Chaos, chaos, chaos… Dans Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin, Jack, le héros, n’a que ce mot-là à la bouche. C’est simple, il fait absolument tout pour être détesté. Un charisme absent, un côté bourru qui le rend neuneu, une virilité toxique, une obsession agaçante, un amour pour le langage fleuri, une incapacité à faire autre chose que se battre… Au début de l’aventure, il est accompagné de deux amis qui, étrangement, ne sont jamais agacés par son comportement. Le trio prend des allures de boys band, mais un boys band chargé de combattre les forces du Mal.
Développé par Team Ninja, studio à qui on doit par exemple Nioh et Nioh 2 (deux titres inspirés de la trilogie Dark Souls), Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin n’a rien d’un Final Fantasy classique. Il s’agit d’un spin-off orienté action et doté d’une dimension parodique qui se révèle parfois très gênante. Quand on joue à Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin, on ne sait jamais si ses créateurs sont 100 % sérieux ou s’ils assument pleinement tout ce qui rend l’expérience ridicule. Admirez par exemple la qualité de cette scène servant de prélude à un combat censé être dantesque :
Un jeu graphiquement vilain
Disponibilité
Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin est disponible depuis le 18 mars sur PS5, PS4, Xbox Series S, Xbox Series X, Xbox One et PC.
Le premier contact avec Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin se fait dans la douleur. Même sur la PlayStation 5 de Sony, le RPG d’action n’arrive jamais à être joli. En toute franchise, si on vous disait qu’il est disponible sur PlayStation 3, soit deux générations en arrière, alors vous y croiriez sans sourciller. Au-delà du rendu visuel décevant, c’est surtout la visibilité qui est un vrai problème : tout est sombre et on peine parfois à bien distinguer les ennemis sur lesquels on tape. À ce défaut qui touche au gameplay s’ajoutent quelques désagréments techniques étranges, qui ne plaident pas en faveur de Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin.
Le deuxième contact n’est pas beaucoup plus positif : dès les premières lignes de dialogues, on comprend qu’il va falloir activer le deuxième voire le troisième degré pour digérer ce qu’on lit ou ce qu’on écoute. Grosso modo, tous les personnages sont des caricatures participant à une immense farce. Jack en est le parfait symbole : quand les héros des autres Final Fantasy sont des archétypes androgynes, il prend le contre-pied en étant brut de décoffrage. Le casting s’intègre à un récit qui tombe dans le risible au moindre rebondissement. Par exemple, si le jeu démarre avec une équipe de trois héros, il faut en réalité être quatre pour sauver le monde selon la prophétie. Un enfant de dix ans imaginerait un twist plus intelligent.
En termes d’immersion et d’implication, Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin impose de faire preuve de beaucoup d’indulgence. Il ressemble à un nanar — un film peu apprécié par la majorité des spectateurs, mais adulé par une poignée de personnes. Il peut être un plaisir coupable (l’éternelle excuse pour justifier son amour pour une production ratée). Le fait est que même ce côté ridicule du RPG peine à tenir sur la longueur. Au bout d’une dizaine d’heures, on finit par être agacé de voir des héros surjouer la moindre scène et s’échanger des phrases écrites sans aucune finesse. Il aurait sans doute fallu que l’autodérision soit un peu plus explicite.
Voici quelques exemples de phrases qui donnent envie de pouffer de rire :
- « On est les Guerriers de la lumière, ceux de la prophétie ! » ;
- « Il était toujours vêtu d’une magnifique armure, mais un masque effrayant couvrait son visage » ;
- « Les ténèbres, les monstres, ce désespoir qui ronge le cœur des gens » ;
- « Les quatre Guerriers de la Lumière se sentaient intimidés par la lourde tâche qui leur incombait » ;
- « Le vent se lève, le feu brûle de vives flammes et les terres fécondes embaument l’air d’un parfum agréable » ;
- « Le sourire de la princesse Sarah, aussi apaisant qu’un clair de lune, et celui de la princesse Mia, aussi éblouissant que les rayons du soleil, sont d’un grand soutien pour leurs sujets ».
Heureusement, il y a le gameplay
Admettons, vous passez outre les graphismes d’un autre temps. Admettons, vous fermez les yeux sur la narration d’un ridicule désobligeant. Vous découvrirez alors un gameplay globalement réussi. Sur ce point, on sent que Team Ninja maîtrise mieux son sujet. Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin lorgne aussi bien du côté des Dark Souls (ou des deux Nioh) que des jeux d’action plus frénétiques. En résultent des combats un tantinet déséquilibrés, mais jouissifs, avec une large place laissée à la progression.
D’ailleurs, Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin innove sur l’évolution du personnage. Plutôt que de tomber dans le schéma « Je gagne des niveaux pour débloquer des compétences », le RPG mise sur un système de classes. Guerrier, voleur, magicien… : on peut passer de l’une à l’autre pour augmenter leur rang, obtenir de nouveaux pouvoirs et, à terme, accéder à des classes plus exotiques (exemple : Chevalier noir). Cet élément pousse à expérimenter et à se diversifier jusqu’à trouver une formule qui sied à nos préférences. En termes de variété et de possibilités, Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin brille. C’est le phare dans une nuit de ténèbres.
La puissance de Jack — et de ses acolytes — passe aussi par l’équipement. Tout au long du jeu, on ne fait que ramasser armes et armures au design moche pour être toujours plus efficace — et toujours plus moche. Sur ce point, le jeu tombe dans l’excès et on passe beaucoup trop de temps dans l’inventaire pour changer de tenue. Certains apprécieront ce haut degré de personnalisation. On y voit quand même un petit défaut qui brise le rythme des différentes missions à accomplir pour voir le bout. Il s’agit toutefois d’un mal nécessaire permettant de répondre à un challenge qui ne fait que grimper. Et pour terrasser tous les boss, il vaut mieux être bien armé.
Team Ninja n’a pas eu non plus la main légère sur le contenu du RPG : comptez une bonne quinzaine d’heures pour terminer l’aventure principale, et beaucoup plus si vous comptez achever les objectifs secondaires. À condition de faire preuve, rappelons-le, d’une grande indulgence pour accepter d’accorder autant de temps à une expérience qui passe son temps à se moquer du monde.
Le verdict
Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin
Voir la ficheOn a aimé
- Progression bien pensée
- Gameplay efficace
- Si vous aimez les nanar…
On a moins aimé
- Votre jeu ressemble à un jeu PS3
- Narration risible
- Design horrible
Il faut en avaler des couleuvres, pour se plonger dans Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin, sorte de nanar du jeu vidéo tiré d’une saga pourtant culte. Le studio Team Ninja livre une aventure orientée action, paralysée par une narration ridicule, un design ignoble et des graphismes horribles. L’échec est tellement reluisant qu’il est difficile de ne pas y voir une pure parodie, susceptible de ternir l’image de la marque Final Fantasy.
Mais quand on gratte un peu, Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin contient un gameplay loin d’être raté, associant affrontements grisants et système de progression bien pensé. Il n’empêche, ces rares qualités ne sont pas suffisantes pour accepter tout le reste. Courage et indulgence — l‘éditeur Square Enix, aussi, en aura bien besoin.
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