On a déjà beaucoup (entendu) parler de Stellar Blade. Ce jeu largement mis en avant par PlayStation, et plus particulièrement son héroïne au physique parfait, qu’on peut déguiser avec des tenues aguicheuses. Il a remis sur la table le sujet de l’hypersexualisation des femmes dans les jeux vidéo. L’affaire a pris une telle ampleur que la Corée du Sud, mère-patrie de Shift Up, est allée donner des leçons de beauté à l’Occident. Paraît-il qu’Eve, prénom de l’héroïne en question, aurait été modélisée à partir d’un mannequin bien réel. En attendant, Adam, son compère masculin, est toujours bien plus habillé qu’elle.
Tout ne serait alors question que de sensibilité culturelle : en Asie, Stellar Blade n’incarnerait finalement qu’un représentant de plus de codes que nous ne sommes pas tous programmés à comprendre (spoiler : il faut aimer la k-pop). Shift Up est quand même responsable d’en avoir fait beaucoup dans sa communication, assumant le côté « fantasme », par volonté de faire incarner « un idéal » à « un public adulte ». C’est ainsi qu’on a vu passer des outils promotionnels mettant en avant la généreuse poitrine d’Eve, avec des animations très suggestives. Heureusement, Stellar Blade a d’autres arguments à faire valoir. Et aussi toute une palanquée de maladresses, pas juste liées au physique de leur héroïne…
Points forts
- Réalisation de haut vol
- Des combats techniques et profonds
- Du génie dans le design de certains boss
Points faibles
- Exploration passable
- Gros souci d’équilibrage sur la fin
- La sexualisation de l’héroïne
La réalisation de Stellar Blade est vraiment incroyable
Mais ne tombons pas dans le piège qui consisterait à réduire Stellar Blade en une expérience simplement pensée pour le sex appeal de son univers. D’autant qu’en jouant avec une tenue correcte (exigée), on l’oublie un peu. Il revient parfois au galop, quand on croisera d’autres femmes au décolleté plongeant et au visage juvénile.
Dès l’introduction, qui prend place sur un rivage assiégé, Stellar Blade en met plein la vue. On sent que Shift Up a d’abord voulu faire un beau jeu, un titre vitrine pour une PlayStation 5 qui en manque un peu à l’aube de son quatrième anniversaire. La modélisation est détaillée et il y a occasionnellement une vraie recherche dans le design des ennemis (certains boss sont vraiment inspirés). Sans oublier les effets visuels impressionnants, qui électrisent tout, au sens propre comme au figuré.
Cet apparat peine toutefois à masquer la vacuité narrative. Pour un jeu sexy, Stellar Blade n’a que peu de saveur. La faute à une mise en scène qui manque d’ampleur (la trilogie Bayonetta fait mieux dans l’épique), à des pastiches un peu trop voyants (NieR: Automata, en plus beau et moins gris) et à une écriture bateau. Tout manque de nuance, tandis que l’univers déployé sent vite le réchauffé. Il est trop générique pour tout emporter avec soi, en dépit de quelques missions annexes qui sortent du lot (quand on doit aider une chanteuse cyborg qui a perdu sa voix, par exemple). Le temps d’un pas de côté, on saura trouver quelques fulgurances. Mais elles s’avèrent trop rares.
Il faut bien reconnaître que l’exploration se révèle assez pénible dans Stellar Blade. Le jeu est constitué d’environnements étriqués assez vides, qui demandent, par exemple, d’activer une tour (le cliché des vieux mondes ouverts). Ces balades trahissent aussi les passages où Eve doit enchaîner les mouvements rapides pour sauter et se faufiler. Ils manquent de précision, avec un sentiment de flottement permanent. Ils tranchent avec les combats, l’immense point fort de Stellar Blade. Même s’ils se cherchent sur l’héritage, puisqu’on ne sait jamais si on va jouer à un Bayonetta bis (un beat them all spectaculaire) ou à un Dark Souls (un RPG mâtiné d’exigence). À force de tâtonner et à trop vouloir en faire, Stellar Blade se perd en chemin. Et nous avec.
Il y a pourtant beaucoup de choses à souligner dans les affrontements, qui nécessitent d’apprendre à parer et à esquiver, souvent au dernier moment, pour triompher avec efficacité. En résulte une barrière à l’entrée qu’on a envie de franchir pour le plaisir de battre des monstres avec un timing parfait, la grâce d’Eve en sus. En prime, le gameplay ne fait que s’enrichir, avec toujours plus de compétences pour se défendre ou pour attaquer. Elles ne sont jamais superfétatoires, preuve que Shift Up n’a pas tout loupé. En prime, il y a quelques éléments de personnalisation qui vont au-delà des délires pervers : on peut équiper Eve pour la spécialiser et l’améliorer avec des points à distribuer dans des arbres de progression. La richesse est là, presque tape-à-l’œil.
Quand Stellar Blade devient un calvaire
Les premiers boss révèlent cette technicité qui récompense avec justesse, en étant punitifs là où il faut. Puis, passé un moment critique, qui variera d’une personne à l’autre, Stellar Blade décide d’augmenter artificiellement le défi. D’un coup, Eve, jusqu’alors si habile et puissante, ne fait presque plus de dégâts. Soudain, il ne faut plus quelques parades parfaites pour mettre à terre un adversaire et l’achever (ou quasiment), mais plusieurs dizaines — sans réel espoir d’écourter le face-à-face. Dans sa dernière ligne droite, Stellar Blade devient un calvaire, où jouer à la perfection n’est plus un bonus de style, mais une question de survie. Dès lors, Stellar Blade n’est plus amusant.
Il ne l’est pas davantage, non plus, quand il essaie d’arpenter des sous-genres un peu hors-sujet. Quand, façon jeu d’horreur, il impose de se débarrasser d’ennemis hyper vulnérables seulement en leur tirant dessus. Il y a un écart assez abyssal de rythme et de plaisir d’une séquence à l’autre, alors qu’il suffisait à Stellar Blade de resserrer son action, de se débarrasser de cette couche de fond teint qui dégouline au moindre effort.
On aurait rêvé d’enchaîner les niveaux avec frénésie, plutôt que de se farcir des moments bouche-trous terriblement ennuyants, voire pénibles à jouer (les tourelles qui tuent d’un seul coup, merci mais non merci). On sent que les développeurs, peut-être dépassés par l’ampleur et la visibilité prises par leur projet, sont tombés dans l’excès de zèle.
On a l’impression de vivre de véritables montages russes avec Stellar Blade, chahuté entre ces premières rixes soulignant un potentiel inouï et ces parenthèses où on soupire fort. Shift Up n’a pas su doser, préférant remplir à ras bord sans imaginer une seule seconde qu’il irait trop loin. Il y a quand même des choses à sauver, d’autres à peaufiner. On adorerait voir ce gameplay dans une proposition plus aboutie, avec la même réalisation sans faute de goût.
Finalement, à l’image de sa communication, Stellar Blade est un jeu grossier, tout à la fois dans ce qu’il est et ce qu’il propose. Comme quoi, la beauté ne vaut rien sans charme ni élégance.
Le verdict
Stellar Blade
Voir la ficheOn a aimé
- Réalisation de haut vol
- Des combats techniques et profonds
- Du génie dans le design de certains boss
On a moins aimé
- Exploration passable
- Gros souci d’équilibrage sur la fin
- La sexualisation de l’héroïne
Soutenu par PlayStation, en grand besoin d’exclusivités PlayStation 5 en 2024, Stellar Blade ne manque pas d’arguments. Sa réalisation haut de gamme et ses combats techniques parlent pour lui. Ils donnent envie de découvrir cet univers original, articulé autour d’une héroïne qui ne doit pas être résumée à son seul physique.
Malheureusement, les développeurs du studio coréen Shift Up ont voulu trop en mettre dans Stellar Blade, qui se perd dans une proposition qu’il peine à assumer, avec certaines séquences vraiment pénibles. À cela s’ajoute un équilibre douteux dans les dernières heures, qui prouvent que le jeu vidéo se cherche beaucoup. Et ne se trouve jamais vraiment, sauf dans l’hypersexualisation de son personnage principal.
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