Avec ses nouvelles Livebox S et Livebox 7, Orange fait un retour en arrière inédit dans l’industrie des télécoms : il renonce à la bande 6 GHz.
Alors que ses concurrents, comme Free et Bouygues, communiquent sur du Wi-Fi 7 avec trois bandes (2,4 GHz, 5 GHz et 6 GHz), l’opérateur historique fait le choix de lancer du Wi-Fi 7 restreint aux deux bandes traditionnelles, 2,4 GHz et 5 GHz. La fréquence la plus haute, introduite avec le Wi-Fi 6E, disparaît. Orange était le premier à l’avoir introduit sur le marché français dès avril 2022, bien avant que les grandes marques (Apple, Samsung, Google) supportent le 6 GHz dans tous leurs appareils. Aujourd’hui, la quasi-totalité des produits récents sont compatibles avec cette technologie.
C’est quoi le 6 GHz, la technologie à laquelle Orange renonce ?
Introduite avec le Wi-Fi 6E, la bande de fréquence 6 GHz a longtemps été présentée comme une révolution pour le Wi-Fi. Cette nouvelle technologie, qui émet à une fréquence intermédiaire supérieure, permet d’obtenir des débits nettement plus élevés, mais dans un périmètre plus restreint. La bande 6 GHz offre un spectre beaucoup plus large, avec jusqu’à 1 200 MHz de bande passante supplémentaire aux États-Unis. Ce spectre est cependant restreint en Europe, où le 6 GHz ne peut pas dépasser les 480 MHz, limité à la portion basse entre 5 945 MHz et 6 425 MHz.
Grâce au 6 GHz, on peut théoriquement atteindre jusqu’à 9,6 Gb/s en Wi-Fi (ce qui est, évidemment, impossible dans un usage réel). Cette fréquence venait aussi avec une promesse : désengorger le Wi-Fi à la maison, en fournissant un super débit aux appareils privilégiés (ordinateurs, smartphones, etc.), en créant une nouvelle « voie de circulation » moins encombrée que les bandes 2,4 GHz et 5 GHz. Son principal défaut est que son émission dépasse rarement la pièce où se trouve la box : les ondes à haute fréquence ont plus de difficulté à traverser les murs et autres obstacles.

Avec trois ans de recul sur le 6 GHz, Orange est arrivé à une conclusion que les autres opérateurs n’assument peut-être pas encore : cette technologie, particulièrement dans sa version européenne, apporte plus d’inconvénients que de défauts. À contre-courant de l’industrie, le premier opérateur de France décide de favoriser un réseau 5 GHz boosté, pour améliorer le Wi-Fi pour tous ses utilisateurs, plutôt que de continuer de développer une fréquence de niche. « Les autres parlent, Orange fait », assume un directeur marketing d’Orange.
« C’est un peu moins vendeur, mais c’est un peu plus responsable »
Sur les Livebox 6 et 7 compatibles Wi-Fi 6E, Orange dit avoir constaté que les usages étaient les suivants :
- 15 % des appareils sont connectés en 2,4 GHz (il peut s’agit d’appareils qui ont surtout besoin du réseau local, comme de la domotique, des appareils plus anciens ou des produits éloignés de la box).
- 80 % des appareils sont connectés en 5 GHz, ce qui représente l’immense majorité du réseau. La quasi-totalité des appareils modernes, hors domotique, supportent aujourd’hui cette technologie.
- Seulement 5 % des connexions se font en 6 GHz, malgré la multiplication des appareils compatibles (Wi-Fi 6E ou Wi-Fi 7). Les appareils haut de gamme sortis depuis 2-3 ans supportent normalement le 6 GHz.

Comment expliquer un aussi faible taux d’utilisation ? Au-delà de la question des appareils, Orange dit être arrivé à la conclusion que la bande de fréquence 6 GHz, dès que l’on s’éloigne de la box, est hautement instable. Il est trop souvent impossible de la capter, ce qui réduit son intérêt. Autre problème : les débits records, ceux promis par les opérateurs, ne sont atteignables qu’en face de la box.
Pire, Orange dit que les filtres qui séparent ses antennes 5 GHz et 6 GHz, même s’ils sont de très bonne qualité, ne réussissent pas à empêcher totalement les interférences. La conséquence est un réseau dégradé sur toutes les fréquences, y compris sur celle utilisée par 80 % des appareils.

En supprimant la carte 6 GHz et en optimisant les antennes 5 GHz, Orange indique que ses tests internes constatent une amélioration de 70 % de la qualité Wi-Fi, en moyenne, dans un foyer. Grâce au Wi-Fi 7, le 5 GHz sur un spectre haut atteindrait des débits de 2,2 Gbps, versus 1,8 Gbps sur le spectre bas du 6 GHz d’un routeur Wi-Fi 6E.
Pour cette raison, l’opérateur communique sur un Wi-Fi plus performant avec sa nouvelle Livebox 7, malgré la suppression de la bande de fréquence 6 GHz. Il est difficile de le croire aveuglément, puisque le Wi-Fi 6E pouvait faire des miracles lors de certains tests de débit, mais il est vrai que le 6 GHz a une très mauvaise portée. Orange met notamment en avant le fait que son spectre était limité à 160 MHz, ce qui est loin des capacités maximales de la technologie.

« C’est un peu moins vendeur, mais c’est un peu plus responsable », indique à Numerama un haut responsable d’Orange, qui compare la stratégie de ses concurrents aux marques qui mettent en avant le nombre de mégapixels d’un appareil photo. L’opérateur historique veut offrir le meilleur Wi-Fi, pas celui qui coche toutes les cases pour faire plaisir à 5 % des geeks.
Une des seules limites au raisonnement d’Orange concerne les appareils seulement Wi-Fi 6E, comme les Mac et iPad de 2024 et 2025. Dans leur cas, le nouveau Wi-Fi 7 en 5 GHz ne sera certainement pas plus rapide que le Wi-Fi 6E en 6 GHz, puisque l’on repasse automatiquement sur du Wi-Fi 6 classique.
Le 6 GHz est-il condamné à disparaître en France ?
En prenant cette décision, Orange ouvre la porte à un changement de stratégie global, que ses concurrents pourraient copier. L’opérateur sait qu’il perdra une partie des geeks fans de speed-test, mais considère que son choix est le meilleur, là où ses concurrents tendent à se la raconter, avec des box en réalité moyennes. Orange se dit confiant quant la qualité de ses Livebox 7 et Livebox S, qui disposent des mêmes antennes (3×3 sur le 2,4, 4×4 sur le 5). Il est probable que Free et Bouygues, qui misent sur le 6 GHz, tentent d’attaquer Orange sur ce manquement parfaitement assumé.
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