L’open data pour les décisions de justice avance. Fin juin, le gouvernement a fait publier un décret qui fixe les conditions d’application de leur ouverture et de leur mise à disposition gratuite. Il ne manque plus que le portail dédié, en somme.

C’est un pas important qui vient d’être franchi en France en matière de transparence et d’accessibilité des décisions de justice. Au Journal officiel du 30 juin, le gouvernement a fait publier un décret organisant la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions judiciaires et administratives. En clair, il s’agit d’un texte qui met un coup d’accélérateur à l’open data dans le domaine de la justice.

La sortie de ce décret était attendue depuis des mois. En décembre 2019, une version préliminaire était partagée par la Chancellerie et des concertations étaient en cours pour apporter les ultimes touches au texte. Il concrétise enfin une mesure figurant dans la loi pour une République numérique, votée en 2016, sur la mise à disposition gratuite des décisions rendues par les tribunaux.

Conseil constitutionnel justice

Le chantier de la transparence et la mise à disposition des décisions de justice a démarré en 2016, avec la loi pour une République numérique. // Source : ActuaLitté

L’article de loi se contentait de poser un principe d’ouverture des données, laissant le soin au décret d’en fixer les conditions d’application. Seule consigne imposée : que chaque publication soit précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes, afin de garantir l’anonymat des parties prenantes au procès (qu’elles soient victimes ou sur le banc des accusés), mais aussi du personnel judiciaire.

Anonymisation des décisions de justice

Cette anonymisation figure bien dans le décret, puisqu’il est question de « mesures d’occultation des éléments d’identification des personnes physiques, parties ou tiers ou bien encore magistrats ou membres de greffe, en cas d’atteinte à leur vie privée ou leur sécurité ». Les mentions à biffer sont les prénoms et les noms, ainsi que d’autres éléments en fonction des circonstances.

La mise à disposition des décisions de justice est confiée à la Cour de cassation et au Conseil d’État, la première pour ce qui relève des juridictions de l’ordre judiciaire et le second pour les instances de l’ordre administratif. Ces deux instances figurent chacune au sommet de la pyramide juridictionnelle. Cet open data couvre les trois degrés : première instance, appel et pourvoi.

Cette jurisprudence sera accessible au public depuis un portail web dédié, placé sous la responsabilité de la garde des sceaux, Nicole Belloubet. C’est aussi depuis cet espace qu’il sera possible de faire valoir ses droits d’accès et de rectification, conformément à la loi Informatique et Libertés, et de prendre contact avec les autorités compétentes pour des demandes d’occultation ou de levée d’occultation.

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Le Conseil d'État

Source : Lino Bento

Quant au délai de publication, il est de deux mois pour l’ordre administratif, à compter de la date de la décision, et de six mois, pour ce qui est de l’ordre judiciaire. Pas d’immédiateté, donc, ce qui se comprend non seulement par l’activité juridictionnelle soutenue en France et par la sensibilité du sujet, qui mêle des informations personnelles à  des affaires parfois sensibles.

Si cet open data concernera tout le monde, elle intéressera surtout le jeune secteur de la « legaltech » française, comme Doctrine ou Predictice. Ces services fournissent des outils de recherche et d’analyse juridique qui peuvent s’avérer décisifs pour les professionnels du droit, avocats comme magistrats, afin de mettre au point une stratégie juridique ou consulter la jurisprudence.

Cette ouverture constitue par ailleurs un big bang chez les éditeurs juridiques.

Comme le faisait remarquer en 2016 la sénatrice Corinne Bouchoux, lors des débats sur l’open data de la justice, « Moins de 1 % des décisions des juridictions de première instance et d’appel sont disponibles en ligne sur Légifrance. Le reste est vendu à divers abonnés. Il n’est pas normal de devoir payer pour accéder à la jurisprudence de son pays ! ». Cette anomalie est aujourd’hui en passe d’appartenir au passé.

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