Dans The Giggle / Le Fabricant de jouet, le Docteur de David Tennant s’est généré en celui de Ncuti Gatwa. Mais rien ne s’est passé comme prévu, et cette nouvelle forme de régénération interroge l’avenir de Doctor Who. SPOILERS.

Le dernier épisode des 60 ans de Doctor Who a secoué les fans de la série, et pas seulement en dansant sur Spice Up Your Life avec Neil Patrick Harris. Car si ce Special 3, intitulé The Giggle (Le fabricant de jouet), a introduit le nouveau Docteur de Ncuti Gatwa, rien ne s’est passé comme prévu. La régénération de 14th en 15th est une première et, depuis samedi, les fans sont comme entrés en fusion pour débattre de la réalité. D’autant que les commentaires du showrunner ajoutent du flou sur ce twist. SPOILERS.

Qu’est-ce que la bi-génération dans Doctor Who ?

Alors que les fans avaient les larmes aux yeux en voyant le Docteur de David Tennant se régénérer une nouvelle fois et que tout semblait imminent après son « Allons-y » iconique, l’énergie temporelle s’est soudainement évanouie. « Feels different this time. » Donna et Mel tirent de chaque côté de son corps. C’est à ce moment qu’apparaît le 15e Docteur, en face du 14e, plongés dans la même énergie de régénération. Eux-mêmes surpris, ils semblent toutefois comprendre rapidement de quoi il s’agit, même s’ils précisent que c’était censé être un mythe : une bi-génération.

Au lieu de se régénérer en une nouvelle incarnation, le Quatorzième Docteur s’est divisé en deux. Une première. Malgré tout, cela ne signifie pas que le Docteur de Ncuti Gatwa est un clone ou une quelconque version alternative, l’épisode est très clair sur le sujet : il est bel et bien le Quinzième. « I am really, really me », déclare Ncuti Gatwa. Il n’y a pas de hiérarchie entre les deux incarnations, ils sont le Docteur au même titre, à ce près que le 15e arrive chronologiquement après.

Pourquoi le Docteur s’est-il bi-régénéré ?

Plusieurs facteurs semblent avoir contribué à cette bi-génération.

L’énergie du Toymaker, de manière évidente, a rendu la réalité malléable et étrange. On le sait des mots mêmes de 15th qui, réalisant que l’énergie du fabricant de jouets était encore présente, est parvenu à dédoubler le TARDIS. Il est donc fort possible que le mythe soit temporairement devenu réalité, en raison même de la présence du Toymaker.

David Tennant et Ncuti Gatwa dans Doctor Who. // Source : BBC
David Tennant et Ncuti Gatwa dans Doctor Who. // Source : BBC

La deuxième raison est tout bonnement liée à la psychologie du Docteur à ce stade de sa vie : il est profondément épuisé. Il n’a cessé de courir et de fuir pendant un bon milliard d’années, de son propre aveu. Le Toymaker le résume grossièrement avec ses marionnettes, et avec quelques erreurs d’interprétation, mais le Docteur a aussi enchaîné les deuils — Amy et Rory, Clara, Nardole, River Song. Sans compter toutes les autres épreuves qu’il a vécues, de la Guerre du Temps à Heaven Sent et la Pandorica. Ces épisodes anniversaire ont intégré au récit la notion de parcours traumatique.

« We’re Time Lords. We’re doing rehab out of order. »

La raison la plus profonde de la bi-génération est là : le Seigneur du Temps s’est divisé en deux pour se reposer, se soigner. « We’re Time Lords. We’re doing rehab out of order », affirme le Docteur de Ncuti Gatwa à son prédécesseur. Car, de fait, à l’échelle d’un alien capable de vivre des millions d’années et de maîtriser le temps lui-même, aller mieux devient là encore un méli-mélo temporel. Ainsi, pendant qu’une partie de lui se repose et prend le temps de guérir, une autre peut se libérer, repartir à l’aventure et vivre un nouveau départ.

C’est que signifient plusieurs scènes finales de l’épisode :

  • Quand le Quinzième Docteur prend le Quatorzième dans ses bras afin de lui dire que tout ira bien : pour la première fois, le Docteur prend soin de lui-même. Sa version future, mais déjà présente, guérie, le réconforte. Même le Docteur a besoin d’un Docteur.
  • « I’m fine, because you fixed yourself », déclare le Quinzième, de Ncuti Gatwa, au Quatorzième, de David Tennant.
  • « He’s saying you need to stop », confirme Donna qui, auparavant dans l’épisode, soulevait elle-même que le Docteur n’avait jamais cessé de courir.

Il est difficile de cerner la temporalité exacte de ce phénomène de guérison. Il est possible que, techniquement, le 14e Docteur ait guéri avant le 15e Docteur, mais que les deux coexistent au même moment. Ou bien que la division en deux ait libéré le 15e Docteur des lésions traumatiques du 14e, pour laisser ce dernier aller mieux.

Le 14e et le 15e, enlacés. // Source : BBC
Le 14e et le 15e, enlacés. // Source : BBC

Si l’on résume, il y a deux avenirs possibles pour le Docteur incarné par David Tennant :

  • Le Quatorizème Docteur pourrait vieillir et mourir, s’éteindre sous une forme quasi humaine. Cela signifierait que le Docteur a bel et bien « expulsé » son trauma, pour le laisser guérir de son côté. Dans ce même esprit, il est possible également qu’à sa mort ou quand il se sent « prêt », il se régénère… en 15e Docteur : il ré-intégrerait tout simplement le Docteur de Ncuti Gatwa, et alors les lignes temporelles se ré-aligneraient.
  • Seconde hypothèse, le Quatorzième Docteur pourrait se régénérer et donner lieu à une ligne parallèle de Docteurs. (Une hypothèse des fans suggère que le 14e pourrait se régénérer et devenir, par exemple, le conservateur du musée, vu lors des 50 ans de la série en 2023, et qui prenait étrangement les traits d’un ancien Docteur — Tom Baker. Ce serait donc une sorte de lignée de gardiens, qui ne voyagent plus, mais restent sur Terre.)

Reste à savoir si la série fournira ces réponses et si l’on reverra David Tennant. On sait qu’il fait dorénavant partie de la famille de Donna. Or, le showrunner a prévenu : Rose Noble sera de retour. L’épisode The Giggle suggère aussi que Donna a été recrutée UNIT, là où un spin-off sur UNIT, avec Kate Stewart, semble plus que jamais imminent. Il n’est pas impossible que l’on ait le fin mot de l’histoire d’ici peu, avec ou sans réapparition de David Tennant.

Le twist de cet épisode a aussi une utilité scénaristique, en tant que series finale de la deuxième série Doctor Who (2005-2023). Russell T. Davies semble avoir cherché une solution pour offrir un arc conclusif, et en l’occurrence un happy ending (« I’ve never been so happy with my life »). Tout en posant les jalons d’une nouvelle série, avec un passage de relai touchant. C’est un peu méta : le nouveau départ pour le Docteur est aussi valable pour la série elle-même. L’épisode de Noël, The Church on Ruby Road, le 25 décembre, sera, en quelque sorte, l’épisode pilote de la troisième série Doctor Who, avant que la saison 1 prenne place en 2024.

On ne peut pas renier non plus la dimension personnelle dans l’écriture de Russell T. Davies. Le showrunner avait quitté la série pour se consacrer à son compagnon, à qui une tumeur au cerveau avait été diagnostiquée, avec de faibles chances de survie. Celui-ci est décédé en 2018. Il lui a rendu hommage à la fin de sa série Years & Years. Cet arc narratif dans Doctor Who, sur le deuil, et sur une conclusion heureuse aux événements dramatiques de The End of Time, prend un sens d’autant plus touchant.

Les effets sur la mythologie de Doctor Who

C’est la première fois que l’événement se produit — et probablement la dernière, au risque sinon de perdre de sa valeur. La bi-génération est suffisamment historique, dans la mythologie de la série, pour permettre une rupture entre les deuxième et troisième séries. Il est assez peu probable que la nouvelle saison 1, à venir en 2024, approfondisse davantage la réalité de la bi-génération. Car elle ne va pas bouleverser la série outre-mesure : le Docteur — celui de Ncuti Gatwa — et Doctor Who repartent simplement pour un nouveau cycle d’aventures spatio-temporelles.

Russell T. Davies a tout de même semé le trouble chez les fans dans le podcast de la série, diffusé après l’épisode. Il y déclare que cette bi-génération a créé une multitude de lignes temporelles parallèles où… chaque Docteur s’est réveillé dans son corps d’origine. La déclaration en a troublé beaucoup qui estiment que ce choix risquerait de gâcher le principe de résilience de la série — le Docteur doit dire adieu à qui il était pour devenir quelqu’un de nouveau. Mais le ton du showrunner est assez léger et il ne développe pas davantage : difficile de savoir s’il émet une simple hypothèse personnelle, ou s’il s’agit d’un élément scénaristique prochainement intégré au « Whoniverse ».

Source : Montage Numerama

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