Elon Musk, propriétaire de X, dévoile la version 0.1 de Grokipedia, une encyclopédie « anti-woke » générée par IA et présentée comme une alternative à Wikipédia. Mais ses premières pages montrent un biais évident : les figures de droite alternative y sont souvent à leur avantage.

L’alternative « anti-woke » à Wikipédia est en ligne. Elon Musk, propriétaire du réseau social X, a lancé le 27 octobre 2025 la version 0.1 de Grokipédia, une encyclopédie générée et animée par IA via sa société xAI. Présentée comme une riposte à Wikipédia, contre laquelle Elon Musk est parti en croisade à de multiples reprises, cette première mouture compte environ 885 000 articles — loin des dix millions de sa rivale — et semble étrangement familière. À quelques détails près.

La version 0.1 de Grokipedia.  // Source : Grokipedia / xAI
La version 0.1 de Grokipedia. // Source : Grokipedia / xAI

En quelques heures, Grokipédia cumule déjà plusieurs polémiques

Grokipedia, qui n’est pour le moment disponible qu’en anglais, promet de « corriger les erreurs et biais » présents selon Elon Musk sur Wikipédia, qu’il juge trop marquée à gauche. Pour cela, la plateforme est censée faire appel à des méthodes algorithmiques d’analyse, de réécriture et de contextualisation des informations. Dans un post publié sur X le 28 octobre 2025, Elon Musk affirme d’ailleurs que la version 1.0 de Grokipedia sera « 10 fois mieux » que l’actuelle, mais que la 0.1 était déjà « meilleure que Wikipédia ».

Pourtant, il suffit de parcourir brièvement la plateforme pour constater plusieurs incohérences. D’abord, l’interface — hormis son mode sombre — ressemble étrangement à celle de Wikipédia. Étonnant, quand on connaît la rancune tenace qu’Elon Musk voue à l’encyclopédie en ligne. Mais ce n’est pas le seul problème : plusieurs utilisateurs ont remarqué que Grokipedia semblait aller un peu trop dans le sens de son créateur. Contrairement à Wikipédia, la page consacrée au milliardaire ne mentionne pas la polémique liée à son supposé salut nazi. Et si l’on peut comprendre qu’il préfère éviter les éléments négatifs le concernant, d’autres personnalités bénéficient du même traitement — en particulier celles issues du trumpisme.

Les personnalités de l’alt-right ont droit à des biographies lissées

Commençons par Donald Trump, figure centrale de nombreuses polémiques. Alors que sa page Wikipédia détaille ses affaires judiciaires — accusations de corruption, d’agression sexuelle et multiples inculpations — Grokipedia en propose une version largement édulcorée. L’affaire Stormy Daniels, par exemple, y est présentée sous un angle atténué : là où la justice a reconnu Trump coupable de 34 chefs de « falsification de documents commerciaux » liés au versement secret de 130 000 dollars pour étouffer une liaison présumée, Grokipedia insiste surtout sur le doute, citant que « la nouvelle théorie juridique manquait de précédent ». La page passe aussi sous silence la portée historique de ce procès, le premier à condamner un ancien président américain.

Grokipedia propose une version largement édulcorée des déboires judiciaires de Donald Trump. // Source : Grokipedia / xAI
Grokipedia propose une version largement édulcorée des déboires judiciaires de Donald Trump. // Source : Grokipedia / xAI

Autre exemple flagrant : l’autrice d’Harry Potter J.K. Rowling, vivement critiquée en raison de ses prises de position transphobes, est décrite avec beaucoup de pincettes sur Grokipedia : « Dans les années 2020, Rowling s’est affirmée comme une défenseure du caractère immuable du sexe biologique et de la protection des droits des femmes et des espaces non mixtes fondés sur ce critère » (…) « Cette position lui a valu des accusations de transphobie de la part de militants de l’identité de genre, bien qu’elle ait réaffirmé soutenir le droit des personnes trans à vivre sans discrimination », explique sa page sur l’encyclopédie d’Elon Musk.

La page Grokipédia sur Robert F. Kennedy Jr. reflète le même « lissage »  : les aspects les plus polémiques, tels que ses convictions et activités liées au complotisme antivax, sont nettement atténués, voire absents.

Grokipedia, du copier-coller de Wikipédia

Plusieurs observateurs ont également souligné les similitudes entre certaines pages Wikipédia et Grokipedia : le second reprend souvent des structures, chronologies, voire certains paragraphes entiers de l’encyclopédie collaborative en ligne — parfois sans reformulation. Les deux pages du physicien théoricien Albert Einstein ont par exemple une structure très similaire sur les deux encyclopédies. Pas étonnant, quand on remarque à la fin de certaines pages sur Grokipedia un petit disclaimer indiquant que « Le contenu est adapté de Wikipédia, sous licence Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 ».

« Le contenu est adapté de Wikipédia, sous licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 » // Source : Grokipedia / xAI
« Le contenu est adapté de Wikipédia, sous licence Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 » // Source : Grokipedia / xAI

Si chaque page affiche bien ses références et liens sources en bas, le processus de vérification reste, lui, totalement opaque. En haut des articles, on peut lire la mention « vérifié par Grok » accompagnée de la date et de l’heure de validation — difficile de dire si cela a de quoi rassurer, au vu des nombreuses polémiques entourant l’IA d’Elon Musk. Pour l’heure, les utilisateurs ne peuvent d’ailleurs pas modifier librement les pages comme sur Wikipédia, et l’historique des changements demeure loin d’être transparent.

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