Apple monte au créneau contre la Commission européenne. Après avoir expliqué aux journalistes son hostilité aux exigences européennes en juin et en septembre, la marque estime dans un communiqué que le Digital Markets Act, censé limiter la domination des géants du numérique, fragilise la sécurité des données et ralentit l’innovation dans l’UE. Elle appelle désormais à un réexamen radical de la loi.

Apple hausse le ton contre l’Union européenne. Dans un communiqué très politique publié le 24 septembre 2025, l’entreprise californienne dresse un catalogue à charge contre le Digital Markets Act (DMA), le règlement sur les marchés numériques, entré en vigueur en 2024. L’entreprise affirme que le DMA l’oblige à apporter « des changements préoccupants » quant à la manière dont elle conçoit et fournit ses utilisateurs en Europe.

Si Apple n’avait jamais ciblé l’Europe de cette manière dans un communiqué, la marque avait déjà commencé à protester publiquement contre le règlement européen en 2025. En juin, elle s’était notamment entretenue avec Numerama pour expliquer ce qui n’allait pas, selon elle, dans le Digital Markets Act. Un exercice reproduit avec d’autres médias en septembre, au moment de l’annonce des iPhone 17.

« Moins de choix » et des innovations retardées pour les utilisateurs dans l’UE

Le DMA, qui est entré en vigueur en mars 2024, vise notamment à limiter le pouvoir des « gatekeepers », des plateformes utilisées par plus de 45 millions d’utilisateurs en Europe (soit 10 % des habitants de l’UE). Dans le cas d’Apple, cela concerne certains de ses produits et services comme l’iPhone (via iOS et l’App Store). L’Europe estime que ces plateformes relèvent de l’intérêt public et ne peuvent donc pas faire ce qu’elles souhaitent vis-à-vis de leurs concurrents. Une règle qui a des conséquences directes sur l’expérience des usagers, selon Apple.

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Digital Markets Act : La liste des 22 services « gatekeepers » de l’Union européenne au lancement de la régulation. // Source : Commission européenne

Plusieurs fonctionnalités sont retardées en Europe, comme la traduction instantanée avec les AirPods, la fonctionnalité iPhone Mirroring sur Mac ou les nouvelles options de navigation dans Plans… La raison selon Apple : Bruxelles pourrait exiger que ces services soient compatibles avec des produits concurrents avant leur lancement, selon sa propre interprétation du DMA (ce qui reste évidemment à prouver, puisque l’Europe devrait d’abord ouvrir une enquête avant de demander à Apple des changements).

En cas de non-respect de cette règle par Apple, l’entreprise affirme risquer une amende voire être contrainte de cesser d’expédier ses produits dans l’UE. En avril 2025, l’UE a d’ailleurs infligé 500 millions d’euros d’amende à Apple pour manquement à l’obligation « anti-steering » – qui interdisait aux développeurs d’indiquer aux utilisateurs qu’ils pouvaient acheter du contenu ou un abonnement en dehors de l’App Store. Apple assure avoir proposé des solutions pour protéger les données de ses clients, mais celles-ci ont été rejetées par les régulateurs. Résultat : les utilisateurs européens seraient privés, ou du moins ralentis, dans l’accès aux nouveautés.

Des iPhone plus ouverts mais moins protégés selon Apple

L’un des points les plus sensibles est l’ouverture de l’iPhone aux magasins alternatifs et aux méthodes de paiement tierces, pour contourner la fameuse « taxe de 30 % » d’Apple. Selon la firme, le DMA l’oblige à autoriser le téléchargement d’applications en dehors de l’App Store, « même si elles ne répondent pas aux mêmes normes de confidentialité et de sécurité élevées ».

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L’un des points les plus sensibles est l’ouverture de l’iPhone aux app stores alternatifs et aux paiements tiers. // Source : Capture Numerama

Pour Apple, cette obligation fragilise l’écosystème : multiplication de boutiques aux règles variables, apparition possible d’applications pornographiques ou de jeux d’argent dans des régions où elles sont interdites par la loi, sans oublier l’augmentation des risques de logiciels malveillants. Apple s’est toujours opposée aux magasins tiers, notamment en mettant en place des systèmes restrictifs qui ne plaisent pas à la Commission européenne.

La marque insiste : pour la première fois, les utilisateurs européens pourraient installer des apps qui ne respectent pas ses standards de sécurité ou de confidentialité. Une situation que l’entreprise présente comme inédite et préoccupante.

Le DMA mettrait en danger la vie privée des utilisateurs d’Apple

Dans son communiqué, Apple alerte aussi sur la protection des données personnelles. L’entreprise affirme avoir déjà reçu, dans le cadre du DMA, des demandes d’accès à des informations sensibles : contenu des notifications (messages, mails, alertes médicales) ou historique des connexions Wi-Fi. Problème, selon elle : la Commission ne permet pas toujours de refuser ces requêtes pour des raisons de confidentialité.

Le ton du communiqué est sans ambiguïté : Apple accuse le DMA de créer moins de choix, moins d’innovation et plus de risques pour les Européens. L’entreprise dénonce en outre un cadre instable, où les règles changent régulièrement, et des sanctions qu’elle juge arbitraires. Elle souligne aussi que certains concurrents, comme Samsung, ne seraient pas soumis aux mêmes contraintes – Apple étant particulièrement visé par le DMA en raison de son écosystème fermé.

La fonction iPhone Mirroring de macOS Sequoia // Source : Capture d'écran Numerama
La fonction iPhone Mirroring permet de contrôler son iPhone sur Mac. Apple bloque son lancement en Europe officiellement par peur d’être embêtés par le DMA. // Source : Capture d’écran Numerama

Apple appelle les régulateurs à revoir, voire à abandonner, cette législation, afin que les Européens bénéficient « du même niveau de sécurité et d’innovation » que le reste du monde. Il est évidemment peu probable que l’Europe renonce au DMA, ce qui laisse entrevoir un bras de fer entre la Commission européenne et Apple (et potentiellement l’administration de Donald Trump, qui pourrait utiliser ce dossier dans ses négociations avec l’UE). La marque californienne, qui a d’abord tenté de dissuader sans s’opposer formellement aux obligations européennes, change progressivement de discours. Le problème est que ses intérêts ne sont pas ceux de l’Europe, ce qui rend difficile tout accord.

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