La France déploiera d’ici 2022 un nouveau système d’alerte aux populations basé sur les SMS, basé sur la diffusion cellulaire, déjà adoptée dans plusieurs pays.

D’ici 2022, la France se dotera d’un tout nouveau système d’alerte aux populations en cas de situation d’urgence, comme une catastrophe naturelle, un accident industriel ou bien un attentat. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en a fait l’annonce le 24 septembre 2020 lors d’un déplacement à Rouen, presque un an jour pour jour après le feu qui a ravagé l’usine de produits chimiques de la société Lubrizol.

« Nous devons moderniser la façon dont nous renseignons la population », a reconnu le ministre, lors d’un point presse en compagnie de Barbara Pompili, sa collègue en charge de la Transition écologique. Lors de la catastrophe survenue à Rouen, des riverains s’étaient plaints du manque d’information alors que l’incendie recrachait une épaisse fumée noire sur la ville et aux alentours.

Lubrizol

L'Incendie de l'usine Lubrizol de Rouen, photographié le matin du 26 septembre 2019.

Source : Daniel Briot

Localement, il y a bien eu un système d’alerte par SMS, mais il concernait seulement les habitants du Petit-Quevilly, une commune de 22 000 habitants qui jouxte Rouen au sud — l’usine se trouve d’ailleurs dans une zone industrielle à cheval entre les deux villes. Le Petit-Quevilly se sert de Cédralis, un système d’alerte par téléphone auquel 6 817 foyers sont inscrits. Le service est gratuit et facultatif.

Mais un tel outil, bien qu’utile, a ses limites : il est restreint géographiquement à celles et ceux qui habitent la commune et il n’est pas garanti que tout le monde connaisse son existence. À l’époque d’ailleurs, il était indiqué que seuls 6 770 foyers sur les 10 000 de la commune étaient raccordés à Cédralis. Soit deux foyers sur trois. Cela laissait un large pan de la population hors du dispositif d’alerte.

D’où l’idée de revoir le système d’alerte français. « Nous allons déployer sur l’ensemble du territoire national, y compris les territoires ultra-marins, et pour toutes les populations, un système moderne, à la fois de SMS sur le téléphone portable, qui renseignera en temps réel des difficultés et des consignes à respecter », déclare Gérald Darmanin. En principe, les alertes seront locales, pour ne cibler que le public adéquat.

Qu’est-ce que le Cell Broadcast pour alerter la population d’un danger ?

Le nouveau dispositif, qui se basera sur la diffusion cellulaire (« cell broadcast »), offre trois avantages, selon le ministre : les alertes sont données « extrêmement rapidement ». Les informations communiquées à la population seront « précises ». Enfin, elles seront fournies « en temps réel », en fonction de l’évolution d’une situation en cours — par exemple, une nouvelle zone à évacuer ou un retour à la normale.

Ce printemps, un aperçu du principe de diffusion cellulaire a été donné lors de la mise en place du confinement. À la mi-mars, un SMS gouvernemental est apparu sur de nombreux écrans de téléphones portables. Émis par « Gouv.fr », le texto invitait au strict respect des règles de distanciation physique et se terminait par un lien dirigeant vers le site du gouvernement pour plus d’informations.

C’est à ce genre de message que devrait ressembler le futur système. Cette approche a plusieurs avantages :

  • elle n’a pas besoin d’être adossée à une application ;
  • elle marche avec les téléphones portables qui ne sont pas des ordiphones (puisque ce ne sont que des SMS) ;
  • un signal sonore spécifique pourra aussi être émis dans certains cas, même si le mobile est en mode silencieux.

Avec cette méthode, il est possible d’adresser un même message aux mobinautes qui se trouvent dans une zone géographique précise. la raison tient au fait que le SMS n’est pas envoyé à un terminal, mais à une cellule du réseau, en somme à des antennes de réseau des opérateurs. Celles-ci relaient ensuite le SMS à tous les téléphones portables qui se trouvent dans la zone couverte.

SMS gouvernement Covid-19 coronavirus

Le SMS gouvernemental diffusé lors de la mise en place du confinement, mi-mars 2020. // Louise Audry pour Numerama

Le système est modulable, car on peut s’adresser à une seule cellule du réseau, à une grappe, ou bien, dans un scénario très hypothétique et vraisemblablement apocalyptique, à tout le pays. Les alertes se propagent par les ondes radio et ne dépendent pas d’une technologie particulière (3G, 4G, 5G…) ou d’une génération de terminal, ce qui permet de toucher indistinctement les personnes.

L’échec de SAIP en tête

En outre, pour échapper à la congestion du réseau, qui peut survenir en cas de désastre naturel ou d’origine humaine, le Cell Broadcast se sert de canaux dédiés. Cela assure une diffusion du message même en cas de saturation, quand tout le monde cherche à joindre ses proches dans une zone ou si une partie des télécommunications locales ont été détruites.

Le ministère précise que seuls les incidents majeurs seront relayés — l’appréciation de la gravité d’un danger pourrait toutefois faire l’objet de futures controverses selon ce qui est diffusé ou pas en Cell Broadcast. Les informations contiendront des indications  sur la nature du risque (un feu, une inondation, l’inhalation de fumées toxiques…) et l’attitude à adopter (rester chez soi, quitter sa maison…).

En somme, finie l’expérience d’une application à la SAIP (Système d’alerte et d’information des populations). Lancée peu avant le début des matchs de l’Euro 2016, l’application n’a jamais su prouver son utilité en situation de crise : il lui arrivait par exemple de déclencher des alertes plusieurs heures après les faits, comme lors de l’attentat à Nice, ou pas du tout, pendant la prise d’otage à Trèbes.

Aussi, l’État a préféré se séparer d’un projet trop fragile techniquement et opté à la place pour une communication sur les réseaux sociaux, là où se trouvent massivement les Français et les Françaises, à travers des accords signés avec Google, Facebook et Twitter pour qu’ils relaient des alertes sur leurs pages. Par exemple, le ministère de l’Intérieur a un compte dédié aux alertes en cours.

Une impulsion européenne qui oblige la France à s’y mettre

En réalité, la bascule du pays dans l’ère du Cell Broadcast n’est pas vraiment une décision impulsée par le gouvernement. Paris n’a en fait pas le choix : c’est à l’échelon européen que cela s’est joué, avec un accord en 2018 entre le Parlement européen et le Conseil. Il était au départ envisagé de laisser jusqu’à 2024 pour imposer ce dispositif. Depuis, les échéances ont évalué au fil du travail du nouveau texte européen.

Ainsi, dans le cadre de la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, l’article 110 prévoit bien la mise en place d’un système d’alerte du public au plus tard au 21 juin 2022. Cette directive doit être transposée avant le 21 décembre 2020, ce qui a priori ne devrait pas poser de difficultés au Parlement.

europe-drapeau

Le drapeau européen.

Source : Giampaolo Squarcina

À cette date du 21 juin 2022, énonce l’article 110, « les États membres veillent à ce que, lorsque des systèmes d’alerte du public pour les cas d’urgence ou de catastrophes majeures, imminentes ou en cours, sont en place, des alertes publiques soient transmises aux utilisateurs finaux concernés par les fournisseurs de services mobiles de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation ».

La France accuse un certain retard dans le Cell Broadcast. Des pays comme Israël, le Chili, le Japon, le Sri Lanka et les États-Unis s’en servent depuis plusieurs années. La ville de New York aussi. Sur le Vieux Continent, il est opérationnel en Lituanie, en Grèce et aux Pays-Bas depuis un certain également. Il est arrivé plus récemment en Italie. On trouve d’autres exemples ailleurs dans le monde.

Gérald Darmanin s’est toutefois félicité de ce changement. « Au 20e siècle, on est passé du tocsin à la sirène. Et au 21e on passera de la sirène au téléphone portable », a-t-il résumé. Même si, dans les faits, les sirènes d’alerte ne seront pas remplacées, pas plus d’ailleurs que la communication sur les réseaux sociaux ou les interventions dans les médias, ou le recours à d’autres diffuseurs, comme dans le cadre dispositif Alerte-Enlèvement.

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