Condamné pour fraude, gracié par Donald Trump, et désormais en quête de 69 millions de dollars auprès de son ancienne entreprise en faillite. Trevor Milton, l’ex-patron déchu de Nikola, transforme sa chute en théâtre de boulevard.

Nikola voulait transformer le transport de marchandises avec des camions électriques et hydrogène. Mais la bulle spéculative entourant les jeunes pousses de la mobilité électrique, a eu raison de l’entreprise. Après une valorisation record en 2020, le scandale rattrape Nikola et son patron, Trevor Milton.

Après une condamnation pour fraude, l’entrepreneur se retrouve finalement gracié par Trump en 2025. L’histoire ne s’arrête pas là, comme le souligne le média Electric-Vehicles. Trevor Milton se retourne dorénavant contre son ancienne entreprise et leur réclame 69 millions de dollars, alors que l’entreprise est en faillite.

Retour sur l’histoire des camions Nikola

Comme beaucoup d’entrepreneurs, Trevor Milton a lancé Nikola avec l’ambition de révolutionner le transport dès 2014. Il s’oriente néanmoins sur un créneau moins grand public : le transport de marchandises avec des camions électriques et à hydrogène. Surfant sur le succès et les méthodes de Tesla, l’entreprise commence à promettre beaucoup et à attirer l’attention des investisseurs. En 2020, sa société Nikola était valorisée plus de 34 milliards de dollars, une bulle spéculative risquée, surtout que derrière les promesses, la révolution patinait quelque peu.

Le camion Nikola One 'en mouvement' // Source : YouTube Nikola
Le camion Nikola One ‘en mouvement’ // Source : YouTube Nikola

Un rapport au vitriol du fonds Hindenburg Research avait exposé certaines supercheries de l’entreprise : prototypes non fonctionnels, vidéos truquées montrant un camion dévalant une pente pour « prouver » sa capacité à rouler, promesses intenables et partenariats fantômes. La bulle a éclaté. Trevor Milton s’est retiré de la direction de l’entreprise, puis a été poursuivi pour fraude et finalement condamné en 2022 pour avoir trompé les investisseurs.

Trevor Milton a été jugé responsable et doit s’acquitter d’une grande partie des 125 millions de dollars d’amende réclamés par le gendarme de la bourse américain (SEC). Suite à cela, Nikola tente de surmonter l’épreuve. L’entreprise peine à lancer ses véhicules en production et perd la confiance de ses partenaires. En février 2025, l’entreprise dépose le bilan, incapable de payer ses créanciers et actionnaires.

De son côté, en mars 2025, Trevor Milton reçoit une grâce présidentielle de Donald Trump, annulant sa condamnation et relançant les débats sur ses indemnités et les responsabilités de Nikola, ce qui ne va pas arranger les affaires de l’entreprise.

« Le pardon efface tout » : Trevor Milton réclame 69 millions

Depuis sa faillite, Nikola est en liquidation sous la protection du Chapitre 11 américain. Les créanciers tentent de récupérer ce qu’il reste de valeur. D’ailleurs, l’usine Nikola appartient désormais à Lucid.

Trevor Milton (ex-patron de Nikola) et Donald Trump // Source : Montage Raphaelle Baut
Trevor Milton (ex-patron de Nikola) et Donald Trump : une grace négociée à millions de dollars // Source : Montage Raphaelle Baut

Pourtant, Trevor Milton estime que son ancien employeur (déjà à genoux) lui doit la modique somme de 69 millions de dollars. Le montant correspond aux frais engagés lors d’un arbitrage en 2021 pour l’amende imposé par la SEC.

L’ex-patron de Nikola soutient que la grâce équivaut à une innocence totale, effaçant ses condamnations, et que Nikola ne devrait pas utiliser le dossier de son ancienne condamnation pour refuser sa demande. Il a déposé un recours au tribunal de faillite du Delaware fin juillet 2025, se basant sur ce principe et citant même un discours de Trump appuyant son innocence. Il plaide alors qu’il est éligible à des compensations. Une logique hallucinante : non seulement Nikola a été précipitée dans le gouffre par ses mensonges, mais l’ex-patron voudrait aujourd’hui siphonner les restes de la société pour financer sa croisade.

Nikola riposte : « une négligence grossière »

Sans surprise, Nikola rejette violemment cette demande. L’entreprise argue que Milton a agi de manière irresponsable, qu’il a ruiné la confiance des investisseurs et provoqué la faillite. Pour les avocats de Nikola, un pardon présidentiel ne réécrit pas l’histoire : la fraude a bien eu lieu, et Milton n’a pas à être indemnisé. Surtout pas au détriment des créanciers et des salariés licenciés.

Le tribunal devra trancher. Mais même en cas de rejet, l’affaire illustre l’absurdité d’un système où un patron déchu peut tenter de se refaire sur les décombres d’une société qu’il a lui-même coulée.

Un cirque médiatique autour de Trevor Milton

En parallèle de ses aventures judiciaires pour récupérer quelques millions, Trevor Milton soigne son image, ou plutôt essaye de réécrire l’histoire pour s’offrir un nouveau départ. À peine la grâce présidentielle prononcée, Trevor Milton lance son propre documentaire, censé raconter “sa vérité” sur Nikola.

Le documentaire sobrement nommé : « Condamnation ou conspiration : La saga de Trevor Milton (Documentaire officiel) » est diffusé gratuitement depuis le 10 juin sur Youtube. Il cumule désormais 28 millions de vues, mais les commentaires ont été étrangement désactivés. C’est en tout cas une belle masterclass de victimisation et de rejet de la faute sur autrui. Un discours soutenu bien sûr par sa famille et ses plus fidèles soutiens de l’aventure Nikola. Si vous avez 1h47 à tuer, cela mérite le coup d’œil.

Interview entre Tucker Carlson et Trevor Milton // Source : capture youtube
Interview entre Tucker Carlson et Trevor Milton // Source : capture youtube

Le clou du spectacle est certainement l’interview qu’il a réalisé un mois plus tard dans l’émission de Tucker Carlson, figure de l’ultradroite américaine, où il s’est posé en victime d’un complot politico-financier. La vidéo humblement nommée « Comment Wall Street et le FBI se sont entendus pour détruire Trevor Milton après que sa technologie a menacé les grandes sociétés pétrolières » sur Youtube fait passer le documentaire pour fade. Là aussi, le popcorn est de rigueur pour accompagner les 1h42 de visionnage. Néanmoins, ces deux vidéos permettent de mieux connaître le personnage.

Trevor Milton a déjà réussi l’impensable : échapper à la prison et revenir dans le débat public. Mais son exigence de 69 millions ressemble plus à une provocation qu’à un plan de carrière, même si l’on ne doute pas que l’homme va bientôt revenir avec un autre projet d’entreprise. Si la justice venait à lui donner raison, ce serait un précédent délirant : un patron condamné puis gracié pourrait exiger réparation de l’entreprise qu’il a lui-même détruite. Il faudra encore attendre pour savoir si Trevor Milton repartira avec un chèque ou avec un énième revers.

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