La voiture électrique ne peut pas se développer sans infrastructure de recharge, mais l’inverse est également vrai. S’il n’y a pas suffisamment de voitures électriques, le réseau de recharge n’est pas viable. Si la France fait partie des bons élèves en matière de couverture de son territoire en bornes de recharge, une question me taraude depuis un moment : tous les acteurs du moment sont-ils assez solides pour survivre ? J’ai quelques craintes sur le sujet.
Il ne se passe pas un mois sans qu’une agence de presse vienne me vanter les qualités d’un nouvel opérateur de recharge. Ils sont plus d’une vingtaine à s’être lancés sur le marché de la recharge rapide. La concurrence est plutôt saine en règle générale, mais trop de concurrence peut aussi contribuer à faire tomber un château de cartes dont les fondations ne seraient pas assez solides.
Un développement coûteux
La multiplication des points de recharge est un régal pour les automobilistes qui roulent en voiture électrique. L’appréhension de la recharge commence à faire partie du passé, on trouve des bornes un peu partout. Mais cette tranquillité a un coût, et pas uniquement pour l’automobiliste qui y paiera sa recharge jusqu’à 5 fois plus cher qu’à domicile s’il ne fait pas attention à la tarification de certains fournisseurs.
La création de stations ultra-rapides (plus de 100 kW) est aussi particulièrement onéreuse : chaque borne haute puissance est vendue plusieurs dizaines de milliers d’euros. À cela s’ajoutent les travaux de génie civil et de raccordement, sans oublier le coût de l’électricité et de l’emplacement foncier. Il faudrait entre 6 à 10 ans pour rentabiliser les bornes rapides installées, à condition qu’elles aient un bon taux d’utilisation. Une fois l’installation réalisée, les dépenses ne cessent pas pour autant : la maintenance s’avère être un poste de dépense pas toujours bien anticipé par les opérateurs.
Le coup coût de la panne
Un certain reportage de TF1 a prouvé à quel point des bornes en panne pouvaient jeter l’opprobre sur la voiture électrique. On ne remercie au passage ni IECharge, ni TotalEnergies, d’avoir décrit les trajets en VE comme une vraie galère pour l’usager. Il ne faut pas non plus choisir la politique de l’autruche en affirmant que cela n’arrive jamais. Les trajets sans croiser au moins une borne hors service sont rares selon ma propre expérience. Le dernier baromètre de l’Avere de fin juillet donnait un taux de disponibilité des bornes rapides de seulement 75 %. Cela augmente considérablement le risque de tomber sur une borne défectueuse. Pendant ce temps, Tesla revendique un taux de disponibilité de ses superchargeurs proche de 100 %.
Parfois, un simple reboot à distance par l’assistance permet de faire fonctionner la borne à nouveau. Les plantages logiciels sont hélas fréquents. Il peut sinon s’agir d’une panne matérielle, et dans ces cas-là, les délais d’intervention passent de quelques minutes à plusieurs jours (ou mois). La réparation devient alors une question de disponibilité d’un technicien et de pièces de rechange. C’est souvent à ce niveau-là que le tri, entre les sociétés sérieuses et celles qui foncent droit dans le mur, pourra se faire.
Beaucoup (trop) d’acteurs
Ce marché encore balbutiant voit régulièrement arriver de nouveaux acteurs. Les subventions européennes et françaises ont pu aider les sociétés de recharge à se lancer. Cependant, elles doivent maintenant s’assurer d’être viables sur plusieurs années, et c’est une autre paire de manches. De mauvais choix d’implantations, de fournisseurs de bornes, de tarifications ou encore une mauvaise maintenance auront vite fait de faire fuir les clients vers un concurrent plus fiable.
Même les plus gros acteurs ne sont pas à l’abri de la sortie de route : Total a failli un temps perdre une partie de ses clients à cause des défaillances récurrentes de ses bornes, en plus de tarifs élevés. Heureusement, Total a su redresser la barre à temps. Ionity, qui semblait avoir toutes les cartes en main pour concurrencer Tesla, se retrouve désormais à jouer avec le feu dans ses choix stratégiques.
Selon un rapport de l’Autorité de Régulation des Transports (ART), 12 entreprises sont en mesure de répondre aux appels d’offre pour équiper les aires de service. Beaucoup de candidats pour peu de places. La guerre se joue dorénavant aussi en périphérie de ces grands axes. Nul doute que la question de la rentabilité va rapidement se poser. Espérons juste que cela ne se transformera pas en un nouvel épisode rappelant les déboires de Izivia en 2020. Son réseau avait été mis à l’arrêt du jour au lendemain sur autoroute.
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