La voiture électrique permet de faire des économies sur le coût d’usage, c’est acté. Vanter 1 200€ d’économies d’essence par an, comme l’a fait le ministre de la Transition écologique en interview, est par contre un exercice plus discutable.

À l’antenne de Sud Radio, le 2 novembre 2023, le ministre la Transition écologique Christophe Béchut a affirmé que la voiture électrique permettait « d’économiser l’équivalent de 1 200 € d’essence par an ». D’où vient ce chiffre ? Est-il réaliste ?

Le chiffre annoncé par le ministre n’est pas sorti d’un chapeau. Il correspond aux données d’une analyse publiée par France Stratégie en novembre 2022 à la demande du gouvernement. Comme l’ont confirmé les équipes de Radio France, dans une chronique « vrai ou faux », l’affirmation est donc vraie, mais seulement dans un environnement spécifique, elle doit donc être utilisée avec prudence.

Une économie loin d’être une généralité

Les économies de 1 200 € par an (ou 100 € par mois) indiquées correspondent à un cadre précis : un gain sur l’essence et les frais d’entretien pour un foyer qui aurait troqué une citadine (segment B) thermique ancienne contre une voiture électrique de même catégorie. On peut imaginer, par exemple, le cas avec une ancienne Peugeot 207/208 et la version actuelle d’une Peugeot e-208.

Nouvelle Peugeot e-208  // Source : Raphaelle Baut
Peugeot e-208 (lors du salon de Lyon). // Source : Raphaelle Baut

L’économie pourrait même être supérieure sur un véhicule plus grand de type SUV Compact. L’étude a calculé une économie à l’usage de 1 500 € par rapport aux dépenses de carburant (et d’entretien) d’un véhicule thermique équivalent.

L’étude a également pris en compte différentes hypothèses concernant le prix de l’énergie : les tarifs de l’électricité disponibles au moment de l’analyse (2022) ; une version avec une augmentation de 60 % du coût de l’électricité ; une autre avec plus de 120 % du prix du kilowattheure. Il en résulte que, peu importe le tarif de l’électricité, et tant que la recharge est effectuée à domicile, l’étude confirme toujours un avantage pour le véhicule électrique par rapport au véhicule thermique ou hybride rechargeable. Si les prix de l’énergie venaient à doubler ou si l’inflation continuait d’augmenter, l’écart serait par contre bien moins important.

Bornes de recharge abusivement occupées // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Bornes de recharge dans un supermarché. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Toutefois, ceci ne s’applique que si la voiture électrique est rechargée à domicile. Si les recharges ne devaient se faire que sur un réseau public de bornes, généralement avec une charge plus couteuse, le cas sortirait du cadre de l’analyse remise au gouvernement.

Un surcoût à l’achat rentabilisé seulement au bout de 6 à 13 ans

Un autre élément qui n’est pas négligeable est le temps nécessaire pour absorber le surcoût à l’achat d’un véhicule électrique neuf (ou même d’occasion récente). Malgré les progrès réalisés, l’écart de prix entre un véhicule électrique et son équivalent thermique reste souvent de l’ordre de 10 000 €, voire 15 000 € pour une petite voiture (mini citadine et citadine polyvalente).

Renault Twingo - une mini citadine à plus de 25 000 € // Source : Renault
Renault Twingo, une mini citadine à plus de 25 000 €. // Source : Renault

Pour une citadine, le rapport précise que le surcoût à l’investissement n’est rentabilisé qu’au bout de 13 ans en l’absence d’aides à l’achat, ou 6 ans si les aides (bonus, prime à la conversion, etc.) ont pu être utilisées pour acheter la voiture électrique.

L’étude a aussi basé ses calculs sur une revente du véhicule après 6 ans, en partant sur des hypothèses de valeur résiduelle qui peuvent sembler assez optimistes. D’ailleurs, l’analyse met en garde : « les voitures électriques pourraient subir une décote plus importante en cas de progrès technique rapide, notamment sur l’autonomie des batteries ».

Tout ceci concerne d’abord les ménages intermédiaires ou aisés. L’étude mentionne bien qu’il faut prévoir de nouveaux dispositifs pour rendre accessible la voiture électrique à des foyers modestes. C’est le cas du dispositif de leasing social qui doit voir le jour dans les prochaines semaines.

Il est donc bien délicat de présenter la voiture électrique comme une solution universelle permettant d’économiser 1 200 € par an, comme l’a annoncé le ministre à la radio. Les chiffres sont vendeurs, surtout sans préciser le contexte, mais la réalité pourrait être bien différente pour certains acheteurs.

Le gouvernement français veut aider à l’adoption de la voiture électrique par tous les moyens. Un sujet que nous aurons l’occasion de décrypter régulièrement dans notre newsletter Watt Else. N’attendez pas pour vous inscrire, c’est gratuit.

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