Depuis 2019, les astronomes du monde entier scrutent l’étoile Bételgeuse sous tous les angles en espérant la voir exploser. La géante rouge visible dans la constellation d’Orion est habituellement une des étoiles les plus brillantes dans le ciel nocturne. Éloignée de 642 années-lumière, elle est 1 1 000 fois plus grosse que notre Soleil avec une luminosité 100 000 fois plus élevée.
Pourtant, des signes récents semblent indiquer qu’elle fatigue. Perte de diamètre, changement de niveau de luminosité, les dernières années ont été rudes, au point que de très sérieuses études ont cru qu’une supernova, une explosion de l’étoile, allait survenir. « C’est la conclusion à laquelle nous avions abouti l’an dernier encore, assure Georges Meynet, astrophysicien de l’observatoire de Genève. Nous avons établi certaines périodes dans son cycle de luminosité, et d’après les modèles, il ne lui reste que quelques siècles, tout au plus. »
Bételgeuse en a encore pour 100 ans… Ou 100 000 ans !
Pour arriver à cette conclusion, Georges Meynet et ses collègues ont observé Bételgeuse jusqu’à mettre le doigt sur un schéma dans l’évolution de sa brillance. Ils ont identifié 4 périodes, dont trois durent environ entre 200 et 400 jours, et une dernière à 2 200 jours. Chacune ayant son propre niveau de luminosité.
« En prenant ceci en compte, résume le chercheur, nous pouvons dire que cela ressemble à une étoile en fin de vie. D’autres travaux établissaient qu’elle en avait encore pour 100 000 ans, mais nous n’arrivons pas à la même conclusion ! »
Comment savoir qui a raison ? Georges Meynet a une réponse imparable : « Il faut attendre ! Il se peut que nous ayons tort, les mesures sont compliquées. »
Effectivement, Bételgeuse a une surface extrêmement dynamique, avec une enveloppe en ébullition, de nombreuses perturbations, des pulsations… Autant de variables qui rendent toute analyse assez difficile. C’est pourquoi d’autres études sur le même sujet ont conclu que cette période de 2 200 jours n’existait pas, et qu’elle correspondait en réalité à l’existence d’un compagnon de Bételgeuse qui se placerait devant elle, faisant baisser sa luminosité à nos yeux.
Une bataille d’experts qui dépasse le grand public… mais où tout le monde voudrait tout de même voir un vainqueur ! Car si Bételgeuse explosait bel et bien, le spectacle serait absolument fantastique. « Ce que nous savons avec certitude, c’est que ce ne sera pas dangereux, rassure d’emblée Georges Meynet. C’est beaucoup trop loin pour menacer la Terre d’une quelconque façon. En revanche, nous verrons une étoile briller autant que la pleine Lune, et ce pendant des mois. »
En regardant en direction de la constellation d’Orion, vous pourrez ainsi voir ce qui ressemble en tous points à une étoile, sauf qu’elle sera infiniment plus grosse, et visible de jour comme de nuit. Le spectacle pourrait durer plusieurs mois avant que la luminosité ne finisse par diminuer petit à petit.
« Il y aurait une activité astronomique sans précédent »
À l’œil nu, il sera impossible de distinguer plus de détails que ce que l’on voit en regardant une étoile ordinaire. En revanche, un œil dans le télescope pourra certainement révéler les structures habituellement associées aux supernovæ, notamment les ensembles de gaz et de poussières qui évoquent les bras d’une galaxie.
Ce phénomène est relativement rare, on compterait environ 2 à 3 supernovæ par siècle dans chaque galaxie. Dans l’histoire récente, celle de 1987, nommée SN 1987A, avait été scrutée de près car elle était visible à l’œil nu depuis l’hémisphère Sud. Située tout près de la Voie Lactée, dans le grand nuage de Magellan, elle se trouvait tout de même à 168 000 années-lumière, soit bien plus loin que Bételgeuse, et ne se distinguait guère d’une étoile classique sans télescope.
Pour en trouver une dans notre galaxie, il faut remonter à 1604 avec la supernova dite de Kepler qui serait restée visible près d’un an selon les écrits de l’époque. Depuis l’ère télescopique, aucun phénomène similaire ne s’est produit dans notre Voie Lactée. Bételgeuse pourrait donc bien être la première. « Ce serait incroyable pour le grand public, mais aussi pour les scientifiques, s’enthousiasme Georges Meynet. SN 1987A fait encore aujourd’hui l’objet d’études, avec un environnement observé par le télescope spatial James-Webb. Si un jour, cela arrive à Bételgeuse, il y aura une activité astronomique sans précédent.»
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