De nombreux Françaises et Français ont reçu un SMS les incitant à télécharger TousAntiCovid, l’application de traçage de contact numérique lancée en juin puis renommée en octobre. Légalement, le gouvernement en a le droit, bien que l’application soit toujours sujette à de nombreuses questions sur son efficacité.

C’est un SMS que beaucoup de Françaises et Français ont commencé à recevoir depuis le 28 novembre 2020 : il est signé « Gouv.fr » et il fait la promotion de l’application TousAntiCovid, un projet numérique développé par le gouvernement censé aider au traçage de la maladie Covid-19 dans la population.

« Les commerces rouvrent et davantage de personnes vont se croiser. Pour garder le contrôle de l’épidémie, le Ministère de la Santé vous recommande de télécharger l’application TousAntiCovid dès maintenant », peut-on lire dans le SMS qu’ont reçu des membres de la rédaction de Numerama. Il est accompagné d’un lien vers le site qui agrège les liens de téléchargement de l’app TousAntiCovid sur Android et iOS.

Le SMS de promotion de TousAntiCovid envoyé par le gouvernement // Source : Capture Numerama

Le SMS de promotion de TousAntiCovid envoyé par le gouvernement

Source : Capture Numerama

Le gouvernement a-t-il le droit d’envoyer un SMS de promotion de son application à tous les Français qui disposent d’un téléphone (connecté ou non) ? Au niveau juridique, la réponse est oui, comme l’ont souligné nos confrères de BFM Tech.

Pour cela, le gouvernement a fait passer un décret le 27 novembre 2020 (n° 2020-1454 ) : il vient modifier les dispositions de l’article D. 98-8-7 du code des postes et communications électroniques, pour y ajouter « la transmission des messages d’alerte et d’information des pouvoirs publics destinés au public pour atténuer les effets de la catastrophe sanitaire. »

L’article oblige les opérateurs à répondre à la demande des autorités (Premier ministre, du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police) d’envoyer un « messages d’alerte et d’information des pouvoirs publics destinés au public pour l’avertir de dangers imminents et atténuer les effets de catastrophes majeures.»

Cet envoi est progressif : comme nous l’expliquions déjà en mars dernier lors de l’envoi d’un SMS concernant le coronavirus et le premier confinement mis en place en France, il est donc logique que tous les Français ne reçoivent pas le message en même temps. Plus techniquement, il s’agit d’un SMS-MT : ce sigle désigne un SMS qui est transféré du centre SMS (SMSC) vers un terminal mobile (MT signifie Mobile Terminated).

Concernant TousAntiCovid, le gouvernement estime donc que le SMS aux 77 millions de cartes SIM en circulation en France (décembre 2019) peut être utilisé pour faire la promotion de l’application, car cela contribuerait à « atténuer les effets de la catastrophe sanitaire ».

Que dit ce SMS concernant TousAntiCovid ?

Du côté de la loi, donc, tout est dans les clous. Après l’échec de l’application SAIP, le gouvernement a d’ailleurs prévenu en 2020 qu’il allait se tourner plus régulièrement vers le SMS pour alerter les Françaises et Françaises en cas de situation de crise.

Du côté du contenu du texto envoyé, des questions pourraient toutefois être soulevées. Notamment dans la deuxième partie du message, qui enchaîne deux affirmations pas tout à fait vraies.

La première : « Plus de 10 millions de Français l’utilisent déjà.» Dans les faits, TousAntiCovid a bien atteint les 10 millions de téléchargements le 29 novembre, en comptant les anciens téléchargements de la version précédente, StopCovid. Mais ces téléchargements ne signifient pas que 10 millions de Français utilisent vraiment l’application. Le gouvernement n’a jamais communiqué les chiffres d’utilisateurs quotidiens de l’application (ceux qui l’allumeraient tous les jours lorsqu’ils sortent de chez eux, par exemple).

À l’inverse, les chiffres officiels que l’on connaît laissent penser que cette utilisation est bien plus faible : seulement 51 583 personnes testées positives au Covid-19 ont choisi de se signaler dans l’application depuis 5 mois, et cela n’a généré que 14 538 notifications à la date du 29 novembre 2020, soit une personne prévenue pour 3,5 cas positifs signalés.

La deuxième affirmation de la fin du SMS est tout aussi difficile à prouver : le message assure que les Français qui utilisent TousAntiCovid « sont alertés plus tot (sic) en cas de contact avec le virus et ont accès à un test ». D’une, tous les Français ont accès à un test PCR s’ils le souhaitent, ceux-ci sont gratuits depuis des mois : ce n’est pas un privilège obtenu grâce à l’application. Les Français qui ont été notifiés (par l’app ou par les agences dédiées au traçage humain) peuvent en revanche obtenir le statut « prioritaire » pour passer rapidement dans les laboratoires.

Toutefois, aucune donnée publique ne peut venir confirmer que les citoyens alertés par TousAntiCovid le sont « plus tôt en cas de contact avec le virus » que s’ils avaient été contactés par voie humaine. Aujourd’hui, les équipes humaines en charge d’opérer le traçage humain sont certes très sollicitées — ce qui peut donner lieu à des oublis ou des retards —, mais la majorité des personnes dites « cas-contact » sont mises au courant dans les 24 heures. Cette méthode est d’ailleurs indispensable pour venir pallier les problèmes techniques qui font de TousAntiCovid une solution faillible dans le traçage.

De plus, une grande différence est à prendre en compte : les utilisateurs de TousAntiCovid ne sont pas obligés d’entrer dans l’application le QR Code qui leur est donné lorsqu’ils sont positifs. À l’inverse, lorsqu’il s’agit de traçage humain, les personnes positives sont appelées et doivent donner les contacts des personnes qu’elles ont croisées — elles peuvent évidemment refuser de donner des noms, mais la démarche est plus difficile.

TousAntiCovid est-il utile ?

TousAntiCovid est la nouvelle version de StopCovid, l’application lancée en juin 2020 après de nombreux cafouillages et polémiques, que ce soit sur le protocole français « souverain » utilisé (qui diffère de celui que la majorité des voisins européens ont choisi) que pour les limites technologiques du Bluetooth, ou encore pour la relative inefficacité de cette solution numérique par rapport au traçage humain — un constat qui commence également à émaner d’autres pays d’Europe.

Le SMS que les Françaises et Français commencent à recevoir montre que le gouvernement n’est pas prêt de lâcher cet outil, voire qu’il est bien décidé à prouver qu’il est utile.

C’est une décision dans la continuité de ce que les autorités avaient déjà mis en place ces derniers mois afin de mettre TousAntiCovid au cœur de la réponse sanitaire française à la crise du Covid-19 : depuis son « rebranding » fin octobre, l’app a par exemple été incorporée aux « gestes barrières » recommandés par le gouvernement. Et cela a fonctionné, puisque les téléchargements ont beaucoup augmenté ces deux derniers mois.

Surtout, une décision importante a été prise, le 28 novembre : modifier la manière dont l’application enregistre un « contact » entre deux personnes. Auparavant, il fallait que deux smartphones ayant l’app et le Bluetooth allumés soient en contact pendant plus de 15 minutes à moins d’un mètre. Depuis un arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé, publié dans le Journal Officiel le 28 novembre, cette durée est diminuée à 5 minutes pour une distance de moins d’un mètre, ou de 15 minutes pour une distance entre 1 et 2 mètres.

Ce changement de fonctionnement pourrait bien permettre à TousAntiCovid d’enregistrer plus de contacts entre les personnes, et donc potentiellement de faire augmenter le nombre de notifications envoyées lors d’un cas positif déclaré.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.