Partir à 225 millions de kilomètres pour réinventer l’igloo – l’idée ne vient pas des Inuits, mais de scientifiques de l’université de Harvard, qui ont présenté leurs recherches lors du congrès annuel de l’American Geophysical Union – l’Union américaine de géophysique, le 16 décembre 2025. Mise en avant par le très réputé journal Science, leur étude rappelle que Mars recèle 5 millions de kilomètres cubes d’eau gelée à sa surface ou à proximité, sans compter les quantités qu’elle pourrait renfermer en profondeur.
Harvard remet la glace au centre du jeu
Sur la planète rouge, deux matériaux semblent utilisables pour construire des habitats : la glace et le régolithe, soit la poussière et les petits morceaux de roche qui recouvrent sa surface. Or, le régolithe est compliqué à exploiter. Il faudrait en traiter de grosses quantités pour en extraire des éléments comme du silicium et de l’oxygène, qui seraient chauffés ensuite à très haute température pour fabriquer du verre ou d’autres matériaux. C’est la raison pour laquelle Robin Wordsworth, à la tête du groupe de recherche sur le climat et l’habitabilité planétaire à l’université Harvard, ainsi que son ancien élève Rafid Quayum, principal auteur de l’article, se sont intéressés à la glace.
Les habitats martiens prendraient la forme des dômes d’un hectare, compartimentés pour l’habitation et des cultures. Afin de tester la faisabilité du projet, les chercheurs ont modélisé le pouvoir isolant de la glace et ont estimé qu’une épaisseur de quelques mètres pourrait relever la température interne de -120 °C à environ -20 °C, de quoi maintenir la glace stable.
Quand la glace devient un matériau d’ingénierie
Après l’isolation, l’équipe a regardé la glace comme un véritable matériau d’architecture : renforcée par des hydrogels – des gels dans lesquels l’agent gonflant est l’eau, elle gagnerait en résistance et en souplesse, deux atouts pour encaisser les contraintes sans se fissurer. Elle a aussi anticipé un danger propre à Mars : la sublimation, qui peut grignoter une structure de glace en la transformant directement en gaz. Un revêtement hydrofuge jouerait alors le rôle de bouclier, qu’il faudrait cependant importer.
Par ailleurs, la glace agit comme un filtre intelligent, stoppant l’essentiel des UV tout en laissant passer la lumière visible et l’infrarouge. En d’autres termes, un habitat en glace pourrait à la fois protéger des radiations du Soleil et laisser entrer lumière et chaleur, indispensables aux plantes et au moral des astronautes, bien que le président américain Donald Trump ait annoncé le 18 décembre prioriser un retour sur la Lune d’ici 2028, reléguant l’exploration de la planète rouge au second plan.
À juste titre ? Malgré ses promesses, une ville faite d’igloos demanderait d’immenses volumes de glace, dont la production serait lente – environ 15 mètres carrés par jour selon les chercheurs de Harvard. Un tel projet serait par ailleurs vulnérable à la poussière, les tempêtes de poussière étant fréquentes sur Mars, risquant de ruiner les propriétés transparentes et isolantes des dômes. Entre la poussière, le froid et la lenteur, Mars nous rappelle donc qu’elle est loin d’être prête à accueillir des locataires.
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