L’idée pourrait paraître comique, mais elle est bien réelle. Dans un rapport publié sur le journal scientifique PNAS le 31 juillet 2023, István Szapudi, un astronome de l’université de Hawaï, a décrit une façon innovante pour faire baisser la température sur Terre. Son idée : diminuer l’impact du rayonnement solaire sur Terre grâce à une sorte de bouclier géant, installé en orbite autour de la planète grâce à un astéroïde, qui servirait de contrepoids.
Comme le note The Daily Beast, qui a repéré l’histoire en premier, cette idée relève de la géo-ingénierie, un ensemble de techniques qui permettraient hypothétiquement aux humains de contrôler le climat et les températures sur Terre. La géo-ingénierie fait l’objet de beaucoup d’attention ces dernières années, car certains scientifiques l’envisagent comme une solution face au réchauffement planétaire créé par l’être humain. Il s’agit pourtant d’un domaine très controversé, avec des projets qui pourraient avoir des conséquences bien plus graves.
Un parasol attaché à des astéroïdes pour réduire les rayonnements du Soleil
La géo-ingénierie se divise en plusieurs branches. Une première voie, qui propose la fertilisation de l’océan par le fer (ou ocean iron fertilization), consisterait à répandre en surface de l’océan des éléments de fer, ce qui aiderait au développement des phytoplanctons et permettrait in fine d’absorber plus de CO2. Une autre option, la remontée artificielle des eaux (ou artificial upwelling), propose de remonter l’eau de mer des profondeurs de l’océan, plus fraîches et riches en nutriments, à la surface, ce qui permettrait d’augmenter l’efficacité du phytoplancton, et donc d’absorber plus de dioxyde de carbone.
Enfin, une troisième voie : celle de la gestion du rayonnement solaire, ou solar radiation management, qui vise à réduire la quantité de rayons solaires qui arrivent sur Terre. Une option pour y parvenir serait d’ajouter une dose précise de dioxyde de soufre dans l’atmosphère terrestre, afin de mieux réfléchir une partie de la lumière du soleil. L’autre stratégie est de réduire le rayonnement du soleil sur Terre grâce à de vastes écrans de protection installés en orbite. C’est cette possibilité qu’évoque István Szapudi.
Dans PNAS, l’astronome a détaillé son plan. « L’un des principaux obstacles aux propositions visant à bloquer une petite fraction de la lumière du soleil depuis l’espace est le poids. Dans l’espace, le poids se traduit par des coûts irréalistes. » Or, l’endroit où le scientifique envisagerait de positionner son parasol de l’espace serait « au-delà du point de Lagrange L1, en direction du Soleil, où la pression du rayonnement solaire et la gravité de la Terre et du Soleil s’équilibrent ».
Les points de Lagrange sont « des positions dans l’espace où les forces gravitationnelles d’un système à deux corps, comme le Soleil et la Terre, produisent des régions d’attraction et de répulsion accrues », explique la Nasa. « Ces points peuvent être utilisés par les vaisseaux spatiaux comme ‘points de stationnement’ dans l’espace pour rester dans une position fixe avec une consommation minimale de carburant ».
Petit problème : le point de Lagrange L1 est situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, dans l’espace. Y installer un parasol assez grand et assez résistant pour protéger la planète des rayons du soleil semble être un défi impossible à relever. C’est là qu’intervient István Szapudi : « nous attachons le bouclier à un câble léger, avec une masse en contrepoids placée vers le Soleil ». Pour ce contrepoids, « la poussière lunaire ou les matériaux provenant d’astéroïdes peuvent servir de lest ».
Selon l’astronome, cette méthode permettrait de mettre en place un bouclier de protection plus proche de la Terre, mais avec sa masse gravitationnelle située en point L1. Ensuite, « le contrepoids devrait utiliser des treuils à énergie solaire pour allonger ou raccourcir les câbles afin de contrecarrer les effets déstabilisateurs de la Lune et du vent solaire ». Simple comme bonjour.
L’idée peut paraitre absurde, et István Szapudi a conscience des limites de ses calculs — qui ne prennent pas en compte tous les éléments, comme il le reconnait. Il écrit également que le plus grand défi technologique serait de développer des attaches assez robustes pour permettre à la structure de tenir. Il estime cependant que « le reste des technologies nécessaires sera bientôt disponible », les matériaux nécessaires à la fabrication du bouclier existant déjà. Il faudrait de plus « une base lunaire permanente », ou bien réussir à mettre en place un système de « manipulation d’orbite d’astéroïde ».
Néanmoins, selon le chercheur, « les travaux de R&D doivent commencer dès maintenant afin de produire à temps une solution technique qui servira de police d’assurance : un bouclier peut toujours être déployé si les autres efforts pour atténuer le changement climatique échouent ».
La meilleure option, avant qu’on en arrive là, reste tout de même de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La géo-ingénierie est contestée par beaucoup de scientifiques à plusieurs titres : elle détournerait justement de l’objectif principal et le plus urgent, l’atténuation, tout en risquant d’accroître encore plus le dérèglement du climat. Sans compter les risques diplomatiques : qui détiendrait les clés du mécanisme, alors qu’il concerne le monde entier ? Résultat, même si ce genre d’études peut paraître absurde de prime abord, l’encadrement lui-même de ce champ de recherches est devenu un enjeu au sein du domaine scientifique.
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