La chaleur extrême peut affecter le fonctionnement des machines, et le fait que de nombreuses machines dégagent de la chaleur n’arrange pas les choses.

Les humains ne sont pas les seuls à devoir rester au frais, en cette fin d’été marquée par les records de chaleur. De nombreuses machines, allant des téléphones portables aux voitures et avions, en passant par les serveurs et ordinateurs des data center, perdent ainsi en efficacité et se dégradent plus rapidement en cas de chaleur extrême. Les machines génèrent de plus leur propre chaleur, ce qui augmente encore la température ambiante autour d’elles.

Nous sommes chercheurs en ingénierie et nous étudions comment les dispositifs mécaniques, électriques et électroniques sont affectés par la chaleur, et s’il est possible de récupérer et de réutiliser cette chaleur efficacement.

Même sans pic de chaleur, aucune machine n’est parfaitement efficace. Toutes subissent des frictions internes en fonctionnement, qui dissipent de la chaleur. Or plus il fait chaud à l’extérieur, plus la température du dispositif sera élevée.

Ainsi, les téléphones portables et les autres appareils équipés de batteries lithium-ion ne fonctionnent pas aussi bien au-delà de 35℃ — ceci afin d’empêcher la surchauffe et le stress thermique pour les composants électroniques.

Des systèmes de refroidissement innovants, par exemple basés sur fluides à changement de phase contribuent à maintenir les appareils à des températures raisonnables, mais dans la plupart des cas, la chaleur reste dissipée dans l’air. Le problème subsiste : plus l’air environnant est chaud, plus il est difficile de maintenir l’appareil suffisamment froid pour qu’il fonctionne efficacement.

En outre, plus les machines sont proches les unes des autres, plus la chaleur dissipée aux alentours est importante.

Une déformation des matériaux causée par des températures élevées

Les températures élevées dues aux conditions météorologiques ou à la chaleur dissipée par les machines elles-mêmes peuvent entraîner la déformation des matériaux utilisés. Un effet qui se comprend aisément au niveau moléculaire.

À l’échelle moléculaire, la température se traduit par la vibration des molécules. Plus il fait chaud, plus les molécules qui composent l’air, le sol et les matériaux des machines vibrent et s’agitent.

Lorsque le métal est chauffé, ses molécules vibrent plus rapidement, et elles s’éloignent les unes des autres : le métal se dilate.

À mesure que la température augmente et que les molécules vibrent davantage, l’espace moyen entre elles s’accroît : c’est ainsi que la plupart des matériaux se dilatent en chauffant. C’est le cas sur les routes : le goudron se dilate, se rétracte, et finit par fissurer. Ce phénomène peut également se produire dans les matériaux qui constituent nos ordinateurs et nos véhicules.

bitume fissure
Le bitume se fissure sous l’effet de la chaleur, car les températures élevées augmentent la distance entre les molécules, ce qui provoque la dilatation et la déformation du matériau. // Source : Zoshua Colah

Des chaleurs causant des retards de voyage et un risque pour la sécurité

Les températures élevées peuvent également modifier les propriétés des huiles de moteur, voire des défaillances. Par exemple, si la température augmente de 17 ℃ lors d’une vague de chaleur, la viscosité d’une huile standard de moteur — son épaisseur — peut tripler.

Or les fluides tels que les huiles de moteur deviennent plus fluides en chauffant : s’il fait trop chaud, l’huile risque de ne pas être assez épaisse pour lubrifier les pièces du moteur et les protéger efficacement contre l’usure.

À l’inverse, l’air contenu dans les pneus se dilate par temps chaud, et la pression des pneus augmente, ce qui peut accroître l’usure et le risque de dérapage.

Les avions ne sont pas non plus conçus pour voler à des températures extrêmes. En effet, lorsqu’il fait chaud, l’air se dilate et occupe plus d’espace : il est moins dense. Cette densité de l’air réduite diminue le poids que l’avion peut transporter en vol, ce qui peut entraîner d’importants retards ou des annulations.

Des batteries dégradées à cause de la chaleur

De façon générale, l’électronique des téléphones portables, ordinateurs personnels et autres centres de données se compose de nombreux matériaux qui réagissent différemment aux changements de température. Comme ils sont proches et dans des espaces restreints, s’ils se déforment différemment les uns des autres, cela peut entraîner une usure prématurée et une défaillance.

Les batteries lithium-ion des voitures et des appareils électroniques se dégradent plus rapidement à des températures élevées, parce que celles-ci augmentent la vitesse des réactions chimiques au sein des batteries. Notamment, les réactions de corrosion qui consomment le lithium réduisent la capacité de stockage de la batterie. Des recherches récentes montrent que les véhicules électriques maintenus à 32 ℃ peuvent perdre environ 20 % de leur autonomie.

Les data centers, des bâtiments remplis de serveurs stockant des données, doivent dissiper d’importantes quantités de chaleur afin de maintenir leurs composants au frais. Lorsqu’il fait très chaud, les ventilateurs travaillent plus dur pour que les puces ne surchauffent pas. Dans certains cas, des ventilateurs puissants ne suffisent plus à refroidir l’électronique.

Pour maintenir la fraîcheur dans les data centers, l’air sec qui arrive de l’extérieur est souvent envoyé à travers un matériau humide. L’eau s’évapore dans l’air et absorbe la chaleur, ce qui refroidit l’air. Cette technique, appelée « refroidissement évaporatif ou adiabatique », est généralement un moyen économique et efficace de maintenir l’électronique à une température raisonnable.

Mais le refroidissement par évaporation peut nécessiter une quantité importante d’eau. C’est un problème dans les régions où l’eau est rare, où cette eau pour le refroidissement s’ajoute à l’utilisation déjà intense des ressources intense des centres de données.

Les climatiseurs à la peine

Les climatiseurs peinent à fonctionner efficacement lorsqu’il fait très chaud à l’extérieur… au moment où l’on en a le plus besoin.

En effet, lorsqu’il fait chaud, les compresseurs des climatiseurs doivent travailler plus fort pour envoyer la chaleur des bâtiments vers l’extérieur, ce qui augmente de manière disproportionnée la consommation et la demande globale d’électricité.

Le trifluorométhane provient de la production de réfrigérant pour les réfrigérateurs et les climatiseurs. // Source : Pixabay
Les vagues de chaleur peuvent mettre à rude épreuve les climatiseurs qui tâchent de dissiper la chaleur. // Source : Pixabay

Au Texas, par exemple, chaque augmentation de 1 ℃ entraîne une hausse d’environ 4 % de la demande d’électricité.

Les fortes chaleurs entraînent ainsi une augmentation stupéfiante de 50 % de la demande d’électricité l’été dans les pays les plus chauds, ce qui augmente la menace de pannes et de pénuries d’électricité — en plus d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre.

Comment éviter les dégâts causés par la chaleur ?

Les vagues de chaleur et l’élévation des températures dans le monde entier posent d’importants problèmes à court et à long terme pour les populations comme pour les infrastructures. Heureusement, il y a des choses que l’on peut faire pour minimiser les dégâts.

Tout d’abord, il faut idéalement conserver les machines dans un espace frais, bien isolé ou à l’abri de la lumière directe du soleil.

De plus, on peut utiliser pendant les heures creuses les appareils à forte consommation d’énergie ou de recharger votre véhicule électrique — lorsque la consommation d’électricité est moindre. Cela permet de limiter les problèmes d’approvisionnement d’électricité au niveau local.

Exploiter la chaleur à son compte

Les scientifiques et les ingénieurs développent enfin des moyens d’utiliser et de recycler ces grandes quantités de chaleur dissipée par les machines. Par exemple, on peut utiliser la chaleur résiduelle des data centers pour chauffer de l’eau.

La chaleur dissipée pourrait également alimenter des systèmes de climatisation, comme les refroidisseurs à absorption, qui utilisent l’énergie de la chaleur pour alimenter les refroidisseurs grâce à une série de processus chimiques et de transfert de chaleur.

Dans les deux cas, l’énergie nécessaire pour chauffer ou refroidir provient d’une chaleur qui est d’ordinaire perdue. La chaleur résiduelle des centrales électriques pourrait en principe couvrir 27 % des besoins en climatisation des habitations, ce qui réduirait la consommation globale d’énergie et les émissions de carbone.

Les chaleurs extrêmes affectent de nombreux aspects de la vie moderne, et les vagues de chaleur ne vont pas disparaître pas dans les années à venir. Cependant, il est possible de faire en sorte que la chaleur travaille pour nous.

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Srinivas Garimella, Professor of Mechanical Engineering, Georgia Institute of Technology et Matthew T. Hughes, Postdoctoral Associate, Massachusetts Institute of Technology (MIT)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Source : Numerama

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