour Numerama
Une Tesla Model Y en charge sur une station Fastned // Source : Bob Jouy pour Numerama

Le bât blesse lorsqu’un électromobiliste compare ces tarifs de charge à domicile à ce qu’il trouve en itinérance pour se charger rapidement. Pour faire simple, c’est entre 5 et 10 fois plus cher qu’à la maison, rendant ainsi certains trajets en voiture électrique plus onéreux qu’en équivalent thermique.

Chez Ionity, il faut à ce jour accepter de payer 14 €/100 km (0,69 €/kWh), chez Fastned 12 €/100 km (0,59 €/kWh), chez Totalenergies 13 €/100 km (0,62 €/kWh) et chez Tesla 10 €/100 km si vous n’avez pas un véhicule de la marque (7 €/100 km pour les Tesla).

Il existe différentes pistes d’optimisation des coûts en fonction des cartes et autres abonnements dont vous disposez, mais la réalité est bien que la charge rapide en voiture électrique est aujourd’hui très chère, et souvent même plus chère que s’il fallait effectuer le même trajet en voiture thermique.

Ce qui doit changer dans le futur

L’état des lieux de la charge rapide au milieu de l’année 2023 n’est pas glorieux, mais nous avons des raisons de croire que cela va s’améliorer. Tout d’abord, bien que les véhicules électriques soient de plus en plus nombreux sur les routes, ils ne représentent qu’une toute petite partie du parc roulant. Avec le temps, le nombre de voitures électriques en circulation va augmenter, mettant plus de pression sur les opérateurs de charge pour baisser leurs tarifs dans le cadre d’un marché, qui sera très concurrentiel.

Une meilleure transparence des prix est nécessaire, pour que chacun sache d’avance ce qu’il va payer en chargeant à une borne. Que ce soit affiché sur l’écran de la voiture, sur la borne, dans l’application ou ailleurs, il faut que cette information soit facile d’accès, ce qui est loin d’être le cas à de nombreux endroits.

Enfin, l’évolution des tarifs doit être bidirectionnelle. Jusqu’à présent, nous déplorons une évolution qui ne va qu’à la hausse. Alors même que les tarifs de l’électricité sur les marchés de gros ont énormément baissé dans les 12 derniers mois, Ionity et consorts maintiennent des prix toujours plus élevés.

Pour conclure, si les gouvernements mettent en avant la mobilité électrique avec un souhait de développement plus massif, il faut que tout l’écosystème soit cohérent. Il est illogique d’avoir une charge en itinérance hors de prix à l’aube de l’interdiction de vente de voitures thermiques neuves en Europe.

Comment convaincre les réfractaires à l’électrique si, en substance, la voiture branchée coûte plus cher à l’achat, mais également plus cher lors de grands voyages en plus d’apporter son lot de contraintes ?

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