Si la France s’est dotée au fil des ans d’importants moyens de détection et de suivi des objets spatiaux, à l’image du système GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale) qui peut repérer en orbite basse la quasi-totalité des satellites d’observation et d’écoute, et potentiellement tout objet mesurant au moins 10 centimètres, elle ne possède pas à proprement parler de moyens offensifs.
Ou, plus exactement, elle ne dispose pas de moyens offensifs adaptés. Elle pourrait toujours utiliser un missile balistique pour pulvériser un satellite adverse, mais ce serait au prix de la génération d’innombrables débris, qui menaceraient tous les autres satellites des environs, y compris les siens. Sans parler de la polémique qui suivrait, à l’image de celle qui a percuté l’Inde après son tir de missile anti-satellite.
Recherches sur des armes laser
C’est pour cela que la piste de l’arme laser est explorée par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), en lien avec la Direction générale de l’armement (DGA), qui dépend du ministère des Armées. L’idée n’est pas ici de détruire l’engin indiscret ou éventuellement menaçant pour les autres satellites, mais de l’aveugler, voire de l’abîmer en partie, pour le rendre inopérant.
Évoqués publiquement début juin par Challenges, ces travaux sont en réalité anciens : ils ont démarré voilà il y a quatre ans et ont d’ores et déjà été concrétisés par des tirs d’essai sur l’un des satellites français de télédétection Spot. Le tir, effectué depuis le sol, a permis d’éblouir les capteurs de l’engin, le rendant de fait hors service pour un temps. Un tir plus puissant pourrait même endommager les optiques.
Dans une publication datée de mai, l’ONERA mettait d’ailleurs en avant son expérience dans le secteur des « armes antisatellites à énergie dirigée ». « Des essais grandeur nature de neutralisation de satellites en fin contractuelle de vie opérationnelle ont été menés », indique-t-elle, ce qui a permis de se rendre compte, par exemple, du niveau d’énergie qu’il faut fournir pour arriver à un résultat satisfaisant.
Aveugler l’adversaire
Le développement d’une telle arme pourrait avoir plusieurs avantages. Outre qu’elle évite de rendre l’orbite terrestre encore plus encombrée avec des restes de satellites détruits, elle permet de protéger des yeux indiscrets certaines zones que Paris juge stratégiques, que ce soit des bases sensibles (comme celle de l’Île-Longue, où dorment les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins), des théâtres d’opération ou des activités spéciales (un test d’un tout nouveau missile balistique à capacité nucléaire).
Elle pourrait aussi étendre la palette des leviers à la disposition du gouvernement pour faire passer des messages auprès d’un autre État. Cela pourrait être par exemple Moscou : le 11 septembre 2018, la ministre des Armées, Florence Parly, affirmait que le satellite russe Louch Olymp s’était rapproché « d’un peu trop près » d’Athena Fidus, un satellite franco-italien, en orbite depuis 2014 et dédié aux communications militaires.
Le laser, qu’il serve à éblouir ou à détruire, ne constitue qu’un des axes de développement possibles. D’autres approches peuvent être envisagées, comme le brouillage du satellite, pour l’empêcher de communiquer avec le reste de sa flotte — s’il n’est pas seul — ou avec sa station au sol, ou les attaques informatiques pour tenter d’en prendre le contrôle ou pour fausser son travail.
Que la France franchisse ou non ce pas, elle n’est en tout cas pas la seule nation à considérer l’emploi d’une arme à énergie dirigée. Les États-Unis, la Russie et la Chine sont aussi sur cette voie, de façon plus ou moins assumée (Washington a ainsi affirmé en 2006 que Pékin avait braqué un tel laser contre l’un de ses satellites, tout en concevant son propre dispositif : MIRACL).
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