Il s’appelle KJ, il a maintenant 9 mois et demi. Peu après sa naissance, il a été diagnostiqué d’une maladie très rare : un déficit en carbamoyl-phosphate synthétase 1. Celle-ci provoque notamment des excès d’ammoniaque dans le sang, ce qui provoque toute une série de dysfonctionnements au niveau du système nerveux, menant souvent jusqu’au décès. Une transplantation de foie est couramment nécessaire.
Mais aujourd’hui, KJ est peut-être sauvé, ou en tout cas, son espérance de vie et ses conditions de vie ont été améliorées. C’est ce que l’on apprend dans une étude publiée le 15 mai 2025, ainsi que dans une vidéo de l’Hôpital pour enfants de Philadelphie. Les médecins ont utilisé une technique innovante appelée CRISPR. Récompensés par le prix Nobel de Chimie en 2020, ce sont (quasi) littéralement des ciseaux génétiques : ils permettent de supprimer, modifier, remplacer des gènes avec une grande précision. On parle d’édition génomique.

La thérapie CRISPR a souvent été décrite comme une promesse médicale qui pourrait tout changer dans les traitements médicaux de maladies héréditaires, ou encore des cancers.
Une course contre-la-montre de 6 mois
Dans le cas de KJ, sa maladie provient justement d’une mutation génétique, et celle-ci est individuelle : une thérapie générique ne peut pas la résoudre. C’est donc tout naturellement que les ciseaux génétiques, précis, individualisables, semblent pouvoir s’appliquer ici. Or, justement, cette équipe de généticiens menée par Kiran Musunuru travaillait déjà, depuis plusieurs années, sur ce type de thérapies à destination du foie ; en association avec Rebecca C. Ahrens-Nicklas, une chercheuse spécialisée dans les maladies métaboliques chez l’enfant.
Quand Musunuru a reçu la séquence génétique de KJ, dans l’espoir que les ciseaux génétiques puissent aider l’enfant, c’est une course contre-la-montre qui s’est déclenchée. Il fallait réaliser, en quelques mois seulement, un processus qui normalement prendrait des années. Il ne s’agissait pas seulement de concevoir une combinaison génétique réparatrice, mais aussi de la mettre à l’épreuve, chez des souris comportant cette mutation, puis chez des singes. Ensuite, c’est une doctorante, Sarah Grandinette, qui était chargée de créer jusqu’à 30 combinaisons génétiques, jusqu’à trouver la meilleure, notamment en s’appuyant sur un algorithme de machine learning.

Après 5 mois, les planètes semblaient s’aligner : la thérapie génétique personnalisée fonctionnait chez les souris et n’avait pas fait le moindre mal aux singes. Il fallait alors convaincre les autorités de santé de valider la thérapie — expérimentale — chez KJ, avec des délais encore une fois très courts. « Ils ont reconnu qu’il s’agissait d’une situation inhabituelle », raconte Musunuru au New Scientist. « KJ était très, très malade, et nous n’avions pas le temps de faire comme d’habitude. Lorsque nous avons officiellement soumis notre demande à la FDA [Food and Drug Administration], alors que KJ avait 6 mois, la FDA l’a approuvée en une semaine seulement. »
Après un top départ en août 2024, la première dose a été injectée à KJ au mois de février 2025. Six mois après. Pour appliquer la thérapie, les chercheurs ont utilisé des nanoparticules lipidiques, servant en quelque sorte de « véhicules » pour emporter le médicament, elles-mêmes dirigées par un ARN guide permettant de viser la bonne région.
Une version « plus modérée » de la maladie
Une première dose — légère, par sécurité — a d’abord été administrée, puis une seconde plus importante, à partir de laquelle des résultats sont apparus, et enfin une troisième censée être la dernière de cette thérapie.
Pour l’instant, les résultats sont bons, mais il faut en pondérer la portée à ce stade. Le mot « succès » n’est pas prononcé par l’équipe de recherche. « Il est encore trop tôt pour se prononcer définitivement sur l’efficacité du traitement », a précisé Rebecca Ahrens-Nicklas durant la conférence de presse. « Je pense que nous pouvons dire que ce traitement s’est avéré sûr et bien toléré, et qu’il y a des indices montrant qu’il a été bénéfique pour lui, mais nous avons besoin de plus de temps. »
À ce stade, Ahrens-Nicklas considère que KJ est atteint d’une version « plus modérée » de sa maladie, mais que celle-ci n’est « pas guérie ». Les chercheurs sont cependant d’accord sur un point : il s’agit d’un énorme bond en avant pour le futur de la médecine et le nombre de patients que cela pourrait aider est immense. Raison pour laquelle, d’ailleurs, l’étude a été publiée si vite.
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