Florence Parly, ministre des armées, a précisé les ambitions de la France en matière de défense spatiale.

Lors des célébrations du 14 juillet 2019, Emmanuel Macron avait annoncé en grande pompe la création d’un Commandement de l’espace, jusqu’à la mise en place, à terme, d’une « armée de l’air et de l’espace ». Mais il en avait très peu dit sur le contenu de la nouvelle stratégie spatiale. Dans une allocution officielle, la ministre des armées Florence Parly a fait de grandes annonces ce 25 juillet 2019 quant à ce qui va être mis en œuvre.

« C’est tout notre environnement juridique que nous devons faire évoluer », a précisé la ministre. Et en effet, à la suite de  cette allocution, il semblerait que la France soit en train de se lancer dans un chantier massif de restructuration de sa stratégie spatiale : tout rassembler au sein d’un centre opérationnel uni ; être prêt à faire face aux grands changements en cours du secteur spatial, tant aux niveaux international que privé ; et pour ce faire, se doter de nouveaux moyens plus sophistiqués.

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Un laser d’une puissance étrangère. // Source : US Air Force

Un campus spatial façon Starfleet

La France veut dorénavant « fédérer et coordonner tous les moyens consacrés au domaine spatial de défense », a annoncé Florence Parly dans son discours. Cette volonté répond à la dispersion initiale des acteurs du domaine militaire spatial en France. Comme nous l’avions supposé dans un précédent article, cela se confirme : l’actuel Commandement interarmées de l’espace (CIE), qui existe depuis 9 ans, va disparaître au profit de ce nouveau Commandement de l’espace.

Florence Parly a également confirmé que ce nouveau commandement sera placé sous la houlette d’un général de l’espace : « Vouloir devenir un jour général de l’espace, ce ne sera plus une fantaisie, mais une ambition crédible ». Étant donné la fusion des deux entités, il y a de fortes chances pour que le premier général de l’espace soit Michel Friedling, l’actuel chef du CIE.

220 personnes, basées à Toulouse

La ministre des armées a également apporté quelques éléments concrets quant à la mise en œuvre de ce commandement : avec un lancement concret de ce commandement au 1er septembre 2019, l’équipe initiale sera composée de 220 personnes, basées dans un centre opérationnel installé à Toulouse. Cette ville est au centre de la nouvelle stratégie spatiale française : « c’est tout un campus spatial qui sera constitué à Toulouse ».

Autour du centre d’opérations, un « spacelab » sera installé, c’est-à-dire « un laboratoire innovant du spatial de défense, en étroite collaboration avec la DGA [Direction générale de l’armement] et le Cnes ». Une véritable académie de l’espace verra également le jour, pour « susciter des vocations et favoriser les carrières spatiales ».

Faire face au privé et aux autres nations

S’il y a bien une chose qui apparaît dans ce discours, c’est que cette nouvelle stratégie spatiale est annoncée comme une véritable réponse à tout un contexte. Cyrille Duvivier, porte-parole de l’armée de l’air, nous expliquait que « face à l’arsenalisation de la Chine et de la Russie, la France ne veut pas « rester inactive ». Florence Parly a confirmé que l’espace constitue un « nouveau front à défendre, nous devons être prêts ».

Et cette réponse s’intitule « Maîtrise de l’espace », le nom du nouveau programme d’armement spatial annoncé par la ministre des armées. Les principes : protéger les moyens de la France dans l’espace, surveiller mieux et davantage, pour « détecter et attribuer les actes suspects, inamicaux, voire hostiles à nos intérêts ».

Même si la France ne veut pas faire dans le spectacle, on ne peut que se projeter dans les œuvres cultes de la pop culture. Ici, la vice-amirale Holdo dans Les Derniers Jedi. // Source : Disney

Même si la France ne veut pas faire dans le spectacle, on ne peut que se projeter dans les œuvres cultes de la pop culture. Ici, la vice-amirale Holdo dans Les Derniers Jedi.

Source : Disney

Mais il n’y a pas que les enjeux internationaux pointés du doigt par Florence Parly. Le mot NewSpace a été lâché, lorsqu’elle affirme que « protéger nos capacités est vitale face à la montée en puissance du NewSpace ».

Cette protection passerait en premier lieu par une nouvelle régulation des activités spatiales, pour que les acteurs privés et publics ne soient plus logés à la même enseigne. Qui plus est, si actuellement les satellites militaires sont pris en charge par le Cnes, Florence Parly affirme vouloir « prendre la main » dessus, pour « libérer » les armées, leur accorder une grande marge de manœuvre « pour protéger pleinement nos intérêts de défense ».

Ce n’est pas pour autant que l’État veut s’éloigner des acteurs privés. « Nous aurons besoin de vous, mesdames et messieurs les industriels », a déclaré Florence Parly, qui veut créer des synergies avec les acteurs privés tels que le Cnes ou Thalès. L’idée semble donc de travailler main dans la main pour, en filigrane, garder un meilleur contrôle sur les acteurs privés.

Des moyens plus sophistiqués

La nouvelle stratégie spatiale de la France passera également par un grand renouvellement des moyens technologiques utilisés par l’armée.

Florence Parly a par exemple confirmé la mise en place prochaine de lasers de puissance installés sur les satellites. « Si nos satellites sont menacés, nous envisagerons d’éblouir ceux de nos adversaires », et ce, pour répondre à ce que la ministre appelle une « menace croissante » des missiles (ce qui peut faire écho aux tests réussis de l’Inde dans l’utilisation de missiles capables de mettre en incapacité des satellites).

En complément des lasers, la France se dotera se dotera de nanosatellites patrouilleurs à partir de 2023, de « redoutables petits détecteurs qui seront les yeux de nos satellites les plus précieux ».

Pour la mise en œuvre de ces moyens, 700 millions d’euros supplémentaires sont prévus, en plus des 3,6 milliards d’euros prévus pour le renouvellement des capacités satellitaires au sein de l’enveloppe budgétaire de la loi de programmation militaire votée pour 2019-2025 – ce qui reste encore très loin des 50 milliards des États-Unis (selon les chiffres du gouvernement français).

Emmanuel Macron et son gouvernement veulent en tout cas viser très haut. « La France troisième puissance spatiale, nous y croyons », a déclaré Florence Parly à la fin de son allocution.

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