Dans l’indifférence quasi générale, Tesla a publié son quatrième Master Plan le 1er septembre sur X (ex-Twitter). Ce qui traçait autrefois la ligne directrice de l’entreprise n’a plus vraiment de sens. Pire encore, j’en suis arrivée à me demander si cette dernière itération du Master Plan n’a pas été générée par Grok, l’IA d’Elon Musk.
Tesla reste un sujet sensible. L’entreprise a perdu de sa magie et de sa compétitivité, mais critiquer la stratégie d’Elon Musk expose toujours autant à des réactions virulentes. Ses sorties politiques n’ont pas totalement disparu des mémoires, son recentrage industriel reste flou, et l’ensemble donne l’impression d’une entreprise en pilotage automatique avec un commandant de bord occupé ailleurs.
Commencer un nouvel ouvrage sans finir le précédent
Elon Musk ressemble à un enfant qui s’éparpille : il entame sans cesse de nouveaux projets sans boucler les anciens qui l’ennuient déjà. Le premier Master Plan (2006) peut être considéré comme achevé, mais le deuxième (2016) et le troisième (2023) ne le sont pas.
La première étape – passer de véhicules sportifs et chers à une gamme plus abordable – a fait entrer l’entreprise dans l’histoire. Et même si Tesla refuse désormais d’aller encore plus loin avec la fameuse voiture à 25 000 €, maintes fois promise, impossible de lui retirer ce succès.
La deuxième partie, consacrée à l’élargissement de la gamme (SUV, pick-up, poids lourds, bus), à l’autonomie des véhicules et à l’énergie solaire, progresse à son rythme. Néanmoins, beaucoup de ces développements restent pour l’heure embryonnaires – souvent limités aux États-Unis – et avec un avenir parfois assombri par les nouvelles ambitions de l’entreprise.
Quant au troisième Master Plan, Tesla annonçait vouloir accélérer la décarbonation totale du monde entier en dépassant largement le cadre des activités de Tesla : transport maritime, aviation, déploiement des énergies renouvelables… L’objectif de réduire la dépendance aux énergies fossiles était probablement un projet trop ambitieux, même pour Tesla. Je ne pense pas avoir besoin de faire le point sur l’avancée de cette grande ligne directrice de 2023.
Changement de cap
Si les premiers plans apparaissaient comme une suite logique, le dernier de 2025 s’en écarte. Il ne fait qu’appuyer les dernières lubies d’Elon Musk : la robotique et l’IA. Ce n’est pas vraiment une surprise, Elon Musk n’a plus que ces mots à la bouche depuis plusieurs trimestres (et ce n’est hélas pas le seul). Mais comment des robots humanoïdes vont-ils sauver la planète ?
Ce qui gêne dans ce dernier Master Plan, ce n’est pas tant le virage pris, que la manière de le justifier avec un jargon qui relève du « plus c’est gros, plus ça passe ». Exemples à l’appui : « notre désir d’aller au-delà de ce qui est considéré comme réalisable favorisera la croissance nécessaire à une abondance véritablement durable. » Mais aussi : « les produits et services nés de l’accélération vers une abondance durable feront progresser l’humanité en résolvant des problèmes concrets. » Ou encore : « créer des produits technologiquement avancés, abordables et disponibles à grande échelle est nécessaire pour bâtir une société prospère et sans contraintes. »
Vous n’avez rien compris ? C’est probablement normal. Ce type de discours, utilisé habituellement en politique, est tout l’art de mettre des mots ronflants bout à bout pour ne surtout rien dire de concret. Il y a bien quelques passages moins abstraits, mais 80 % du texte ressemble à des divagations aussi floues qu’utopiques. Ce manifeste pour l’IA toute-puissante replace Elon Musk dans son rôle préféré : celui du génie incompris. Le problème, c’est que derrière lui, des milliers de salariés de Tesla et des investisseurs aimeraient bien savoir si l’avion qui change de cap en plein vol a encore assez de carburant pour atteindre sa nouvelle destination.
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