Lorsque la Commission européenne a présenté son « paquet automobile » le 16 décembre 2025, un sujet a écrasé tous les autres : la possibilité de vendre encore des voitures thermiques neuves après 2035. Dans ce brouhaha plus politique que pragmatique, un autre volet est passé plus inaperçu : le soutien aux fabricants européens de batteries. Cet aspect est pourtant au cœur même de l’électrification et de la souveraineté européenne dans ce domaine.
Face aux suppliques répétées des acteurs de la filière, Bruxelles a confirmé la mise en place d’un plan de 1,8 milliard d’euros, dont 1,5 milliard d’euros de prêts à taux zéro destinés à aider des acteurs comme ACC, Verkor ou PowerCo à traverser une période critique dans leur développement industriel.
Sortir de « la vallée de la mort » pour les nouveaux acteurs
Selon ses statuts, la Commission européenne n’a pas le droit de soutenir directement la production, même si c’est pour éviter qu’une filière ne périclite avant même de réussir. Bruxelles a donc trouvé un moyen détourné pour apporter une aide aux entreprises de la filière. C’est pour cette raison qu’il s’agit de prêts à taux zéro et non d’une simple enveloppe d’aides comme l’Europe le faisait pour accompagner la construction des usines. Cette étape est pourtant loin d’être la phase la plus critique pour ces entreprises. Le nouveau plan cible désormais l’étape la plus risquée : la montée en cadence de la production.

C’est précisément ce moment que redoutent les industriels et là où certains ont déjà échoué. Produire des cellules de batteries à grande échelle relève de la chimie fine, avec des taux de rebut élevés tant que les process ne sont pas parfaitement maîtrisés. Tant que ce seuil n’est pas atteint, les usines brûlent du cash.
Dans un communiqué publié sur LinkedIn, ACC a salué « une approche pragmatique face à la réalité du marché », estimant que l’Europe reconnaît enfin la réalité du marché, côté offre comme côté demande, tout en rappelant que la rapidité et la simplicité de mise en œuvre seront décisives. Il faut dire que l’entreprise est engluée dans cette période où trop de cellules ne sont pas viables et que les packs batterie ne sont constitués qu’au compte-goutte.
Bruxelles n’avait pas vraiment le choix
Aujourd’hui, près de 99 % des batteries installées dans les voitures électriques européennes proviennent d’acteurs chinois ou sud-coréens, selon les chiffres cités par Les Échos. Cette dépendance ne concerne pas seulement les cellules, mais aussi l’accès aux matières premières, largement contrôlé par la Chine. D’ailleurs, le plan de 1,8 milliard d’euros prévoit 300 millions sous forme de prêts sans intérêt pour les fournisseurs de matières premières.
La faillite de Northvolt en 2024 a servi d’électrochoc. Elle a montré que bâtir une filière batterie européenne ne se résumait pas à poser des usines sur une carte. Sans soutien pendant la phase de rodage industriel, même les projets les plus ambitieux peuvent s’effondrer en quelques mois par manque de liquidités.
Un coup de pouce bienvenu, mais insuffisant
Sur le papier, le signal apparaît assez fort, mais les montants annoncés interrogent. Les 1,5 milliard d’euros prévus pour l’année restent modestes au regard des centaines de milliards investis en Chine pour arriver à leur niveau d’expertise, ou des aides massives déployées aux États-Unis via l’Inflation Reduction Act.

Plusieurs experts soulignent que ce plan peut aider à passer un cap, sans garantir une compétitivité durable face aux géants asiatiques. Même si ce soutien ne s’adresse qu’à quelques acteurs comme ACC, Verkor ou PowerCo, qui sont dans la phase la plus critique, les montants du prêt sont une goutte d’eau dans un océan. Il faudrait probablement multiplier ce soutien par 10 pour commencer à offrir une véritable sécurité à ces entreprises. Cela leur permet néanmoins de faire baisser le coût de la dette ou d’espérer ne pas manquer de trésorerie en cours d’année, mais cela ne leur offre pas vraiment les clés pour réussir à rattraper le retard pris sur les fabricants chinois.
D’autant que les critères précis d’attribution des prêts n’ont pas encore été détaillés. Et comme le rappellent les industriels eux-mêmes, un soutien annoncé trop tard ou trop lent perd une grande partie de son efficacité, surtout s’il s’accompagne de lourdeurs administratives. La Commission européenne s’est engagée à simplifier le processus, mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
L’année 2026 s’annonce charnière pour la filière de la batterie européenne. Cela risque d’être un sujet à surveiller de près, car les constructeurs européens ont beaucoup misé sur celle-ci, sans forcément avoir de plan B.
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