L’Ukraine revendique une opération d’ampleur contre l’aviation russe. Des drones décollant depuis des camions, ont frappé quatre bases stratégiques, détruisant plusieurs bombardiers à des milliers de kilomètres du front.

L’Ukraine a probablement réalisé la plus grande opération de sabotage de son histoire. Le 1er juin, le renseignement ukrainien a lancé « Spiderweb », une série d’attaque par drones d’une ampleur inédite, visant quatre bases aériennes russes situées à plusieurs milliers de kilomètres de ses frontières.

Ciblant directement l’aviation stratégique du Kremlin, l’opération combine infiltration logistique, camouflage industriel et intelligence artificielle embarquée. Le bilan, confirmé, fait état d’au moins sept bombardiers lourds et plusieurs avions de transport détruits — des pièces maîtresses des campagnes de frappes russes contre l’Ukraine depuis deux ans. D’autres appareils ont potentiellement été touché.

Dans les vidéos diffusées par le renseignement ukrainien, on aperçoit des drones FPV — guidés en vue subjective par leur pilote — foncer directement sur des avions de combat russes, dont certains semblent déjà endommagés.

Une logistique clandestine, des drones surgis de conteneurs

L’opération Spiderweb a été planifiée pendant près de 18 mois, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le cœur du dispositif ? Des conteneurs de fret modifiés, transportés par camions dans les régions russes de Mourmansk, Irkoutsk, Riazan et Ivanovo. Chaque module camouflé abritait des cellules de stockage en bois, des trappes de lancement automatique, des panneaux solaires pour recharger les batteries et des émetteurs satellites pour la liaison vidéo chiffrée. Après activation à distance, les drones FPV en sortaient en salve, et le conteneur lui-même s’autodétruisait après le tir.

Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux permet d’assister à la scène de décollage depuis les conteneurs.

Le tout a été assemblé à l’intérieur même de la Russie, comme le confirment des enquêtes de sources OSINT ukrainiennes sur Telegram. En particulier, un entrepôt situé à Tcheliabinsk, au centre de la Russie, a été identifié comme le site d’assemblage principal. Loué par une entreprise russe fictive nommée Dan-Invest, ce site se trouve à proximité de la frontière kazakhe, ce qui aurait facilité l’entrée de matériel discret depuis l’Asie centrale.

L'emplacement présumé de l'entrepôt du renseignement ukrainien. // Source : Numerama / SBU
L’emplacement présumé de l’entrepôt du renseignement ukrainien. // Source : Numerama / SBU

Des drones FPV avec une IA de ciblage

Les drones utilisés sont des UAV FPV à bas coût, probablement construits sur la base de châssis civils chinois, mais lourdement modifiés. Ils embarquaient une charge explosive de type anti-blindé, et un module de ciblage IA développé pour identifier des signatures visuelles d’avions spécifiques. Cette technologie aurait été entraînée à partir d’images et de vidéos tournées au musée de l’aviation stratégique ukrainien, où sont exposés plusieurs modèles de Tu-95MS et Tu-22M3.

Selon le renseignement ukrainien, ces drones utilisaient une combinaison de ciblage visuel autonome (ATR) et de guidage manuel en temps réel via retour vidéo, permettant une précision inédite à plusieurs kilomètres de distance, tout en déjouant les brouilleurs russes.

Une attaque en salve sur quatre bases majeures

Quatre bases aériennes stratégiques russes situées en profondeur du territoire. La base de Belaya, dans l’oblast d’Irkoutsk, en Sibérie, se trouve à environ 4 300 km de l’Ukraine : elle abrite la 326e division de bombardement lourd. Plus au nord, la base d’Olenya, sur la péninsule de Kola (oblast de Mourmansk, à 2 000 km de l’Ukraine), a vu trois Tu-95MS et un avion de transport An-12 détruits. Des Tu-160 étaient également stationnés sur place, sans confirmation de leur état. Les autorités locales ont imposé un couvre-feu dans la ville voisine d’Olenegorsk.

La base de Dyagilevo, à Riazan (à environ 500 km de la frontière ukrainienne), a été visée par une autre salve. Kyiv revendique la destruction de plusieurs Tu-22M3 et d’un appareil radar A-50, mais ces pertes ne sont pas encore confirmées visuellement.

Enfin, la base d’Ivanovo, à environ 700 km de l’Ukraine, a également été ciblée. Des Il-76 et potentiellement un autre A-50 s’y trouvaient, mais aucune preuve visuelle de destruction n’a pour l’instant émergé.

Bilan visuel de l’attaque confirmé au 2 juin

Selon les images prises par les drones, il est possible d’affirmer que l’Ukraine a touché :

  • 5 bombardiers Tu-95MS
  • 2 bombardiers Tu-22M3
  • 1 avion de transport An-12

41 avions touchés ou détruits, soit 34 % de la flotte stratégique russe, selon le SBU. Il est impossible de confirmer pour l’instant toutes ces revendications. Les images satellites apportent plus de précisions.

Pour l’Ukraine, l’opération Spiderweb est un double succès : militaire et psychologique. Elle démontre que les bases arrière russes ne sont plus inviolables, que les bombardiers stratégiques ne sont plus à l’abri, même à plusieurs fuseaux horaires de la ligne de front. Pour Moscou, la perte de ces appareils – notamment les Tu-95MS porteurs de missiles Kh-101 – constitue un coup dur pour sa capacité de frappe longue portée. Le coût total de ces dégâts est pour l’instant estimé à environ deux milliards de dollars.

Le général Vasyl Maliuk, chef du SBU, a salué dans la presse ukrainienne une opération qui « entre dans les manuels militaires modernes ». Le SBU cite la poétesse Lina Kostenko : « L’Ukraine est forgée par les épreuves, elle est unique, elle est extraordinaire. »

Le ministère russe de la Défense minimise de son côté les pertes, parle de feux rapidement maîtrisés, et affirme avoir « intercepté la plupart des drones ». Il a aussi qualifié l’opération de « terroriste », tout en admettant que des « engins ont été lancés depuis des zones proches des bases ».

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