Les difficultés n’ont pas épargné la mission InSight, arrivée en 2018 sur Mars. Outre les soucis pour creuser dans le sol de la planète, l’atterrisseur a vu ses panneaux solaires se recouvrir progressivement de poussière, ce qui pose des soucis énergétiques. Si bien que l’éventualité que la mission s’achève au beau milieu de l’année prochaine a été évoquée. Qu’en est-il vraiment ? Peut-on affirmer que les jours de la mission sont comptés ?
« On est dans une situation fragile, un peu sensible, que l’on surveille de près, confirme auprès de Numerama Charles Yana, chef de projet SEIS-InSight au Cnes. On est sur du tuning aux petits oignons, pour être dans le bon mode, qui permet de faire suffisamment de science tout en maintenant les niveaux d’énergie suffisamment bas. La poussière, elle, continue à s’accumuler. On n’est pas à l’abri d’une bonne surprise, d’une énorme tempête de poussière. Les difficultés d’énergie, c’est au jour le jour. »
« Ce n’est pas notre hypothèse de travail »
Néanmoins, l’éventualité d’une fin de mission pour le milieu de l’année 2022 n’est qu’une hypothèse, poursuit le spécialiste. « Aujourd’hui, ce n’est pas la base sur laquelle on prévoie les opérations […]. Il est trop tôt aujourd’hui pour parler de fin de mission mi-2022. C’est une possibilité, mais ce n’est pas notre hypothèse de travail, ni au Cnes ni au JPL. » La mission InSight est développée principalement par la Nasa, et son Jet Propulsion Laboratory spécialisé dans les missions robotiques. La France supervise le développement de l’un de ses instruments phares, le sismomètre SEIS. C’est lui qui est chargé d’enregistrer les « tremblements de Mars ».
Au cours des dernières semaines, les progrès d’InSight ont été notables : alors qu’au début de l’année, il était envisagé de devoir cesser toute activité scientifique pendant six mois, la Nasa a finalement annoncé le 26 juin qu’InSight pourrait fonctionner une majeure partie de l’été. « Ça bouge vite, on a de réels résultats, poursuit Charles Yana. L’objectif est de tenir la mission le plus longtemps possible, et bien sûr de faire de la science. Si le seul moyen de maintenir la mission allumée est d’éteindre tous les instruments scientifiques, l’intérêt est quand même un peu limité. On n’en est pas là, on prend les problèmes les uns après les autres. L’objectif est de maintenir le sismomètre allumé le plus longtemps, afin de faire le plus de science possible. »
À l’heure actuelle, la date de fin de mission est arrêtée à la fin de l’année 2022. Il s’agit d’un prolongement de la mission nominale (initiale), qui s’est achevée fin 2020. « La question du prolongement de la mission jusqu’à fin 2024 sera posée fin 2022. On part du principe que sur ces missions là, tant que cela marche et que cela ne coûte pas trop cher, on continue à faire de la science », explique le scientifique. Et l’objectif principal depuis l’été 2020, « est de voir comment on peut adapter les opérations d’InSight à la situation énergétique ».
Quels sont les différents seuils possibles ?
Pour comprendre ce qui se passe actuellement sur Mars avec InSight, il faut rappeler quels sont les seuils possibles pour une mission.
- Le seuil nominal : tous les instruments sont maintenus allumés,
- Un seuil où il devient nécessaire d’éteindre certains éléments, comme des instruments scientifiques,
- Un seuil obligeant à éteindre l’ensemble des instruments,
- Un dernier seuil, qui force à éteindre la mission.
Le robot est prévu pour se mettre lui-même en veille, si l’énergie qu’il produit lors d’un sol (le nom du jour sur Mars) est inférieure à l’énergie dont il a besoin. Comme l’explique Charles Yana, « cela arrive en général quand il fait froid, il y a un risque que les batteries qui ne sont plus utilisées puissent geler et qu’on ait du mal à les rallumer après. C’est pour cela qu’on fait attention à maintenir le niveau d’énergie suffisamment haut pour pouvoir être au-dessus du seuil minimal de fonctionnement de l’atterrisseur. »
Or, ce seuil de fonctionnement peut changer en fonction de la température sur Mars — qui peut varier de 20 à -153°C. Des températures plus fraiches amènent à modifier le seuil de fonctionnement minimal, puisqu’il devient nécessaire de chauffer davantage. « Ces dernières semaines, on a ajusté les seuils de fonctionnement pour le sismomètre SEIS. On avait des températures minimales de fonctionnement sur un sous-système donné : on a accepté de rogner un peu sur les marges, en l’utilisant à une température inférieure à ce qui était prévu. Cela nous a permis de maintenir l’instrument allumé », détaille Charles Yana.
Des tentatives ont également été menées pour nettoyer les panneaux solaires de la mission, notamment en déposant encore plus de poussière dessus. Ainsi, 3 à 4 % d’énergie ont été gagnés en plus — de quoi maintenir les instruments allumés cet été.
« Un instrument allumé, c’est de la science en plus »
À l’origine, il était prévu d’éteindre tous les instruments entre les mois de juin et d’octobre 2021. Il faut dire que deux périodes s’annoncent. « D’abord, il y a l’aphélie mi-juillet, c’est-à-dire le point le plus éloigné de l’orbite autour du Soleil, donc le plus froid. On avait prévu de ne pas avoir assez d’énergie pour maintenir les instruments allumés », énumère le scientifique. Les instruments ne devaient être rallumés qu’après le deuxième événement, la conjonction solaire. « Cette fois-ci, c’est le Soleil qui se retrouve entre la Terre et Mars, avec une impossibilité de communiquer. On aurait rallumé les instruments au moment de retrouver le contact avec Mars, après la conjonction solaire. »
Les manœuvres de nettoyage des panneaux solaires ont donc joué un grand rôle, car elles permettront normalement de garder SEIS allumé cet été (non pas en continu, mais pendant la période la plus calme de la journée). Les équipes travaillent actuellement sur la possibilité de maintenir l’instrument allumé pendant la conjonction solaire, ce qui n’est pas encore certain. En tout cas, « on est ravis, s’enthousiasme Charles Yana. Un instrument allumé, c’est de la science en plus. On arrive à une période où les tempêtes de poussière se calment. L’atmosphère est moins turbulente qu’il y a quelques mois : on a une période pendant laquelle les températures vont aller en se réchauffant, ce qui sera beaucoup plus propice aux détections d’événements sismiques, que ça ne pouvait l’être ces derniers mois. »
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