Un nouvel amendement déposé par le gouvernement vient définir un peu plus précisément ce qui justifierait qu’une personne puisse contrôler l’identité du détenteur ou de la détentrice d’un pass vaccinal, dans le projet de loi qui sera débattu à l’Assemblée nationale ce 3 janvier 2022.
On peut y lire : « Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté n’est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente, il peut être procédé à une vérification de la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur ce document et ceux mentionnés sur un document officiel d’identité.»
Du « doute » à… plus aucune condition
Au départ, le texte posait la notion de « doute » qui justifierait un tel contrôle, mais celle-ci a ensuite été retirée en commission des lois de l’Assemblée nationale, fin décembre 2021. Ce retrait de toute condition pouvait soulever de vives interrogations sur la proportionnalité d’un tel acte. Sans « doute », ne risquait-on pas de voir se multiplier les contrôles aléatoires, sans que la personne qui les effectue ne soit obligée de se justifier ?
Le contrôle d’identité est l’une des mesures les plus controversée du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, qui impose déjà le passage du pass sanitaire au pass vaccinal à partir du 15 janvier 2022.
Jusqu’ici en France, seules certaines forces de l’ordre ont le droit d’effectuer des contrôles d’identité au sens strict (officier de police judiciaire, adjoint sous l’autorité d’un OPJ ou, parfois, des douaniers). D’autres cas particuliers existent, comme pour la vente d’alcool ou l’entrée dans un casino — mais il s’agit essentiellement d’une « preuve de majorité » et non d’identité.
Or, avec ce nouveau projet de loi, toute personne contrôlant un pass vaccinal pourra avoir le droit de demander à vérifier la concordance entre le nom sur le pass et l’identité de la personne qui le présente. Cela veut dire, notamment, tous les gérants de lieux accueillant du public (salle de sport, restaurant, cinéma, etc).
Contre toutes attentes, le Conseil d’État a validé, le 28 décembre, l’ajout de cette mesure, justifiant d’un contexte bien particulier (la crise sanitaire et l’augmentation fulgurante du nombre de cas positifs) ainsi que du fait que des vérifications d’identité auraient déjà lieu (dans les fameux débits de boisson ou casinos susmentionnés). Selon lui, « aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à ce que l’accès des personnes dans un établissement, un lieu ou un service de transports soit subordonné à la justification par les intéressés de leur identité, lorsqu’une telle demande est motivée par des considérations objectives. »
La « raison sérieuse », critère objectif ?
La notion de « raison sérieuse » est ajoutée par un amendement déposé par le gouvernement : il y a donc de fortes chances qu’il soit adopté. Celui-ci est présenté comme un ajout apportant plus de prévention contre les éventuelles dérives : « Il permet (…) de sécuriser le dispositif, en fixant, directement dans la loi un critère objectif permettant de fonder l’exigence de présentation d’un document officiel d’identité », peut-on lire.
On passe ainsi d’un texte mentionnant une notion de « doute » à un texte sans aucune notion de doute, pour retourner vers un critère plus poussé, la « raison sérieuse ». En l’espèce, cela signifierait qu’un gestionnaire de restaurant, par exemple, devrait pouvoir justifier pourquoi il a demandé à un détenteur de pass vaccinal de prouver son identité (un pass qui indique « 75 ans » pour quelqu’un qui a l’air jeune, par exemple).
Dans les faits, cependant, persiste un risque non négligeable que les contrôles deviennent quasi-automatiques, pour tout le monde, dans les lieux accueillant du public — ce qui faciliterait la compréhension des règles et éviterait le « cas par cas », mais qui risquerait d’encombrer, à l’inverse, fortement les files d’attente potentielles.
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