L’épisode 3 de The Last of Us est hors du commun. S’inscrivant au sein d’une adaptation déjà considérée comme un chef-d’œuvre, Long Long Time est un film indépendant à lui seul, une bouleversante histoire d’amour gay après l’apocalypse.

L’adaptation de The Last of Us suit globalement le même fil rouge que le jeu dont elle est tirée. Il y a certes quelques changements quant au destin de certains personnages. Mais, l’épisode 3 est, quant à lui, un pas de côté radical, un geste artistique hors du commun dans une adaptation. Avec une durée de 1h20, Long Long Time fait office de film indépendant au sein de l’univers de The Last of Us.

Pour ce faire, la série fait un choix d’écriture très différent du jeu sur deux personnages : Bill et Frank. Long Long Time narre une histoire d’amour queer, après l’apocalypse, d’une douceur tragique, saisissante, universelle, qui marque l’histoire du genre. Et bien sûr, on le doit aussi à la performance des deux acteurs, Nick Offerman et Murray Bartlett.

Spoilers sur l’épisode 3 de The Last of Us.

L'épisode tire son titre du morceau joué au piano. // Source : HBO
L’épisode tire son titre du morceau joué au piano. // Source : HBO

Bill et Frank : ce qui change du jeu The Last of Us

Dans The Last of Us Part I, tout un chapitre du jeu se situe dans le domaine de Bill. Vous devez surpasser une multitude de pièges, avant de faire sa rencontre et de vous rendre chez lui. On apprend toutefois que le survivaliste, isolé, n’a pas toujours été si seul : il avait auparavant un « partenaire » (sic), Frank. Mais, celui-ci a disparu. C’est en explorant les alentours que Joel, Bill et Ellie découvrent son cadavre, pendu. Infecté par une morsure, il ne voulait pas se transformer ni risquer de contaminer Bill, et a choisi lui-même son heure.

Long Long Time démarre de son côté avec un Bill seul qui, en pleine apocalypse à l’an zéro, se barricade dans un quartier entier. Barbelés électriques, pièges à mines, fossés, vidéosurveillance : c’est un bunker à ciel ouvert dans lequel Bill s’enferme. Quelques années plus tard, Frank, un inconnu, tombe dans un piège. Bill l’en sort et l’accueille chez lui. Il commence d’emblée à fendre l’armure. Après un premier dîner partagé, les deux hommes nouent un lien. Puis c’est une séquence au piano, qui change tout, sur l’air de Long Long Time de Linda Ronstadt, que Bill et Frank comprennent qu’ils se plaisent et s’embrassent — une première, d’ailleurs, pour Bill. L’épisode décrit alors vingt années d’une vie de couple post-apocalyptique (collaborant quelques fois avec l’extérieur, en particulier Joel et Tess), aboutissant à une fin shakespearienne au romantisme tragique.

Frank et Bill dans l'épisode 3 de The Last of Us. // Source : HBO
Frank et Bill dans l’épisode 3 de The Last of Us. // Source : HBO

C’est une réécriture complète de Bill et Frank. Contrairement au jeu, Bill meurt avec Frank, et Ellie ne le rencontre jamais (on relèvera cependant qu’elle tombe sur la lettre de Bill dédiée à Joel, et lui en fait la lecture). La série propose finalement une histoire dans l’histoire. Ces deux personnages, peu explorés dans le jeu, deviennent de véritables protagonistes au récit émouvant, complexe, tout en intimité. Là où Frank était timidement décrit comme simple « partenaire » dans le jeu, leur romance gay a, dans la série, toute sa place : ils s’aiment et leur amour est le sujet, le commencement et la finalité de l’épisode.

The Last of Us établit un nouveau standard pour les séries et adaptations

The Last of Us met la barre très haut en parvenant à adapter magistralement le jeu vidéo. Mais, Long Long Time pousse le curseur encore plus loin et établit un double standard novateur tant pour les adaptations que les séries dans leur ensemble.

En tant qu’adaptation, d’abord, l’épisode démontre combien il est possible de transformer des personnages pour accroître leur ampleur narrative. Là où Bill n’était qu’une rencontre sur la route d’Ellie et Joel, la série rembobine et prend le temps de développer son histoire personnelle. Elle étend le monde de The Last of Us en lui donnant davantage d’humanité.

Mais, Long Long Time est aussi, tout bonnement, l’un des meilleurs épisodes de série. Il marque l’histoire du genre. D’abord, sur la forme, par une histoire et une mise en scène confinées sur 20 ans, racontant l’apocalypse par le biais de l’amour entre deux hommes. Et, quel amour ! Il est rare, même encore maintenant, de voir un tel romantisme queer libéré du regard pesant de la société. Même sans happy ending à proprement parler, ce n’est pas un énième récit maudit, mais une vie heureuse, pleine, entière, vibrante, qui est décrite pour Bill et Frank. Cet amour les mènera tous deux à partir ensemble dans la mort, en raison de la maladie de Frank, et, en conséquence, par choix pour Bill. « Je suis satisfait. Je suis vieux, et j’ai vécu toute une vie », confie-t-il à Frank, qui lui répond que « c’est horrible, mais romantique. »

« C'est horrible, mais romantique » déclare Frank à la fin. // Source : HBO
« C’est horrible, mais romantique », déclare Frank à la fin. // Source : HBO

L’épisode est universel, même en dehors de The Last of Us, faisant de lui un geste artistique fort, inhabituel dans les séries. Long Long Time porte les liens humains au rang d’utopie partagée à petite échelle — ce genre d’utopie qui donne envie de déclarer qu’« à la fin, il ne restera que nous deux ». Que cette relation si intimement déployée soit gay en décuple d’autant plus l’importance. Car, en réalité, l’effondrement n’attend jamais l’apocalypse : il advient tous les jours pour quiconque ne répond pas aux critères sociaux établis, et, de fait, il n’y a que les bulles d’humanité, comme celle de Bill et Frank, qui protègent de la violence.

« Je te respecte, donc je vais te dire quelque chose, car tu es probablement la seule personne qui comprendra », écrit Bill à Joel, dans sa dernière lettre. « Avant, je détestais le monde et j’étais heureux quand tout le monde est mort. Mais j’avais tort, car il y avait une personne qui valait la peine d’être sauvée. C’est ce que j’ai fait. Je l’ai sauvée. Puis, je l’ai protégée. C’est pourquoi des hommes comme toi et moi sont encore là. On a un boulot à accomplir et que Dieu vienne en aide aux enfoirés qui se mettent en travers de notre chemin. Je vous laisse toutes mes armes et mon équipement. Utilisez-les pour garder Tess en sécurité. »


Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !