Trois ans après la fin de Peaky Blinders, son créateur Steven Knight revient le 25 septembre 2025 sur Netflix avec House of Guinness, une petite sœur spirituelle sur la vie de la célèbre dynastie irlandaise. Attention, ça va mousser !

Depuis le carton planétaire de Peaky Blinders, qui a relancé à elle seule la coupe crop en France (on ne lui dit pas merci !), son heureux créateur, Steven Knight, n’a pas chômé. En 2024, il a créé les mini-séries This Town et The Veil, ainsi que la série A Thousand Blows, diffusée au début de l’année sur Disney+. Mais son projet le plus ambitieux est sans nul doute House of Guinness, sortie ce 25 septembre 2025, qui voit le showrunner investir le 19e siècle pour narrer en huit épisodes les aventures de la famille irlandaise derrière la marque à la harpe.

L’histoire débute en 1868, par la mort de Benjamin Guinness. Petit-fils de l’inventeur de la fameuse bière brune et homme le plus riche de l’Irlande, il laisse un testament face auquel ses quatre enfants restent sans voix : tandis qu’Anne et Benjamin sont écartés de l’entreprise (il est alcoolique, c’est une femme), il oblige Arthur, le frère aîné oisif, à faire équipe avec son frère cadet, Edward (le vrai gérant de la brasserie) et à s’impliquer dans l’entreprise s’il veut en hériter, ainsi que toutes les terres qui vont avec. 

Personne n’est donc satisfait du testament du patriarche, mais personne ne veut non plus être responsable d’avoir ruiné l’héritage des Guinness. 

Succession rencontre Peaky Blinders 

Si Steven Knight n’est pas à l’origine de l’idée (c’est Ivana Lowell, une descendante des Guinness fan de Downton Abbey, qui l’a eue), cette histoire était faite pour lui. Les premières images, sur fond de musique traditionnelle irlandaise, nous plongent dans l’antre de la brasserie en pleine ébullition, avec ses ouvriers aux ordres de Sean Rafferty (James Norton), le bras droit des Guinness. Une exposition flamboyante, pleine de rythme et de fureur, qui rappelle la mise en scène de Peaky Blinders.

Typographie vintage, musique rock décalée, séquences clippesques, dialogues épiques, mais pas franchement subtils (« Je suis la folie ! » lance Benjamin en tourbillonnant, sa bouteille de vin à la main)… House of Guinness respire le style désormais très connaissable de Steve Knight. Au point de flirter avec l’auto-parodie.

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« Elle est pas belle ma brasserie ? » // Source : Netflix

Esthétiquement, le créateur a opté pour une palette de nuances vertes (la couleur de l’Irlande) et ocre (symbole du feu et la bière selon les nuances). Ceux et celles qui se sont délectés devant les marches au ralenti de Tommy Shelby sur son cheval retrouveront ici une vibe similaire, moins le côté inédit de son style à l’époque.

La mélancolie du clan gitan des Peaky Blinders a laissé sa place à celle des Irlandais en quête de liberté pour leur pays — du moins une partie avec la présence des Féniens, un groupe nationaliste qui lutte par la violence pour l’indépendance. Et puis cette fois-ci, la série se centre sur une fratrie d’héritiers qui ont déjà tout, pas sur des outsiders écorchés vif comme les Shelby. Notre investissement émotionnel n’est donc pas le même. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas envie de suivre cette dynastie, mais comme la famille Roy dans Succession, ce sera avec une certaine distance, un peu ironique. 

Une série plus soap que politique

Entre les rivalités fraternelles, la gestion quotidienne du business mousseux et son expansion à New-York (échappé de Westeros, Jack Gleeson assume un rôle comique de représentant filou), les remous politiques intenses (Arthur brigue un mandat de député au parlement du Royaume-Uni, les Féniens fomentent des attentats) et les actions philanthropes d’Anne dans la campagne irlandaise dévastée par la famine, House of Guinness ne manque pas d’intrigues intéressantes à développer. Mais ces sujets restent traités en surface, avec un prisme soap.

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L’interprète de Joffrey Baratheon dans Game of Thrones a bien grandi : il vend désormais des bières en Amérique ! // Source : Netflix

Incarnés respectivement par Anthony Boyle et Louis Partridge, les frères Arthur et Edward Guinness, rôles principaux dans la série, sont convaincants dans leur partition respective. Entre le frère aîné qui se sent intouchable et le cadet besogneux et austère, leur alchimie fraternelle fonctionne bien, sans atteindre toutefois l’intensité des rapports entre Tommy et ses frères dans Peaky Blinders. N’est pas Cillian Murphy qui veut.

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Arthur et Edward Guinness : deux frères pour une seule bière. // Source : Netflix

Le showrunner aurait pu développer ses protagonistes avec davantage de nuances. Les personnages secondaires, assez nombreux dans cette série chorale, s’avèrent particulièrement sacrifiés, à l’instar du troisième frère. Uniquement caractérisé par son alcoolisme, le pauvre Benjamin (Fionn O’Shea, pourtant assez magnétique) fait vraiment tapisserie.

Une représentation LGBTQ+ bienvenue

La tribu Guinness sait qu’Arthur est homosexuel, mais cela doit rester un secret à une époque où l’on pouvait finir en prison, riche ou pas (Oscar Wilde, célèbre irlandais du 19e siècle, a été condamné à deux ans de travaux forcés pour « grave immoralité »). L’aîné des Guinness va donc se plier à un mariage lavande : ce terme désigne un mariage de convenance dans le but de cacher l’homosexualité ou la bisexualité de l’un des époux. Il choisit Lady Olivia Hedges (excellente Danielle Galligan), une noble qui ne s’en laisse pas conter, très au fait des préférences de son mari. 

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Un mariage de lavande fort heureux ! // Source : Netflix

La série prend le temps d’explorer la dynamique de ce couple platonique qui s’aime (du moins, au début de la série) sans pour autant coucher ensemble. « En amour, le cul n’est pas obligatoire », résume Arthur de son langage fleuri. 

Pour autant, tout n’est pas parfait côté représentation gay. La série est par exemple moins à l’aise sur les scènes de sexe gay que sur celles concernant des couples hétérosexuels, plus explicites. Arthur se comporte de manière frivole et lors d’une dispute avec son frère, il l’embrasse sur la bouche pour l’énerver (qui fait ça ?). Malgré tout, son orientation sexuelle apporte des scènes intéressantes et des dilemmes inédits au sein d’une histoire autrement très hétéronormative.

Une série qui manque d’amertume

À l’image de ceux de Peaky Blinders, les personnages féminins de House of Guinness tiennent un rôle secondaire, mais pas négligeable. On suit en particulier deux fortes-têtes, Lady Olivia et Ellen Cochrane (Niamh McCormack), présentée comme une résistante Fénienne stratège et intelligente. Malgré ces bonnes intentions de départ, Ellen est tout de même rapidement ramenée dans le champ de la romance. 

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Aimer ou faire de la politique, il faut choisir pour Ellen. // Source : Netflix

Enfin, Anne Guinness (Emily Fairn) représente la femme irlandaise bourgeoise de l’époque. Elle n’est pas la plus flamboyante, mais probablement la plus réaliste. Celle qui est assignée à son rôle maternel et qui trouve l’épanouissement dans ses bonnes œuvres.

La philanthropie des Guinness, connus pour procurer de bonnes conditions de travail à leurs employés, constitue un arc narratif à lui tout seul. Edward met en place un système de retraite, tandis qu’Anne mène à bien un grand projet de réhabilitation des docks de St-James, pour créer des appartements confortables aux employés. La série peut parfois donner l’impression de tourner à l’hagiographie des Guinness. Quelques scènes viennent tout de même rappeler que la richissime famille est parfaitement consciente de la valeur politique de ses bonnes actions. 

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Edward en pleine dégustation de sa bière préférée. // Source : Netflix

Divertissante, mais répétitive (les scandales à étouffer, les bonnes œuvres, les élections, les troubles politiques), House of Guinness assume un ton plus léger que Peaky Blinders, peut-être parce que ses personnages n’ont que des problèmes de riches ! Cela donne une série pas désagréable à visionner, mais un peu trop sucrée pour une pinte de Guinness. Une deuxième saison viendra peut-être apporter de l’amertume à l’ensemble. 

Reste que si vous aimez les séries d’époque à la réalisation et à la bande-son soignée et regarder des hommes qui marchent au ralenti derrière des trucs qui explosent ou prennent feu, vous êtes au bon endroit.

Le verdict

House Of Guinness // Source : Netflix
6/10

House of Guinness

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Dans une reconstitution stylisée de la fin du XIXe siècle, Steven Knight conte, sur fond de musique rock et irlandaise, les scandales, trahisons et remous politiques auxquels font face les héritiers irlandais de l’empire Guinness. Sans atteindre la poésie et l’intensité de Peaky Blinders, son inévitable modèle, House of Guinness se laisse déguster.
Comparatif svod // Source : Montage Numerama
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