Toute l’industrie automobile européenne est à l’unisson pour que l’Europe applique des règles destinées à les favoriser face aux constructeurs et équipementiers étrangers. Si la frontière est mince avec des mesures jugées protectionnistes, les acteurs de la filière s’en défendent : il s’agit pour eux de « contenu local ». Le terme est omniprésent, chez les constructeurs comme chez les politiques, notamment lors de la journée de la filière automobile du 4 novembre 2025.
Les industriels de la batterie, encore plus que les autres, attendent des annonces fortes le 10 décembre. Il en va de leur survie. « L’état de la chaîne de valeur européenne des batteries exige une action urgente », ont-ils prévenu dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen le 13 novembre, selon Automotive News Europe.
Que se cache-t-il derrière la politique de « contenu local » ?
Dans l’industrie automobile, le terme « contenu local » désigne la part de composants, de main-d’œuvre, de services ou de valeur ajoutée issus du pays où le véhicule est fabriqué ou assemblé. C’est un outil de politique industrielle et commerciale qui vise à garantir qu’une partie significative des composants stratégiques (comme les batteries, moteurs, packs électroniques) est produite sur le territoire européen. L’idée n’est pas d’imposer un « tout européen » sur des véhicules, ce qui serait techniquement impossible rien qu’avec la question de l’approvisionnement en matières premières. Il s’agit en revanche de maintenir des débouchés aux industriels locaux, là où se joue une partie de la valeur ajoutée.

Concrètement, cela peut passer par plusieurs leviers : conditionner des aides publiques à l’utilisation de batteries assemblées dans l’UE, inclure des critères de contenu local dans les appels d’offres publics, ou adapter les futurs standards CO₂ pour valoriser les véhicules intégrant des composants produits en Europe. Le gouvernement français a déjà commencé à poser les premiers jalons dans ce sens, avec le coup de pouce CEE et la surprime de 1 000 € pour les batteries produites en Europe. Il faudrait désormais que l’ensemble des États membres adoptent des mécanismes similaires.
Ce que réclament les fabricants européens de batteries
Une telle politique permettrait au secteur de la batterie d’apporter une visibilité à long terme aux investisseurs et éviter que les gigafactories européennes ne chutent l’une après l’autre, happées par la concurrence asiatique. La filière européenne de la batterie se décrit comme la « pierre angulaire » de l’objectif 2035.
Dans la lettre révélée par Automotive News Europe, les principaux acteurs de la chaîne batterie sont unanimes : sans règles contraignantes, la filière ne survivra pas. Et l’Europe perdra sa tentative de souveraineté sur ce domaine. Cette lettre a été notamment signée par deux fabricants de batteries implantés en France : ACC et Verkor, ainsi que par Albemarle, géant américain de la chimie des cellules.
Ils réclament que l’Industrial Accelerator Act introduise un seuil minimal de contenu local, des incitations ciblées dans les appels d’offres et la reconnaissance que les étapes en aval doivent être réalisées en Europe. Les États-Unis, la Chine et la Corée appliquent déjà des dispositifs similaires, ce qui fait de l’Europe « l’un des derniers bastions sans règles » favorisant la production locale.
Les industriels insistent : il ne s’agit pas de bannir les composants étrangers ni de fermer la porte aux fabricants chinois comme CATL, mais de leur imposer les mêmes règles pour rééquilibrer une concurrence largement en faveur de l’Asie. Sans cela, même les projets avancés comme ACC resteront fragiles face à des importations moins chères.
Une filière déjà en difficulté, au bord de la rupture
Le contexte est alarmant pour la batterie européenne :
- Northvolt a fait faillite malgré plusieurs contrats signés (même si la demande n’a pas été la raison de l’échec) ;
- ACC a dû suspendre ses projets en Allemagne et en Italie et peine toujours à monter en cadence dans son usine française ;
- Plusieurs initiatives plus modestes ont abandonné leurs ambitions initiales faute de financements ou de clients.

Le problème de la filière ne vient pas que d’un manque de compétitivité au niveau de la concurrence asiatique. Elle a aussi démarré bien trop tardivement pour pouvoir s’aligner sur les volumes proposés par les fournisseurs étrangers comme CATL, BYD, CALB ou LG. Ces entreprises sont à une période très critique où le cash est brûlé à un rythme rapide pour tenter de faire monter en cadence la production. Cette phase entre la mise au point du produit et le moment où les frais de production sont couverts par les ventes peut durer des mois, voire des années, pour ces gigafactories fraîchement sorties de terre. Une bonne partie des acteurs européens sont en train de traverser ce qui est qualifié comme « vallée de la mort », et sans soutien financier et réglementaire de l’Europe assurant des débouchés, certains n’y survivront pas.
À cela s’ajoute une autre fragilité : l’Europe ne contrôlera jamais l’intégralité des matières premières.
La Commission européenne, qui ne finance normalement pas la production, a tout de même débloqué 1,8 milliard d’euros jusqu’en 2027 pour soutenir la filière. Mais cela ne suffira sans doute pas. Le message adressé à Bruxelles est clair : sans un cadre robuste le 10 décembre, l’Europe pourrait perdre une industrie estimée à 250 milliards d’euros par an… avant même de l’avoir réellement exploitée.
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