Préparez votre tasse de thé, votre porcelaine anglaise, votre plaid à motif écossais, et révisez vos meilleures salutations à la foule, la reine Elisabeth II est de retour. Enfin, évidemment, elle n’est pas littéralement revenue d’entre les mortes. Mais Netflix provoque une belle illusion avec la saison 5 de The Crown.
Comme d’habitude, la série est d’une élégance et d’une efficacité redoutable. D’autant que, ça y est : la reine a bien vieilli et ressemble désormais davantage à nos derniers souvenirs réels de la souveraine. À tel point que The Crown ne cesse d’enchaîner les polémiques (ce qui est plutôt cocasse, compte tenu du contenu de la série, qui déballe justement toutes les frasques royales).
Dès sa première saison, cette fresque historique, pourtant lauréate de nombreuses récompenses, n’a cessé d’être critiquée de toutes parts. La reine elle-même, Claire Foy, était ainsi moins bien payée que son collègue masculin, Matt Smith (House of the Dragon, Doctor Who). Puis, ce sont des voix proches de la famille royale et du gouvernement qui se sont élevées contre The Crown. Avant même la diffusion de cette cinquième saison, deux anciens Premiers Ministres ainsi que l’actrice britannique Judi Dench ont déjà pris la parole pour dénoncer l’inexactitude, voire les mensonges de la série.
Pour apaiser les esprits, Netflix a dû intégrer un avertissement à ses bandes-annonces, précisant que l’histoire est « inspirée de faits réels ». Il faut dire que cette cinquième saison ne prend clairement pas de pincettes avec ses Altesses royales et leur image continue à voler en éclat dans ces dix nouveaux chapitres.
Elisabeth II devient plus sensible
Mais avant de vous attarder sur les ressorts narratifs de The Crown, vous allez déjà devoir passer par un procédé familier : vous adapter à un nouveau casting. Toutes les deux saisons, la création originale Netflix se dote en effet de nouveaux acteurs et actrices pour incarner les personnages clés de la monarchie et du gouvernement britannique. À partir de la saison 3, Olivia Colman avait ainsi dignement succédé à Claire Foy, devenant une reine beaucoup plus froide et sûre d’elle.
Pour ce renouvellement royal, c’est Imelda Staunton (connue pour son rôle d’Ombrage dans Harry Potter) qui doit désormais porter la couronne. Et son interprétation, qui permet de dévoiler une face plus fragile et émotionnelle du personnage, vaut bien une nouvelle pluie de récompenses. L’actrice se révèle bouleversante dans les quatre épisodes que nous avons pu voir, sur les dix qui composent cette avant-dernière saison. Deux mois après la mort d’Elisabeth II dans la vraie vie, ce nouveau visage fictif donne une profondeur inattendue à The Crown. La série devient désormais une façon de prolonger notre familiarité avec la reine, tout en relatant parfaitement des événements du passé. Comme toujours, cette création originale Netflix reste donc intemporelle.
La politique au second plan
Aux côtés de la formidable Imelda Staunton, d’autres remarquables acteurs et actrices font leur entrée dans la grande famille royale : Elisabeth Debicki (Tenet) incarne ainsi la princesse Diana, tandis que Jonathan Pryce (Game of Thrones) endosse le costume du prince Philip. Seul Dominic West (The Wire) convainc légèrement moins dans le rôle du futur roi, Charles. Mais leurs performances marquantes permettent de donner vie à une nouvelle décennie : les années 1990. Toute cette cinquième saison s’attarde ainsi sur les crises traversées par la famille royale : les divorces des enfants de la reine, empêtrés dans des mariages destructeurs comme celui de Charles et Diana, l’incendie de Windsor Castle, la fuite d’enregistrements privés sulfureux devenus publics…
The Crown tend désormais à parler davantage de sujets personnels et intimes. Les intrigues politiques, pourtant centrales dans la quatrième saison avec les années Thatcher, sont ici reléguées au second plan. Conséquence : lorsque la narration touche aux sentiments, il est en effet plus difficile de revendiquer une exactitude historique à toutes épreuves. Les critiques adressées à ces nouveaux épisodes semblent donc en partie justifiés : on sent que Peter Morgan, le créateur de la série, s’éloigne de la documentation pour mettre les deux pieds dans l’émotion. Mais cette exploration sentimentale n’est pas forcément un défaut : elle transforme simplement la série en une autre œuvre, qui se rapproche de la fiction et non plus de la retranscription fidèle.
The Crown n’est plus un long fleuve tranquille
On ne va pas se mentir pour autant : cette nouvelle saison est clairement au désavantage de la famille royale, dont l’image parfaite tombe en éclats. On se surprend même à détester presque tous ces personnages que l’on avait tant aimé pendant quatre saisons. Mais ce positionnement narratif semble finalement être la continuité logique des épisodes précédents. La sympathie de la reine avait déjà été largement mise en cause dans les deux premières saisons, par exemple, avec le récit du mariage avorté entre la princesse Margaret et Peter Townsend. Si l’on prend The Crown dans son ensemble, la série est finalement d’une cohérence hors pair et navigue parfaitement entre les scandales du passé.
Et si ces dernières saisons sont plus tumultueuses, c’est surtout parce que les décennies qu’elle aborde le sont également, tout en étant beaucoup plus proches de notre réalité. La relation entre Charles et Diana est ainsi connue par le plus grand nombre et a surtout été commentée en long, en large et en travers, jusqu’à aujourd’hui. Finalement, le début de règne d’Elisabeth II, dévoilé dans les premières saisons de The Crown, était presque un long fleuve tranquille en comparaison. À l’époque, la souveraine était entourée d’une famille et d’un mariage plutôt solides, tout en étant généralement en phase avec ses Premiers Ministres. Mais dès les années 1980, les scandales prennent le pas sur la royauté, ce que ne peut pas vraiment ignorer la série.
Faire vivre la famille royale dans nos imaginaires
Pour autant, The Crown est loin d’être irrespectueuse, au contraire : on ressort de cette cinquième saison avec davantage d’empathie pour la reine qu’auparavant. Son décès récent apporte une dimension nouvelle à la création originale de Netflix, qui donne toujours envie d’aller consulter les livres d’histoire pour connaître les véritables anecdotes derrière la fiction.
La saison 5 est d’autant plus pertinente aujourd’hui qu’elle se concentre largement sur l’ambition de Charles et sur une reine qui entame son propre déclin. Alors que Charles III est désormais roi, cette saison, certes peu flatteuse, aura au moins le mérite de continuer à faire vivre cette famille royale pendant encore des décennies dans nos imaginaires. Et c’est déjà beaucoup.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !