L’association prometteuse, sur le papier, entre Square Enix et PlatinumGames accouche d’un jeu vidéo au potentiel certain mais aux lacunes avérées. NieR : Automata séduit surtout grâce son univers atypique.

Sur le papier, on ne trouve sans doute pas plus belle association que Square Enix et PlatinumGames. Le premier excelle depuis la nuit des temps grâce à son savoir-faire en matière de franchises à l’identité forte (Final Fantasy). Le deuxième est un studio qui a prouvé son talent quand il s’agit de donner naissance à des gameplay très qualitatifs, même s’ils n’aboutissent pas toujours à des grands jeux.

Autrement dit, les deux entités se complètent et entendent faire de NieR: Automata ce qu’aurait dû être NieR il y a 7 ans, avec un ersatz de reboot disponible sur PlayStation 4 et PC. Il prend la forme d’un action-RPG un peu fauché, à la fois chef d’oeuvre pour certains, escroquerie pour d’autres. Pas le genre à laisser indifférent, en somme.

PlatinumGames a-t-il, une fois encore, prouvé sa faculté à accoucher d’un gameplay digne de ce nom ? Assurément. D’autant qu’il a opté ici pour un mélange des genres assez savoureux, garantissant des sensations grisantes quand il le faut, soit quand l’épique prend le pas sur tout le reste.

Beat them all et auto-destruction

Il y a d’abord la partie beat them all, qui fait penser à du Bayonetta en moins bien à cause d’un bestiaire moins impressionnant et de combos moins nombreuses. Avec ses allures de ballet meurtrier, elle repose sur des mécaniques classiques — un coup fort, un autre puissant, des esquives timées — et se voit renforcée par des possibilités de personnalisation assez poussées.

Comme on incarne un androïde, une enveloppe mécanique pouvant être détruite à l’envie car remplaçable comme un objet de la vie courante (il est même autorisé de s’autodétruire), on peut modifier son corps en installant des modules rangés selon plusieurs catégories et en fonction de la place qu’ils prennent et dont on dispose. Il y aura donc des sacrifices à faire. On dispose également d’un choix dans les armes et de la possibilité de retourner sur sa dépouille pour récupérer ses données et sa configuration précédente.

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Mélange des genres

NieR: Automata prend également des allures de shoot them up quand 2B, l’héroïne principale, monte dans un vaisseau.Dans ces phases, il convient d’éviter les tirs ennemis et de détruire les adversaires. Du classique, mais qui pimente le reste. Parfois, on passe sur du twin-stick shooter selon l’angle de la caméra, au demeurant pas toujours très clair en terme de lisibilité. En résumé, le titre de Square Enix est un vaste fourre-tout, un jeu-somme qui sacralise tous les fantasmes d’un studio qui sait y faire pour en mettre plein la vue et offrir un sentiment de jouissance manette en mains. L’aboutissement de tout ça se trouve logiquement dans les combats face aux boss, qui n’atteignent pas les ténors du genre mais accouchent de chouettes séquences et racontent de belles histoires sur chacun d’eux. Le plus gros problème du jeu reste l’entre deux.

Car entre deux explosions de mâchoires, force est de reconnaître que l’on s’ennuie ferme dans NieR: Automata, qui s’appuie sur un petit monde ouvert désolé dont les environnements évoluent avec le temps. La faute, surtout, à des allers-retours incessants et pas très intéressants, brisant le rythme effréné auquel nous habituent les rixes et l’action dynamique. Il y a bien les quêtes annexes et les PNJ bavards pour nourrir un peu l’aventure, mais quand on vient d’occire un robot géant, on ne se précipite pour aller ramasser une clef dans un terrain vague. C’est souvent le hic des open-world : la cohérence. Et NieR: Automata en manque cruellement dans sa structure générale, qui, à l’image de son géniteur, est sur courant alternatif.

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2B or not 2B

Ceci étant, l’action-RPG se rattrape par son univers assez fascinant. Dans un futur assez lointain, l’Humanité, ou plutôt ce qu’il en reste, a dû fuir vers la Lune après que des extraterrestres ont envoyé des robots belliqueux sur Terre. Dans ce contexte apocalyptique, une force composée d’intelligences artificielles protectrices est chargée de contenir la menace et de redonner à l’Humanité ses lettres de noblesse. Dans la première trame, le joueur incarne 2B, une jeune fille androïde aussi froide qu’efficace. Elle est assistée par 9S, un soutien déjà beaucoup plus bavard et animé par des questions existentielles.

Ce sont d’ailleurs les messages philosophiques peuplant l’intrigue qui nous font accrocher à celle-ci. L’œuvre, forcément déprimante, est d’une noirceur inouïe et questionne ceux qui ont envie de réfléchir sur l’existence avec un grand E. C’est parfois un peu niais et lunaire, mais il est toujours bon de voir un jeu vidéo essayer de répondre à des interrogations finalement très humaines, basées sur des thématiques universelles comme les raisons qui nous poussent à exister, le fatalisme, les relations à l’autre, l’amour, la connaissance, la prise de conscience ou encore l’acceptation de sa condition et de son destin. Le duo formé par 2B et 9S, des soldats à l’apparence enfantine à qui on bande les yeux (tout un symbole), et les robots qui veulent tout simplement vivre alors qu’ils n’existent que pour servir peuplent un univers parfaitement construit. Il faudra toutefois mériter celui-ci puisqu’il nécessite plusieurs runs pour bien tout comprendre de sa substance (avec fracture du quatrième mur en prime).

À l’arrivée, porté par ses vingt-six conclusions, dont cinq vraiment essentielles (une bonne vingtaine d’heures en ligne droite), NieR: Automata a de quoi animer les débats et susciter la curiosité pendant plusieurs mois. Le challenge, assez inexistant en normal, se révèle dans les difficultés supérieures, dont une qui n’autorise absolument aucune erreur. Au vu de certains de ses arguments, NieR: Automata pourra devenir un classique presque instantané si des fans s’amusent à décortiquer toutes ses aspirations, à percer tous ses secrets et repérer la moindre de ses références.

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Un univers d’une grande froideur

On est en revanche un peu plus réservé sur l’habillage. Graphiquement assez quelconque et pas toujours très beau, NieR: Automata affiche des lacunes techniques évidentes. PlatinumGames a misé sur un framerate à 60 fps pour assurer une expérience agréable et fluide et personne ne lui en tiendra rigueur. Toutefois, les quelques chutes constatées ça et là ternissent cette promesse et le rendu général pâtit des choix imposant ces sacrifices. Fort heureusement, ces écueils sont compensés par une direction artistique qui témoigne de cet univers apocalyptique : c’est gris, c’est vide, c’est flippant, et l’espoir, un vaste mensonge, une illusion de plus dans un océan de faux-semblants, n’y est pas le bienvenu.

Ce constat un temps soit peu accablant est contrebalancé par une bande-son magistrale, qui joue sur la mélancolie — les chants d’enfant — et l’épique selon les moments pour toucher le joueur et le pousser dans ses derniers retranchements, y compris émotionnels. Une vraie réussite pour les oreilles.

Le verdict

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8/10

NieR : Automata

La réussite de NieR: Automata tient avant tout à son univers, qui va au bout des choses en utilisant l’artifice du quatrième mur brisé. Un pari qui fonctionne. On aurait simplement aimé que la structure de son monde ouvert soit mieux agencée tant elle sonne un creux comme un monde post-apocalyptique. Et, à l’exception des boss, le gameplay aurait mérité un bestiaire lui faisant un peu plus honneur. 

NieR: Automata parachève néanmoins son tableau par l'accent mis sur l’humain au sens strict, grâce aux questions que se posent des êtres créés de toute pièce sur l’existence, l’acceptation de sa condition et du destin qui y est lié. Autant de messages et de symboles qui transcendent une expérience volontairement noire et qui se mérite. Elle est finalement à l’image de ses héros désarticulés et de plus en plus conscients : malade, à deux doigts de s’autodétruire mais animée par l’envie de pousser un dernier souffle. Le propre de ceux qui ne veulent pas être oubliés.

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