Voici, sans doute, la carte la plus complète du réseau routier romain jamais conçue. Avec Itiner-e, une plateforme numérique d’analyse et de cartographie, la Rome antique se dote enfin de son propre « Google Maps ». Officiellement révélé le 6 novembre 2025 dans la revue Scientific Data (groupe Nature), cet outil interactif permet de visualiser près de 300 000 km de routes romaines, réparties dans tout l’Empire au IIe siècle. Ce qui représente, entre autres, l’agrégation de 200 ans de recherches. Rien que ça.

Que permet de faire l’outil Itiner-e ?
Cette plateforme est le fruit d’une collaboration entre des chercheurs issus principalement de l’université d’Aarhus (Danemark), de l’ICAC (Espagne), du CNRS (France) et de l’université de Leiden (Pays-Bas), aux côtés d’autres partenaires académiques européens.
Son ambition : mettre en ligne le jeu de données numérique le plus détaillé à ce jour sur les voies terrestres de l’Empire romain — et ce à l’apogée de son extension, soit vers 150 ap. J.-C. Au total, cette carte retrace 299 171,31 km de routes sur une superficie de près de 4 000 000 km², soit près du double de la longueur des autres ressources : l’Atlas numérique des civilisations romaines et médiévales couvrant quant à lui 188 555 km.
Si tout cela peut sembler un peu théorique, nous avons testé l’outil (après avoir visionné quelques tutoriels YouTube accessibles directement depuis la plateforme). Concrètement, il permet de calculer distances et temps de parcours selon le mode de déplacement choisi — marche, chariot à bœufs, animal de bât ou cheval — grâce à un algorithme tenant compte de la topographie. Ainsi, un trajet Paris (Lutèce) — Nice (Cemelenum) de 891,48 km aurait pris 486 heures en charrette (une vingtaine de jours) et 162 heures à cheval (moins d’une semaine). Les voies fluviales et maritimes sont également intégrées dans la même interface.

Il est aussi possible de comparer ces milliers de kilomètres de routes romaines au réseau actuel : le petit drapeau en bas à droite affiche les frontières contemporaines, l’icône juste à côté ajoute les villes et communes modernes, ce qui facilite grandement l’orientation. Pour visualiser les routes actuelles, il suffit de cliquer sur le panneau situé juste avant la flèche.
Enfin, Itiner-e permet d’explorer les routes romaines en 3D ou en vision satellite.
Comment cette carte des routes romaines a-t-elle été créée ?
L’outil s’inscrit dans une démarche de recherche ouverte : chercheurs comme simples utilisateurs peuvent y contribuer, enrichir ou corriger les données. La méthodologie varie selon les régions et les contributeurs, mais elle repose toujours sur trois grandes étapes. La première consiste à identifier les routes à partir de la littérature existante : atlas, synthèses régionales, rapports de fouille, répertoires géographiques et bornes milliaires — ces colonnes de pierre érigées tous les mille pas romains.

Les chercheurs s’appuient notamment sur les données épigraphiques, c’est-à-dire les informations tirées d’inscriptions gravées dans l’Antiquité. La base LIRE, par exemple, rassemble plusieurs milliers d’inscriptions latines retrouvées à travers l’Empire. Vient ensuite la localisation des routes grâce à l’étude de photographies aériennes et satellites — récentes ou anciennes, comme la mission Corona — ainsi qu’à des cartes topographiques modernes ou historiques, dont la célèbre Table de Peutinger, souvent considérée comme l’ancêtre des cartes routières.
Enfin, la troisième étape consiste à numériser manuellement chaque tronçon, en ajoutant les métadonnées pertinentes et en contrôlant la qualité des données produites. Chaque segment est ensuite qualifié selon trois niveaux de fiabilité : certain, conjecturé ou hypothétique. Les zones les plus lacunaires deviennent prioritaires pour les recherches futures.
Fait notable (ou pas si surprenant) : seuls 2,737 % des segments sont considérés comme « certains », 89,818 % comme « conjecturés », et 7,445 % comme « hypothétiques ». Ces derniers correspondent à des segments supposés dans des régions très mal documentées, où l’existence d’une route est jugée probable sans être démontrable. Ce n’est d’ailleurs pas la première initiative de ce genre : des projets comme ORBIS ont déjà cherché à modéliser la mobilité antique — Itiner-e s’en distingue par la précision et l’exhaustivité de sa cartographie.
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