Les usines tournent au ralenti, les clients s’impatientent et les batteries françaises de la société ACC peinent à suivre. En pariant tout sur un fournisseur encore en rodage, Stellantis se retrouve aujourd’hui piégé par sa propre audace industrielle.

Plusieurs usines Stellantis vont ralentir ou suspendre leur activité dans les prochaines semaines. Si certaines sont touchées par une faible demande, celle de Sochaux fait face à un autre problème : une pénurie de batteries ACC pour les versions électriques à grande autonomie des Peugeot e-3008 et e-5008.

Pourtant, le discours de l’entreprise ACC reste le même depuis des mois : la production des batteries depuis l’usine française de Douvrin suit le programme prévu. La montée en cadence est là, selon les représentants de la marque. Hélas, cela n’est toujours pas suffisant pour satisfaire les besoins de Stellantis et certains clients commencent à regretter leur choix.

ACC progresse, mais lentement

Nous avons croisé à plusieurs reprises des représentants d’ACC en 2025, lors du lancement de la DS N°8. À chaque occasion, nous leur avons demandé où en était la montée en cadence de la fabrication des cellules et la réponse était toujours positive. Tout suit le programme établi et la montée en cadence est prudente, mais régulière. Rien ne devait gâcher le lancement de DS N°8 reposant sur les batteries françaises, nous disait-on encore en juin.

Usine de batterie ACC en France  // Source : ACC
Usine de batterie ACC en France. // Source : ACC

Dans un article de La Tribune du 12 septembre, le secrétaire général d’ACC indiquait que l’usine devrait produire en septembre « 40 000 modules de batteries pour équiper 4 000 voitures environ ». C’est bien mieux que les 140 véhicules équipés il y a un an alors que l’usine assemblait ses premières batteries. En attendant que l’usine puisse assurer une production de masse, un bouchon s’est créé côté Stellantis.

Un lancement commercial malmené pour plusieurs modèles

Plusieurs modèles du groupe Stellantis proposent des variantes qui doivent être équipées de ces batteries françaises : Peugeot e-3008, Peugeot e-5008, DS N°8, Opel Grandland, Citroën C5 Aircross. Il s’agit à chaque fois des batteries dites à grande autonomie d’une capacité de 97 kWh.

Après une longue attente, les premiers exemplaires du Peugeot e-3008 proposant jusqu’à 700 km d’autonomie ont été livrés à leurs clients. Les livraisons se font cependant toujours au compte-goutte. Les délais d’attente dépassent allègrement les 10 mois pour ces versions, comme en témoigne un client d’un e-3008 Long Range dont la commande passée en avril 2025 est annoncée pour une livraison en février 2026, et il est loin d’être un cas isolé. Des clients anglais ont même vu leur commande être annulée par Peugeot, car les livraisons auraient été hors délai, les concessions invitaient leurs clients à repasser commande pour des livraisons en 2026.

Batterie ACC de la DS N°8 // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Batterie ACC de la DS N°8. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Les quelques batteries ACC qui sortent actuellement de production doivent ensuite être livrées selon les priorités du moment, soit à l’usine française de Sochaux pour les Peugeot, soit en Allemagne pour l’Opel Grandland ou encore prendre la direction de l’Italie pour rejoindre la production de la DS. Normalement, la production des C5 Aircross Grande Autonomie sera lancée plus tard à Rennes. Les approvisionnements ne permettent donc pas d’assurer une production régulière.

La situation est telle que cela a poussé l’usine de Sochaux à placer 2 500 employés de Sochaux en chômage partiel, faute d’approvisionnement suffisant. La production des 3008 et 5008 va devoir être stoppée « les vendredis 10, 17 et 24 octobre, ainsi que les tournées de nuit du dimanche 5 et du vendredi 31 octobre » selon les propos récoltés par France 3. C’est un moindre mal par rapport au sort réservé à d’autres usines du groupe, mais c’est un signal quand même inquiétant, alors que la demande est là.

Un mauvais choix pour Stellantis ?

Dès la présentation du Peugeot e-3008, la batterie française d’ACC a largement été mise en avant. On promettait aux clients un véhicule offrant 700 km d’autonomie et avec une batterie française, le symbole est extrêmement fort. Même si les commandes pour cette variante à grande autonomie n’ont été ouvertes que bien après celle à batterie standard, c’était encore trop tôt pour que l’usine de batterie balbutiante puisse répondre à la demande. Toutefois, Stellantis devait continuer à dérouler son planning de lancement avec les autres modèles également équipés de cette batterie. Forcément, cela finit par ajouter encore plus de complexité à une situation déjà chaotique.

Plateforme STLA Medium  // Source : Peugeot
Plateforme STLA Medium. // Source : Peugeot

La stratégie de Stellantis relevait plus du pari que du calcul. Miser sur une batterie conçue par une entreprise encore en rodage, c’était un coup de poker industriel. Même Tesla, pourtant bien plus aguerri, a connu de sérieux revers avec ses cellules 4680, qu’il voulait absolument intégrer à ses nouveaux modèles (Cybertruck et Semi). Ces retards ont freiné la production à un niveau dangereux, cet exemple aurait dû servir de leçon aux autres géants de l’automobile. Imaginer que tout se passerait sans accroc avec ACC relevait de la foi plus que de la stratégie : un seul fournisseur, une seule usine, et tout le système cale, car il n’y a pas de plan B.

Les autres groupes automobiles diversifient leurs sources d’approvisionnement en batteries de plusieurs provenances ou de plusieurs fournisseurs pour éviter les bouchons en matière d’approvisionnement. Stellantis en a décidé autrement, la production a néanmoins déjà connu des blocages par le passé à cause des batteries CATL, leader du secteur. Les équipes dirigeantes sont donc pleinement conscientes des risques pris.

Production des Peugeot e-3008 à Sochaux  // Source : extrait Youtube 100 bornes
Production des Peugeot e-3008 à Sochaux // Source : extrait YouTube 100 bornes

En misant tout sur ACC, Stellantis a pris un risque industriel majeur. Promettre des modèles à batterie 100 % française avant même que la production des cellules ne soit stabilisée, c’est jouer gros. Aujourd’hui, les retards s’accumulent, les clients s’impatientent, et la vitrine de la transition électrique tourne au casse-tête. Est-ce que le jeu en valait vraiment la chandelle ?

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