L’Europe veut freiner l’invasion des véhicules électriques chinois en augmentant les droits de douane à leur encontre. Sous prétexte de vouloir protéger les constructeurs européens d’une concurrence déloyale, car supposée massivement subventionnée par le gouvernement chinois, la Commission européenne veut en taxer plus lourdement l’importation. Pourtant, les constructeurs européens ne sont pas favorables aux mesures protectionnistes. Tous craignent notamment un retour de bâton de la Chine contre eux.
L’Europe doit statuer dès le mois de juin 2024 sur une sanction financière, même si les résultats des élections européennes du 9 juin pourraient quelque peu changer la donne. En attendant, le média allemand Automobilwoche s’est penché ce 27 mai sur ce que pensent les constructeurs automobiles de la mesure.
De Stellantis à Renault en passant par les marques allemandes, ils sont unanimes
Carlos Tavares, le patron de Stellantis, a longtemps tenu un discours contre l’arrivée massive des constructeurs chinois en Europe, surtout grâce à la voiture électrique. Il a depuis quelque peu révisé son jugement, en nouant un partenariat avec le constructeur Leapmotor. Pour autant, comme les autres patrons de marques européennes, il considère que ces mesures protectionnistes « sont un piège ». Il critiquait particulièrement la décision américaine de pousser les droits de douane à 100 % sur les voitures chinoises, mais aussi sur les composants importés. Tout ceci ne fait que créer une bulle dans laquelle les pays concernés prennent un retard technologique notable, selon Carlos Tavares.
Le patron de Renault et président de l’association des constructeurs européens, Luca de Meo, a également souvent pris position contre cette décision de l’Europe de vouloir sanctionner les constructeurs chinois. L’Europe a besoin de se faire challenger par de nouveaux acteurs qui innovent. Cela pousse les constructeurs européens à agir rapidement.
Le même son de cloche se fait aussi entendre du côté des groupes allemands. Si Stellantis et Renault n’ont qu’un business très limité en Chine, ce n’est pas le cas de Volkswagen, BMW et Mercedes. Pour les constructeurs allemands, la Chine représente un marché crucial. Si la Chine répond avec une hausse de ses droits de douane, cela pourrait sanctionner les modèles haut de gamme de Mercedes et BMW, qui ne peuvent pas être produits là-bas. Voilà qui pourrait avoir de lourdes conséquences financières sur les groupes allemands. Oliver Zipse, patron de BMW, est parmi les plus virulents sur le sujet. Il a déclaré que « les droits de douane sont des protections fantomatiques par lesquelles nous nous faisons du tort qu’à nous-mêmes », cite Automobilwoche.
Le patron de Mercedes, Ola Kallenius, appelle plutôt à un alignement des droits de douane sur ceux de la Chine pour ne pas braquer les responsables politiques chinois. Le groupe Volkswagen s’oppose aussi à cette décision de l’UE. Il faut dire que Volkswagen tient à conserver sa place de meilleur constructeur étranger sur le territoire chinois, le groupe ne veut surtout ni froisser les politiques du pays, ni les clients, par ses prises de position.
Un texte européen mal rédigé pourrait coûter cher aux constructeurs européens
Le patron de BMW, Oliver Zipse, a mis le doigt sur l’un des problèmes que pourrait générer la mesure européenne : « Plus de la moitié des importations chinoises en Europe proviennent d’entreprises non chinoises. On voit donc très clairement à quelle vitesse on peut se tirer une balle dans le pied avec ça. »
Les statistiques du premier trimestre 2024 en Europe ont prouvé que plusieurs modèles fabriqués en Chine l’étaient pour le compte de marques européennes (ou étrangères) : Dacia Spring, BMW iX3, nouvelle Mini Cooper Electric, Honda e:Ny1, etc.
Les constructeurs chinois exportent bien des voitures sur le territoire européen, mais peinent à les vendre, ce qui pose d’ailleurs un problème d’encombrement dans les ports européens. Les faire produire en Europe, comme le souhaitent les dirigeants politiques européens, ne rendra pas les constructeurs chinois moins menaçants pour le marché automobile.
Un risque existe : les conditions des nouveaux droits de douanes pourraient sanctionner des constructeurs autres que Chinois. Pour autant, selon Automobilwoche, il n’est pas non plus exclu que le texte européen ne sanctionne que les constructeurs réellement subventionnés. Mais tout ceci ressemble dans tous les cas à une sacrée usine à gaz à mettre en place.
La Chine ne restera pas sans réagir, et c’est ce que redoutent les constructeurs européens. Au-delà de sanctionner en retour les véhicules européens vendus en Chine, le gouvernement pourrait aussi limiter l’accès des étrangers sur des matériaux stratégiques : semi-conducteurs, matières premières ou même batteries.
Freiner les voitures électriques chinoises en Europe est une chose, créer un conflit commercial ouvert avec la Chine en est une autre. Un sujet à suivre dans notre newsletter hebdomadaire Watt Else. Abonnez-vous pour ne rien manquer de ces sujets.
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