L’open data pour les décisions de justice peine à devenir réalité. Si une avancée a pu être obtenue l’été dernier, un ultime texte doit encore être publié au Journal officiel. Le Conseil d’État vient de rappeler au gouvernement ses obligations.

Il serait peut-être grand temps que le ministère de la Justice se remue sur l’ouverture et la gratuité des décisions de justice en France.

Tel est, en filigrane, le message qu’a adressé le Conseil d’État au gouvernement dans une décision prise le 21 janvier 2021. Car voilà en effet cinq ans que la loi permettant un libre accès aux décisions de justice a été promulguée, mais tous les textes pour la mettre en œuvre ne sont pas encore publiés. Il manque notamment un arrêté crucial que doit prendre le Garde des Sceaux.

L’ouverture et la gratuité des décisions de justice constituent une mesure figurant dans la loi pour une République numérique, qui est passée en 2016, sous la présidence de François Hollande. Or depuis, les choses tendent à traîner en longueur. Certes, une avancée a pu être observée l’été dernier, avec la prise d’un décret fixant les conditions d’application de leur ouverture et de leur mise à disposition gratuite.

Mais six mois plus tard, l’arrêté dont fait mention le décret, et qui doit déterminer « pour chacun des ordres judiciaire et administratif et le cas échéant par niveau d’instance et par type de contentieux, la date à compter de laquelle les décisions de justice sont mises à la disposition du public », est toujours aux abonnés absents. D’où le rappel à l’ordre du Conseil d’État, saisi par une association.

Un chantier difficile, mais qui ne justifie pas l’inaction

Dans sa décision, la plus haute juridiction de l’ordre administratif enjoint donc le « garde des sceaux, ministre de la Justice, de prendre, dans un délai de trois mois » l’arrêté en cause. Il faudra donc que le gouvernement le publie au Journal officiel d’ici le 21 avril 2021. L’association souhaitait une échéance plus courte, de deux mois, assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Le Conseil d’État reconnaît au passage que cette bascule constitue un chantier difficile, du fait d’enjeux d’anonymisation des personnes passant devant les tribunaux, au nom du droit à l’oubli, mais aussi qui rendent la justice, pour des raisons de sécurité. Ces considérations concernent aussi bien les parties que les tiers, ou encore les magistrats. Mais ce caractère ardu ne doit pas être un prétexte pour ne plus avancer.

Le Conseil d'État. // Source : georgemoga

Le Conseil d'État.

Source : georgemoga

« Il n’est pas contesté que la mise à disposition du public des décisions de justice constitue une opération d’une grande complexité pouvant nécessiter, à compter de l’intervention du décret en organisant la mise en œuvre, des dispositions transitoires », commente ainsi le Conseil d’État. Mais cela n’autorise en aucune façon le Garde des Sceaux de refuser de prendre cet arrêté.

Ainsi, Éric Dupond-Moretti, en fonction depuis le 6 juillet 2020, « ne pouvait, sans méconnaître ses obligations […], s’abstenir de prendre l’arrêté […] et de fixer le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions de ce décret dans un délai raisonnable », ajoute l’institution, qui rappelle que plus de six mois se sont écoulés depuis le décret, et presque deux ans après la loi du 23 mars 2019 sur la programmation de la justice.


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