The Other Side of the Wind est un film tourné par Orson Welles entre 1970 et 1976. Jamais montés, les négatifs du film étaient notamment conservés jalousement par la dernière compagne du réalisateur, Oja Kodar. Après des péripéties interminables, Netflix a finalement réussi à boucler l’aventure : quarante années après, le film sera enfin monté et dévoilé.

Nous sommes en 2015 lorsque 400 000 dollars sont réunis lors d’une campagne de financement participatif sur Indiegogo par Frank Marshall, producteur du long métrage, Peter Bogdanovich, acteur du film et Filip Jan Rymsza. Mais le quatuor est alors en grande difficulté : ils estiment leur budget pour terminer le montage de The Other Side of the Wind de Welles à plus de deux millions de dollars. Et malgré la bonne volonté des internautes qui voulaient voir, après 40 ans de batailles juridiques, l’ultime film du réalisateur de Citizen Kane, la somme réunie ne permet pas de faire avancer le projet.

Orson Welles

CC Carl Van Vechten

Des bobines, des droits et des chimères

Plus de 1 000 bobines sont alors mises en sécurité et conservées, prêtes à dévoiler leur magie, mais sans financement, ni montage, ni restauration, ni musique originale — jamais enregistrée par Welles –, rien n’est possible. Le groupe n’a pourtant pas jeté l’éponge et à l’été 2015, M. Rymsza expliquait qu’une nouvelle source de financement était étudiée pour boucler, enfin, le budget nécessaire. Toutefois, les années ont passé et de nombreux backers d’Indiegogo se sont impatientés. Qu’allait devenir ce projet et ses bobines ? Une nouvelle chimère pour les cinéphiles passionnés par la carrière, toute en interruptions, en projets inachevés, et en promesses non-tenues de l’ineffable réalisateur américain.

Welles jouant dans son Macbeth

Welles jouant dans son Macbeth

Mais voilà qu’en 2017, le mystérieux nouvel investisseur dont parlait M. Rymsza dévoile enfin son identité : il s’agit évidemment de Netflix. Le géant de la SVoD, au porte-feuille toujours généreux, a vu là l’occasion de prouver sa légitimité à Hollywood. Ted Sarandos, directeur de la programmation de la firme, commente alors, satisfait : « C’est un travail amoureux et un cadeau fait à l’héritage d’un des plus grands réalisateurs de l’Histoire. »

Pourquoi avoir pris autant de temps pour relancer un projet qui n’attendait qu’un afflux de billets verts pour enfin rejoindre les studios ? Toujours selon M. Rymsza, l’arrivée de Netflix dans le quatuor a imposé une renégociation longue et difficile avec tous les ayants droit. Or ils sont nombreux à revendiquer la propriété de l’ultime œuvre de Welles : sa dernière compagne, qui a co-écrit le scénario, Oja Kodar était à convaincre, tout comme l’héritière du couple — Beatrice Welles. Entre autres.

It’s a wrap !

Voilà donc qu’après des années de tractations, quarante années après la fin du tournage, le dernier long métrage de Welles sera monté. Pour respecter l’œuvre, M. Marshall suivra l’opération de près et les notes rédigées par le réalisateur pour le film seront utilisées et respectées.

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Selon les experts, il ne manque que très peu de scènes et un film peut déjà être produit. Toutefois, la musique doit encore être composée. Enfin, le travail dans lequel Netflix précipite le quatuor est monumental : face aux 1 100 bobines précieusement gardées, les producteurs devront prendre leur temps et demandent déjà de la patience au géant de la SVoD. Ted Sarandos les a entendu puisqu’il ajoute dans le New York Times, toujours ravi de son coup : « C’est la beauté de Netflix… désormais nous avons tout notre temps. »

Pour rappel, The Other Side of the Wind est particulièrement attendu, non pas seulement parce qu’il aurait du sortir il y a 40 ans, mais bien parce que long métrage constitue un moment charnière dans la fin de carrière de Welles. Alors que le Nouveau Hollywood est en train de se former en Amérique avec sa pléiade de futurs génies, Welles reste isolé en Europe.

Tiré du documentaire, This is Orson Welles, Cannes, 2015

Tiré du documentaire, This is Orson Welles, Cannes, 2015

Mais en 1970, il imagine alors le secret d’un retour qui pourrait le propulser à nouveau sur les tapis rouges : une mise en abyme de sa propre vie, liant Hemingway et cinéma subjectif.

Le film du grand retour de Welles est donc un long métrage sur le retour à Hollywood d’un réalisateur vénéré mais déchu qui finit par se suicider, le même jour qu’Ernest Hemingway. Film dans le film, deux scénarios se suivent, comme deux droites parallèles, l’un est en couleur, l’autre en noir et blanc, pour donner deux perspectives différentes sur la soirée qui conduit à la mort du héros. Subjectif, expérimental et tragique, The Other Side of the Wind avait déjà tous les ingrédients en main pour devenir un film maudit et donc inestimable.

Il s’agit désormais de patienter, peut-être des années encore, pour retrouver sur Netflix un film tourné en 1970.

Source : Montage Numerama

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