Dépoussiérer la poupée de Mattel, souvent qualifiée de sexiste avec son corps stéréotypé, n’avait rien d’une tâche facile. Mais ce défi, Greta Gerwig a su le relever avec brio et une ironie au service de sa pensée féministe. Notre avis sans spoilers sur le film avec Margot Robbie et Ryan Gosling.

Mes souvenirs du jouet Barbie enfant ? Son physique, déjà, un corps sculpté qui ne ressemblait à celui d’aucune femme que je connaissais, et des cheveux blonds, longs et raides. Ensuite, une myriade d’accessoires pour aller avec, du château de princesse à l’avion de ligne. Barbie pouvait tout faire, enfin selon le budget de vos parents bien sûr. Sans compter Ken, au torse bombé, qui ne servait pas à grand-chose.

J’ai vite laissé Barbie de côté après quelques mois, tant le côté « jouet pour petites filles » et l’esthétique rose me déplaisait. Je n’aurais jamais imaginé voir un film féministe sur Barbie, 15 ans plus tard.

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C’est pourtant ce que nous propose la réalisatrice Greta Gerwig dans Barbie, le blockbuster de l’été, qui a fait l’objet d’une campagne de communication démesurée, allant du sandwich Burger King rose brésilien (oui oui) à la collaboration avec la marque de fast fashion Zara. Le film, sorti le 19 juillet en France, et le 21 aux États-Unis, a réuni un casting de renom, avec Margot Robbie et Ryan Gosling dans les rôles principaux de Barbie et Ken. À tel point que certains attendent déjà l’éventuelle suite de Barbie.

Greta Gerwig et Noah Baumbach (avec qui elle collabore régulièrement) ont créé un scénario dans lequel cohabitent deux mondes : celui des Barbie et le vrai monde. À cause de quelques dérèglements, Barbie va faire le choix de partir direction la réalité. Notre héroïne va y découvrir des comportements qui ne manqueront pas de la choquer ! Tout le récit et ses rebondissements ne sont en fait qu’un prétexte pour mettre en avant le thème de l’égalité de genre. Et c’est bien ce qu’on espérait.

A Barbieland, Barbie vit une vie parfaite entourée des autres Barbie. // Source : Warner Bros Youtube
A Barbieland, Barbie vit une vie parfaite entourée des autres Barbie. // Source : Warner Bros Youtube

À Barbieland les femmes ont le pouvoir

Le film commence dans le monde des Barbie, à l’esthétique très travaillée. Barbieland ressemble comme deux gouttes d’eau à nos jouets d’enfants en plastique rose. L’enchainement de ses tenues et ses chorégraphies avec les autres Barbie est un régal. Le film ne manque pas d’ironie pour se moquer de cet endroit idéal où les Barbie font semblant de se doucher ou de s’alimenter, et où notre Barbie stéréotypée jouée par Margot Robbie se regarde dans un miroir sans reflet… pratique pour rester de bonne humeur.

Les femmes sont juges à la Cour Suprême, Prix Nobel, médecins ou même présidentes. Plusieurs types de beautés sont représentés, la Barbie n’est pas que blanche, valide ou mince. Dans ce monde idéal, c’est la sororité qui prime : les Barbie s’entraident, font d’énormes pyjamas party et se saluent à coup de « Hi Barbie ! » répétés à l’infini. Les Ken, eux, ne sont là que pour les regarder et n’ont pas leur mot à dire. D’ailleurs le Ken incarné par Ryan Gosling ne sait rien faire, hormis resté planté sur la plage à regarder Barbie. Le monde parfait pour les féministes ?

Barbie est une critique de notre société sexiste

C’est l’ingéniosité de Greta Gerwig qui se dévoile ici : ces histoires de poupées ne sont qu’un miroir de notre société et de ses défauts. Tout le film repose sur un humour mordant qui dénonce les discriminations de genre et les injonctions faites aux femmes, que l’on retrouve constamment. Margot Robbie est parfaite dans son rôle de femme-jouet qui découvre avec stupeur et naïveté la vie des femmes — les vraies.

Car quand elle et Ken arrivent sur la plage en Californie, affublés de rollers jaune fluo et de bodys moulants multicolores, l’héroïne ressent pour la première fois un étrange sentiment, très désagréable. Les hommes se retournent dans la rue pour lui faire des remarques sexistes, veulent la toucher et la mettent mal à l’aise. Bingo : Barbie est en train d’expérimenter le harcèlement sexuel ! Et elle a honte. Un bon rappel que le sexisme que nous subissons au quotidien, s’il est banalisé, est loin d’être normal. Barbie déchante encore plus lorsque toutes les femmes qu’elle croise évoquent avec fatalité leur position subalterne vis-à-vis des hommes et les violences sexistes qu’elles subissent. Comment peuvent-elles supporter tout ça ?

Le film parvient même à critiquer le pinkwashing et le capitalisme, en ironisant sur les réels motifs de l’entreprise Mattel, derrière la fameuse poupée. La multinationale s’intéresse-t-elle autant aux femmes qu’elle le prétend ? D’ailleurs, qui est vraiment à la tête de Mattel ? Cette réflexion donne lieu à des scènes hilarantes et des courses poursuites qui parodient les films d’action.

Quand Barbie arrive en Californie, c'est la douche froide.  // Source : Warner Bros France sur Youtube. Capture d'écran Numerama.
Quand Barbie arrive en Californie, c’est la douche froide. // Source : Warner Bros sur Youtube. Capture d’écran Numerama.

Ryan Gosling en Ken aux prises avec sa masculinité

Il est la surprise du long-métrage, au point parfois d’éclipser le personnage de Barbie, tellement Ken et sa masculinité, qui évolue d’ailleurs durant le film, sont dépeints avec sarcasme. Ryan Gosling excelle dans son rôle qui consiste à se tourner constamment en ridicule. À Barbieland, Ken est inutile, passe son temps à espérer que Barbie le complimente, chemise ouverte pour montrer ses muscles et son bronzage. Même chose pour tous les autres Ken. Les hommes et leur ego sont moqués. Pour montrer à Barbie à quel point il est viril, Ken se lance dans l’océan pour surfer. Mais, cet océan, il est en carton-pâte… Ken fini dans le décor.

C’est une fois arrivé dans le monde réel que Ken dévoile tout son potentiel comique. Le héros découvre le pouvoir qu’il peut avoir dans la réalité, juste parce qu’il représente un homme. Il observe par exemple une salle de sport, caricaturée, où des hommes en sueur s’entrainent entre eux pour prendre du muscle, démontrant le ridicule de certaines scènes virilistes du quotidien. Les entreprises, aussi, sont remplies d’hommes âgés au pouvoir. Le personnage de Ryan Gosling va alors basculer dans le masculinisme, en une caricature à mourir de rire.

On peut tout de même regretter que le seul personnage qui ne soit pas un Ken dans Barbieland, et représente donc une autre forme de masculinité, ne soit que peu exploité.

Ken, une critique du masculinisme. // Source : Warner Bros France sur Twitter. Capture d'écran Numerama.
Ken, une critique du masculinisme. // Source : Warner Bros France sur Twitter. Capture d’écran Numerama.

Barbie nous en met plein les yeux pendant près de deux heures avec un récit surprenant, déjanté, et une esthétique très réussie qui rappelle tout l’univers du jouet Mattel. Le vrai apport du film, c’est surtout sa touche féministe distillée tout au long du scénario grâce à un humour sarcastique qui s’attaque à la domination masculine. On en attendait pas moins de cette poupée qui a toujours prétendu refléter son époque.

Le verdict

À Barbieland, Barbie vit une vie de rêve avec toutes les autres Barbie. Mais, elle va devoir voyager jusqu’au monde réel à cause d’un évènement inattendu. Surprise, dans la vraie vie, les femmes sont dominées par les hommes, qui occupent la plupart des postes de pouvoir. Barbie découvre l’existence du sexisme et elle n’apprécie pas. Ken, parti avec elle, semble, lui, plutôt s’en réjouir.

Greta Gerwig nous propose une nouvelle version de la Barbie de Mattel, plus féministe et politisée. Le film et son esthétique tout en plastique rose est un régal qui nous divertit durant deux heures.

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