« On n’y comprend plus rien à ce bonus. Bloquer les Chinois, on n’est pas forcément ni pour ni contre, mais notre budget n’est pas extensible pour d’autres modèles. » En discutant avec ce couple de jeunes retraités, il nous a semblé évident que quand la politique s’entrechoque avec le pouvoir d’achat, il en résulte des automobilistes qui se détournent de la voiture électrique. En tout cas, tant qu’ils ne seront pas obligés de s’y mettre.
Le salon automobile de Lyon, qui s’est tenu du 28 septembre au 2 octobre, est un événement à taille humaine. C’est un lieu où les visiteurs peuvent facilement avoir un bon panorama du marché automobile en un seul hall d’exposition, avec toutes les marques représentées. C’est aussi un espace particulièrement propice pour échanger sur la voiture électrique et les sujets connexes.
Un changement de bonus qui laisse perplexe
« Le bonus change encore ? Il sera de combien ? » Le changement annuel, des règles d’attribution du bonus ou des montants, n’aide pas le grand public à s’y retrouver. En demandant à des visiteurs du salon s’ils connaissent les règles d’obtention du bonus actuel et ce qui va changer en 2024, on observe deux catégories : ceux qui roulent déjà en électrique et connaissent les aides disponibles, et ceux qui sont novices et n’y comprennent pas grand-chose.
En 2024, le taux de pollution de six processus de fabrication et de distribution des voitures électriques sera pris en compte pour définir l’obtention de l’aide à l’achat de 5 000 € (ou plus). Au travers de ce calcul, le gouvernement français veut privilégier la production nationale aux dépens des autres pays.
Pour synthétiser le complexe texte du nouveau bonus, nous l’avons présenté d’abord comme une simple prise en compte de la pollution, dès la production de la voiture électrique et selon l’énergie consommée. Avec cette présentation, les Français interrogés sur le salon se disent dans l’ensemble assez favorable à la démarche. « C’est légitime, pour agir sur le climat », nous a répondu un des hommes interrogés. Les femmes sont aussi assez sensibles à cette prise en compte plus écologique du bonus, l’une d’elle précisait : « On regarde pour une électrique pour l’aspect écologique donc le bonus fait sens. De toute façon, on aura plus le choix pour rouler ici (à Lyon). »
L’accueil du nouveau bonus est bien plus mitigé, lorsque l’on précise qu’il a également été créé pour exclure les voitures chinoises, et plus largement asiatiques, de l’aide à l’achat. En interrogeant les visiteurs sur les stands de Byd, Dacia ou de Tesla, plusieurs réactions similaires ont été entendues : « Sans le bonus sur cette voiture, elle n’entre plus dans notre budget », comme nous l’a confié un couple de retraités dépité,s car ils n’avaient pas prévu d’acheter dans les trois prochains mois.
Une exclusion des véhicules chinois, pas vraiment juste
Croisé sur le stand Leapmotor, un couple en activité dans l’automobile – propriétaire de plusieurs voitures électriques – est venu sur le salon de Lyon pour voir physiquement la citadine T03. Cette voiture chinoise offre un bon rapport qualité/prix par rapport à leur ancienne Zoé. Avec le bonus actuel, des offres en LOA/LDD la rendent accessible dès 99 €/mois, comme d’autres modèles chinois. Sachant que la voiture n’aura probablement plus droit au bonus 2024, ils sont venus spécifiquement demander une offre : « une affaire à ne pas louper », selon eux.
Après avoir comparé les prix de la nouvelle Peugeot e-2008 à ce qu’ils ont vu quelques minutes plus tôt sur le stand Tesla, un couple comprend mieux pourquoi le gouvernement veut favoriser les marques françaises par le bonus : « Sans cet avantage, Peugeot est trop cher pour ce que c’est ». Ces clients, qui roulent en Peugeot 2008 récente et sont assez fidèles aux marques françaises, ont été agréablement surpris par les stands de BYD et de Tesla.
« Pourquoi seulement l’appliquer au bonus et pas au malus ? » Le malus s’ajoute à la facture lors de l’achat d’un véhicule thermique (ou hybride) neuf. Son montant est révisé annuellement selon une grille de valeurs d’émissions de CO2 à l’échappement. Dès 118g/km de CO2, un véhicule devra payer le malus : de 50 € pour le minimum, et jusqu’à 60 000 € supplémentaires au maximum. Cette remarque sur la différence entre la méthode de calcul du bonus et du malus nous a paru pertinente, même si les sanctions financières sont déjà élevées. À l’exception de la fabrication de la batterie, la production de véhicules thermiques n’est clairement pas plus vertueuse que celle de voitures électriques.
La réponse tient certainement au fait que les marques chinoises ne menacent pas vraiment le marché de la voiture thermique. Il n’y a donc pas besoin de trouver un moyen supplémentaire de sanctionner ces marques plus durement que les autres.
Une solution nécessaire pour lutter contre le dumping chinois
Une scène nous a marqués. Sur le stand Leapmotor, une femme tourne autour de la T03. Une commerciale l’invite à s’installer à bord. Elle ressort de la voiture, très enthousiaste, puis apprend que la marque est en fait chinoise. En quelques secondes, l’attitude change diamétralement : « Je pensais que c’était une voiture française », avec une mine étonnée. Avant de poursuivre : « Jamais je n’achèterai de voiture chinoise. », pour des raisons politiques. Quand on mentionne le bonus « anti-voitures chinoises », elle ne peut alors que se réjouir : « Ils ont assez de subventions comme ça, on ne va pas leur donner notre argent public en plus. »
C’est une remarque que l’on a entendue à plusieurs reprises, de manière plus modérée, auprès d’autres visiteurs. Si certains sont très favorables à ne soutenir que les véhicules français, voire ceux européens, d’autres visiteurs sont eux beaucoup plus pragmatiques : « Tout est chinois de nos jours, alors rouler en voiture française qui a des pièces chinoises ou en voiture chinoise fabriquée là-bas, quelle différence ? »
La question du nouveau bonus est donc surtout politique, et comme tout sujet politique, il divise les Français. Des questions posées sur le salon, il ne ressort pas une majorité nette en faveur ou contre le nouveau bonus. Le seul élément sur lequel tous ont été d’accord, c’est qu’en expliquant le calcul du score environnemental, ils ont admis que c’était « une usine à gaz ».
En prévision du salon, nous avions imprimé une page des formules mathématiques de l’article 3 du score environnemental. Les réactions ont fait sourire : « je suis trop nulle en maths, ce n’est pas pour moi » ou encore « ils y comprennent quelque chose les politiques à ce charabia ? ». Nous les avons rassurés en disant que seul le personnel de l’Ademe n’aurait à maîtriser ce calcul, et que les clients auront accès qu’au résultat des équations qui déterminera qui aura le bonus ou non.
Le bonus écologique est-il une bonne ou mauvaise idée de la France ? C’est en tout cas un des sujets sur lequel la newsletter de Numerama va chercher à vous accompagner pour mieux comprendre cet aspect de la mobilité électrique. Watt Else, c’est notre newsletter éditée tous les jeudis à recevoir directement dans votre boîte mail.
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