Une des cartes Pokémon les plus chères au monde est exposée à Paris lors du Gala TCG. Cet objet, offert à une poignée d’enfants au Japon il y a 26 ans, vaut aujourd’hui des millions d’euros. Numerama a rencontré l’un des propriétaires de cette carte d’exception.

Plusieurs milliers de personnes se réuniront au GALA TCG à Paris, ce week-end du 22 et du 23 avril 2023, pour voir « la Joconde » des cartes Pokémon : la Pikachu Illustrator. L’une des 39 « Illustrator » au monde sera exposée lors du salon par Nasser, un collectionneur que les fans de cartes Pokémon connaissent sous le pseudo de Mister Fuji. Le prix de sa carte est aujourd’hui estimé à plus de 1 million d’euros.

Ce Pikachu avec un pinceau dans les mains fait rêver tous les fans de la franchise. La plus chère d’entre de ces cartes appartient au célèbre influenceur Logan Paul, qui l’a achetée 4,4 millions d’euros à un collectionneur émirati. C’est d’ailleurs Mister Fuji, jeune trentenaire français, qui lui a remis en mains propres, puisque la vente de cartes Pokémon peut parfois avoir des airs de vente de bijoux. Comment un rectangle cartonné de 8,8 × 6,3 cm est-il devenu un bien aussi recherché dans le monde ? D’abord, avec un évènement unique au Japon, suivi d’une pandémie vingt ans plus tard qui a tout changé.

L’incroyable succès des cartes Pokémon

En 1996, les jeux Pokémon Rouge et Vert (Bleu est sorti plus tard au Japon) deviennent un phénomène au pays du Soleil levant. Face à ce succès grandissant, Nintendo décide de lancer un produit dérivé la même année, des cartes de jeux. 27 ans plus tard, Pokémon est l’une des plus importantes franchises mondiales et les premières cartes achetées par les parents aux enfants valent une fortune, à condition d’être en encore en bon état. Mais, parmi les Dracaufeu et Dracoloss, revendus à des centaines de milliers d’euros, la Pikachu Illustrator fait encore figure de joyau unique.

Le dessin d'Atsuko Nishida offert à moins de quarante enfants vaut des millions aujourd'hui. // Source : Ebay
Le dessin d’Atsuko Nishida offert à moins de quarante enfants vaut des millions aujourd’hui. Il représente un Pikachu avec un pinceau, sur des cartes japonaises. // Source : eBay

Fin 1997, un concours est organisé dans un magazine mensuel de manga, proposant aux lecteurs de peindre leur propre carte Pokemon et de l’envoyer à l’éditeur. Deux mois plus tard, trois gagnants sont récompensés et obtiennent des exemplaires de leurs dessins ainsi que le fameux « Illustrator » réalisé par la graphiste Atsuko Nishida, à l’origine du design de nombreux Pokémon. Trois autres participants recevront aussi la carte grâce à « un prix d’excellence ». Durant l’année 1998, deux nouveaux concours seront organisés et seize « Illustrator » seront distribuées au total aux très chanceux gagnants. Officiellement, seules 39 unités auront été éditées, ce qui en fait la carte la plus rare au monde.

Avec le temps, elles ont naturellement gagné de la valeur. En 2016, une Pikachu Illustrator a été vendue pour 54 970 dollars. Entre-temps, l’application Pokémon Go et la pandémie du covid ont donné une tout autre dimension à ces cartes. eBay, la principale plateforme d’échange de cartes Pokémon, appelle ce phénomène une « perfect storm », la tempête parfaite en anglais. Quatre facteurs principaux ont poussé des millions de personnes à revenir vers la collection de leur enfance :

  • L’ennui durant le confinement et la recherche d’un retour aux passions.
  • Les bonus financiers accordés durant cette période à de nombreux employés de la tech aux États-Unis. Ces mêmes salariés avaient déjà un attrait pour la série Pokémon.
  • En plus de ces bonus, beaucoup d’entre eux ont profité des gains des crypto-monnaies au même moment et ont cherché à investir dans des biens physiques et plus « stables ».
  • La vague d’influenceurs qui se sont intéressés aux cartes dans la foulée est probablement la pierre la plus importante de l’édifice. C’est celle qui a poussé des millions de personnes à fouiller dans leur vieux classeur de primaire pour trouver des cartes.
Nasser avec Logan Paul, pour lui apporter la carte Pokémon la plus chère du monde. // Source : YouTube
Nasser avec Logan Paul, pour lui apporter une carte Pokémon à 5,3 millions. // Source : YouTube

Résultat, notre « peintre Pikachu », qui était déjà onéreux, dépasse le million d’euros à l’achat depuis 2021. Deux propriétaires habitent en France et l’un d’eux est Nasser, collectionneur, à la tête d’une entreprise dans la vente et le transport de carte.

« Je m’étais promis de reprendre cette passion de collectionneur après mes études. Mon emploi n’étant pas particulièrement passionnant à l’époque, j’ai décidé de me lancer à plein temps en 2016, non pas sans inquiétude, puisqu’il s’agissait évidemment d’un travail très prenant pour espérer en vivre convenablement », nous raconte le trentenaire. Puis un jour, en 2019, un collectionneur américain annonce qu’il cherche à se séparer de la carte Illustrator. Nasser est parvenu à négocier un achat à 50 000 euros avec de nombreuses cartes en complément dans l’échange qui permettaient d’attendre un prix bien plus conséquent.

Trois ans plus tard, le fameux Pikachu vaut aussi cher qu’un appartement dans les quartiers cossus de Paris. Un exemplaire d’« Illustrator » en mauvais état – l’enfant l’avait collé à son classeur – serait encore estimé 200 000 euros. Mais, les cartes holographiques font briller les yeux de bien plus de monde que les collectionneurs aujourd’hui.

Les cartes Pokémon plébiscitées par les collectionneurs

Pour Alexandre Boissenot, le responsable de la catégorie cartes à collectionner sur eBay, « il vaut mieux investir dans les cartes que dans la bourse ». S’il est difficile de faire la même recommandation (les cartes Pokémon sont également fondées sur de nombreux facteurs spéculatifs), il est vrai que les croissances récentes font rêver. « Pokémon, c’est plus gros que Star Wars », ajoute Alexandre Boissenot.

Aujourd’hui, la revente de cartes Pokémon est devenue un vrai business. Dans une France où 8 % de la population se revendique collectionneuse (selon une étude YouGov, pour eBay), de plus en plus de personnes investissent dans de vieilles cartes, en espérant toucher le jackpot dans quelques années. Des hommes d’affaires, comme François Xavier Colombani, ont même monté des entreprises dédiées à 100 % à cette activité. PCA Grade, une société française de certification, attribue une note à vos vieilles cartes Pokémon pour leur donner de la valeur. Un processus tellement en vogue qu’il faut attendre 4 à 5 mois pour obtenir un résultat.

Les cartes Pokémon mises en vente lors des enchères du gala  // Source : Numerama
Les cartes Pokémon mises en vente lors des enchères du gala TCG. // Source : Numerama

Si les cartes Pokémon les plus chères sont hors de prix, les débutants peuvent toujours espérer débusquer une perle rare en achetant des packs de 10 cartes à 6 euros pièce. Même si son éditeur ne le revendique pas ainsi, les cartes Pokémon sont progressivement passées d’un jeu pour enfants à de vrais jeux d’argent, qui peuvent finir par rapporter gros. Verra-t-on un jour des Pikachu dans les plus luxueuses ventes aux enchères ? « Ce sera la fin du game », nous souffle Nasser en souriant.

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