La perte d’éclat de l’étoile Bételgeuse pourrait s’expliquer par un nuage de poussière qui a obscurci la brillance de l’étoile. Mais cette hypothèse ne fournit pas de réponse définitive.

Pendant une longue période, fin 2019, l’étoile Bételgeuse a perdu de son éclat. Ce comportement a intrigué les scientifiques : il est possible que la supergéante rouge soit sur le point d’exploser, et que nous assistions prochainement à une supernova. Mais ce n’est là qu’une hypothèse. L’étrange comportement s’est poursuivi avec la ré-augmentation de la luminosité de l’étoile, jusqu’à revenir à sa brillance d’origine courant 2020.

À partir d’observations spectroscopiques obtenues grâce à Hubble, l’astronome Andrea Dupree pense avoir la réponse au mystère de la perte d’éclat temporaire. Avec son équipe, elle observe de la matière chaude s’échapper au-dessus de la surface de Bételgeuse et se mouvoir dans son atmosphère, avant, quelques mois plus tard, de s’estomper. Les résultats de ce travail de recherche ont été publiés ce 13 août 2020 dans The Astrophysical Journal.

Le plus probable, d’après cette étude, est qu’un nuage de poussière, issu de Bételgeuse elle-même, soit venu bloquer environ un quart de la brillance de l’étoile, recouvrant son hémisphère Sud. Lorsque le nuage s’est estompé, l’étoile a recouvré pas à pas sa luminosité habituelle. Mais comment une étoile peut-elle bien former une nuage de poussière ?

Un lien avec le cycle de pulsation de l’étoile

D’après les explications fournies dans le papier de recherche, une grande cellule de convection (sorte de bulle où le plasma est en circuit fermé) est remontée à la surface. Cette cellule a traversé l’étoile, jusqu’à ce que le plasma (extrêmement chaud) dépasse la région chaude de l’atmosphère de l’étoile (la chromosphère) pour atteindre les couches plus froides. Ce contact, à distance de la surface de l’étoile, a refroidi le plasma, au point de le transformer en une nuage obscurcissant de grains de poussières.

Illustration fournie par la Nasa du processus d'expulsion du plasma, se transformant alors en nuage de poussières obsurcissant. // Source : NASA, ESA, and E. Wheatley (STScI)

Illustration fournie par la Nasa du processus d'expulsion du plasma, se transformant alors en nuage de poussières obsurcissant.

Source : NASA, ESA, and E. Wheatley (STScI)

En revanche, la raison d’être de l’expulsion du plasma reste irrésolue. Les auteurs de l’étude pensent qu’elle est reliée au cycle de pulsation de l’étoile (elle se contracte et s’étend au fil de ce cycle). Le moment où le nuage de poussière est arrivé à l’atmosphère de Bételgeuse est cohérent avec une phase d’expansion au sein du cycle de pulsation. Les étoiles expulsent régulièrement une part de leur masse, mais durant cette expulsion de plasma, Bételgeuse a perdu trois fois plus de matériaux issus de sa masse que la normale. Ce taux exceptionnel représente 30 millions de fois la masse que perd notre Soleil.

Une hypothèse à prendre avec prudence

Alors, est-ce que cela exclut la possibilité que Bételgeuse soit à la « veille » d’une supernova ? Pas forcément, comme l’explique sur le site de la Nasa Andrea Dupree, astrophysicienne co-autrice du papier de recherche : « Personne ne sait ce qu’une étoile fait juste avant de devenir une supernova, parce que [cette phase] n’a jamais été observée. (…) Mais la probabilité que l’étoile devienne une supernova dans un avenir proche reste assez faible. »

« Il n’y a pas de modélisation venant appuyer cela »

Quant à Michel Montargès, astronome français qui a produit des images de Bételgeuse en février 2019, il appelle à la prudence quant à l’idée que cette hypothèse puisse apporter une réponse définitive. « En se basant sur les images que j’ai publiées en février 2019, Andrea en déduit que la baisse de luminosité a été causée par la condensation de ce gaz en grains de poussières devant l’étoile à partir de novembre 2019. C’est possible mais ça va un peu au-delà de ses données et surtout il n’y a pas de modélisation venant appuyer cela », nous écrit-il. Il pose un second bémol : « Je viens faire une pré-soumission à Nature pour (enfin) publier ma série d’images obtenue au VLT [Very Large Telescope] de Janvier 2019 à Mars 2020. La conclusion de cet article sera un petit peu différente. »

L’étude d’Andrea Dupree est donc loin de venir clore le débat astronomique sur la perte d’éclat temporaire de Bételgeuse : de nouvelles hypothèses vont prochainement venir enrichir la quête de réponses sur le comportement de la supergéante rouge. Rappelons que Bételgeuse est située à 725 années-lumière de la Terre : tout ce que les astronomes observent actuellement s’est déroulé en soi au 14e siècle !


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