Le graphène est un matériau très prometteur dans de nombreux domaines. Il pourrait jouer un rôle décisif dans la capacité de stockage des disques durs.

Les bons vieux disques durs n’ont peut-être pas encore dit leur dernier mot face aux très populaires SSD. C’est ce que suggère une étude menée par une équipe internationale de scientifiques, dont les travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature, et que l’université de Cambridge résume pour le grand public dans un article à part, mis en ligne le 4 juin.

Ces scientifiques, qui viennent tout à la fois du Royaume-Uni (Cambridge et Exeter), d’Inde, de Suisse, de Singapour et des États-Unis, ont mobilisé du graphène pour accroitre encore plus la densité de stockage d’un disque dur traditionnel. Avec ce matériau, il serait possible de multiplier par dix la capacité d’un disque dur ! À titre de comparaison, on trouve aujourd’hui dans le commerce sans difficulté des disques durs de 8 To (téraoctets) et des fabricants sont parvenus à produire des supports encore plus volumineux.

Pour comprendre de quelle façon les scientifiques ont procédé, il faut rappeler la structure générale d’un disque dur : celui-ci est composé de plusieurs plateaux qui sont empilés. Ces plateaux peuvent être en verre, en aluminium ou en céramique et sont recouverts d’une couche de matériau ferromagnétique, pour l’enregistrement. Celle-ci est protégée par une couche de carbone et d’un film très fin de lubrifiant.

Comme le pointe l’université de Cambridge, ces surcouches à base de carbone servent à protéger les plateaux contre les dommages mécaniques et la corrosion — en effet, dans le fonctionnement typique d’un disque dur, une tête de lecture-écriture balaie la surface d’un plateau, qui peut tourner à très haute vitesse (par exemple 10 000 rotations par minute, ce qui fait qu’un seul tour ne prend que 6 millisecondes).

Il s’avère qu’avec le temps, l’épaisseur de cette surcouche en carbone a diminué, passant de 12,5 nanomètres à 3 nanomètres, permettant de quadrupler la densité des données que peuvent accueillir les disques durs depuis les années 1990 — avec un téraoctet gagné par pouce carré. Or, le remplacement de cette surcouche en carbone par une surcouche en graphène pourrait booster encore plus cette densité.

La révolution des disques durs par le graphène ?

D’aucuns diraient qu’on remplace en fait du carbone par… du carbone. Le graphène n’est qu’un assemblage particulier de cet élément. Il s’agit d’une feuille de carbone dont la structure cristalline est une grille hexagonale. Or, l’épaisseur de cette feuille est celle d’un atome, soit un demi-nanomètre. On le devine : c’est cette extrême finesse qui pourrait offrir de nouvelles perspectives au stockage sur disque dur.

Dans les expérimentations qui ont été conduites, les scientifiques ont fait des essais en remplaçant le revêtement du carbone par du graphène, en allant d’une à quatre couches afin d’observer les effets en termes de friction, d’usure, de corrosion, de stabilité thermique et de compatibilité avec les lubrifiants. Pour les chercheurs, « le graphène remplit toutes les propriétés idéales d’un revêtement de disque dur. »

Le graphène permet de diviser par deux la friction et offre une meilleure résistance à la corrosion et à l’usure que les solutions les plus récentes. En fait, une seule couche de graphène réduit la corrosion de 2,5 fois, détaillent-ils. En plus, ce procédé répond bien à la technique de l’enregistrement magnétique assisté par laser (Heat Assisted Magnetic Recording ou HAMR).

Cette technique HAMR permet d’augmenter la densité de stockage en chauffant la couche d’enregistrement à des températures élevées. Cependant, la difficulté réside justement dans la gestion de cette température, car elle peut engendrer une instabilité thermique et affecter la qualité du stockage — la densité augmentant, les bits de données sont de plus en plus proches les uns des autres et peuvent se gêner.

Les couches de carbone actuelles ne sont pas performantes à ces hautes températures, mais le graphène l’est, observent les scientifiques impliqués dans l’étude. Ainsi, en mêlant HAMR et graphène, il est possible d’atteindre « une densité de données sans précédent, supérieure à 10 To par pouce carré ». Parmi les vertus du graphène figurent d’excellentes propriétés isolantes.

Tout l’enjeu est de savoir comment traduire concrètement ces travaux dans l’industrie du disque dur à des coûts supportables et, le cas échéant, quand. Les disques durs les plus volumineux sont déjà très coûteux, ce qui laisse penser que le débouché de ces nouveaux disques pourrait être surtout professionnel — comme le cloud. Et il reste à voir si le jeu en vaut de toute façon la chandelle, avec les progrès du côté des SSD.


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