Moins connu que des concurrents comme Netflix ou Prime Video, le service SVOD d’Apple TV+ comporte pourtant un certain nombre de productions originales de grande qualité — et parfois quasi parfaites en termes de réalisation comme de narration. C’est le cas pour Dickinson, mais aussi pour For All Mankind. Cette uchronie — une histoire alternative de l’humanité — est devenue, en quelques années seulement, un monument de la science-fiction contemporaine.
Il se trouve qu’à l’occasion de la saison 3, Apple TV+ a organisé une judicieuse opération de communication : la saison 1 est accessible gratuitement jusqu’à fin juin 2022. Cela signifie qu’il n’y a même pas besoin d’utiliser l’essai gratuit du service. Il suffit, sur le site ou l’app, d’utiliser la fonction « regarder l’épisode gratuitement ». Mais pourquoi For All Mankind est-elle déjà culte ?
La série appartient à un genre clairement sous-exploité au cinéma et dans les séries TV : l’uchronie. Cette approche narrative modifie un événement historique déterminant, pour en explorer les effets, ce qui change assez radicalement le cours de l’Histoire. C’est par exemple l’accroche du Maître du Haut Château de Philip K. Dick : et si Hitler avait gagné la Seconde Guerre mondiale ?
Et si la Russie avait posé le premier pas sur la Lune ?
Le postulat de For All Mankind modifie le point de départ de la conquête spatiale. Oubliez Neil Armstrong, ce ne sont plus les Américains qui ont posé le premier pas sur la Lune, mais les Soviétiques. Cette défaite, à la dimension diplomatique (car cette odyssée a démarré en pleine Guerre froide), plonge la Nasa et ses astronautes en plein désarroi, en sus d’une crise politique de grande ampleur.
La série a été créée par un grand nom de la SF, à savoir le créateur et showrunner de Battlestar Galactica : Ronald D. Moore. Et on y retrouve une grande part de sa patte artistique. L’intérêt de For All Mankind réside d’abord dans sa réalisation, celle-ci produisant un effet documentaire saisissant. Tout en étant une uchronie, la série ressemble pourtant bien à une véritable reconstitution historique. L’impression de réalisme est présente de bout en bout.
La narration quant à elle relève d’une pure science-fiction politique et sociale, explorant les conséquences sur la société de ce changement dans l’Histoire. Mais dans ce contexte, macro et micro se superposent. Car à travers le défi spatial, scientifique, technologique, apparaissent surtout des parcours humains et des regards incarnés.
Ce faisant, For All Mankind dresse le portrait d’une époque et de ses enjeux sociaux — dont, en particulier, le féminisme et le racisme. L’approche n’est pas sans rappeler une autre uchronie, mais littéraire : Vers les étoiles, de Mary Robinette Kowal, qui transforme la conquête spatiale en conquête sociale.
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