Plusieurs mois se sont passés entre la première et la deuxième vague. Pourquoi de nouveaux lits de réanimation n’ont-ils pas été créés pour soulager le personnel et mieux prendre en charge les malades ?

Alors que la deuxième vague dans l’épidémie du coronavirus présente des taux de positivité importants, il se pose de plus en plus, et à nouveau, la question de la prise en charge des malades en état grave dans les hôpitaux. Le nombre de lits de réanimation, pour les patients qui ont besoin d’assistance respiratoire, n’a que peu augmenté depuis la première vague. Pourquoi ce quasi-statu quo, et qu’est-ce que cela implique ?

Le taux d’occupation des lits de réanimation fait partie des facteurs surveillés pour décider du niveau d’alerte dans une ville, un département. À l’échelle nationale, le taux moyen est passé de 32,3 % le 13 octobre, à 44 % au 22 octobre. En Île-de-France, ce sont plus de 60 % des lits de réanimation qui sont occupés au 22 octobre. Face à la croissance des entrées dans ces services, la polémique enfle face à ce qui semble être la persistance d’un manque de moyens publics mis dans les hôpitaux pour se préparer à un pic dans les crises. Le gouvernement essaye toutefois de justifier ce manque autrement.

Occupation des lits de réanimation au 22 octobre 2020 (conférence de presse). // Source : Gouvernement

Occupation des lits de réanimation au 22 octobre 2020 (conférence de presse).

Source : Gouvernement

Des lits temporaires, mais pas de lits structurels

La France comptait, au début de la crise sanitaire, 5 000 lits. Lors de sa conférence de presse du 22 octobre 2020, le ministre de la Santé a indiqué que le nombre de lits structurels avait déjà été augmenté de 15 % : « Nous sommes montés à 5 800 lits dans la durée à la faveur de l’été, avec des efforts conséquents qui ont été réalisés par l’ensemble des hôpitaux ». Il a ensuite évoqué le chiffre de 7 700 lits pouvant être créés dans les 15 prochains jours par un « effort de réorganisation important ».

Cela signifie que ces 1 900 lits supplémentaires seront mis en place temporairement, par urgence (comme lors de la première vague où le nombre total de lits avait été porté à 10 700, par l’ajout de lits temporaires), et non par une augmentation structurelle, sur le long terme. Le gouvernement le justifie en rappelant régulièrement, lors de conférences de presse successives, que ce n’est pas ce qu’il recherche, et qu’il s’agissait avant tout d’éviter que des gens arrivent en réanimation, et donc que les capacités ne soient jamais saturées. 

Une autre raison invoquée par le gouvernement est que la mise en place de nouveaux lits de réanimation « structurels », de manière pérenne, ne prend pas plusieurs semaines, mais bien plusieurs mois ou années. Un lit de réanimation signifie un besoin d’espace physique pour ce lit, du matériel (appareils de respiration, médicaments…), ainsi que du personnel dédié qui doit être formé — des anesthésistes, des réanimateurs, des infirmiers. Ce besoin de personnel qualifié est un problème récurrent pendant cette crise sanitaire : les laboratoires où sont réalisés les tests PCR ne peuvent pas accroître leurs délais tant qu’ils n’ont pas recruté de nouveaux techniciens, et la demande est plus forte que le nombre de personnes disponibles.

L’enjeu de la déprogrammation

Aurélien Rousseau, le directeur général de l’ARS d’Île-de-France, déclarait récemment lors d’une conférence que face à l’augmentation des admissions de cas graves dans les hôpitaux et une projection à 90 % d’occupation des lits d’ici fin octobre, « on va devoir aller encore plus loin dans la déprogrammation » d’opérations. La déprogrammation est un enjeu central dans le problème des lits de réanimation : tandis que créer des lits structurels est lent, créer des lits temporaires a des implications sur le fonctionnement normal d’un hôpital. Pour libérer de la place et des équipes, il faut annuler des opérations qui mobilisent elles aussi des lits de réanimation.

« Quand on veut augmenter les lits de réa, il faut fermer d’autres lits pour les transformer en lits de réanimation. Vous le savez, nous n’avons pas souhaité déprogrammer l’ensemble des soins sur tout le territoire national, contrairement à ce qui avait été fait au printemps dernier, notamment du fait que la progression est moins exponentielle », a commenté Olivier Véran le 22 octobre, citant l’exemple de l’Auvergne – Rhône-Alpes, où les soins de chirurgie ambulatoire ou cancérologique ont été suspendus pour les deux prochaines semaines « pour laisser de la place ».

La crainte d’une nouvelle saturation dans les hôpitaux

Quelles que soient les explications fournies par le gouvernement, la situation fait craindre le pire dans les hôpitaux, avec le risque d’un pic équivalent, voire pire qu’en mars-avril 2020. Le problème est bien que les capacités matérielles et humaines actuelles sont en dessous de celles dont on a vraiment besoin, alors les réorganisations nécessaires poussent le personnel à bout. « Les soignants sont fatigués physiquement et psycho­lo­gi­que­ment avec la vague COVID19. Lorsqu’on vous oblige à revenir sur vos jours de repos, à enchaîner les gardes de l’après-midi avec celles du matin, on vous pousse à l’erreur », avertit le syndicat des infirmiers.

Aux déprogrammations, il faut par ailleurs ajouter que, quoi qu’il arrive, il y aura toujours besoin de lits de réanimation pour des urgences qui ne correspondent pas à la maladie Covid-19. Sur le total des 10 700 lits mobilisés durant le pic du printemps 2020, une partie d’entre eux étaient dédiés à d’autres pathologies. Certaines de ces urgences ne peuvent évidemment pas être anticipées, le nombre de lits disponibles ne peut donc jamais être pleinement connu à l’avance, raison pour laquelle une marge de manœuvre soulagerait les hôpitaux.

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