Nous avons déjà tous entendu au moins une fois cette phrase : « l’IA est l’avenir ». Alors certes, cette affirmation n’est pas fausse. Mais imaginez deux secondes que l’intelligence artificielle serve aussi au passé…
C’est en tout cas le but qu’ont essayé d’atteindre un groupe de chercheurs de Google DeepMind et de l’Université de Nottingham : pour la première fois, un modèle d’IA va pouvoir aider les historiens à contextualiser des épigraphies antiques (c’est-à-dire des inscriptions gravées). Leurs résultats ont été publiés ce 23 juillet 2025 dans la prestigieuse revue Nature.
« Les inscriptions anciennes offrent des aperçus rares et directs des civilisations passées, mais elles survivent souvent sous forme de fragments incomplets, manquant de contexte crucial », explique Thea Sommerschield, l’une des premières autrices de l’étude dans le communiqué de presse de l’Université de Nottingham.
Prometteuse, la nouvelle IA nommée Aeneas permettrait aussi de réduire considérablement la charge de travail des chercheurs.
Énée, l’intelligence artificielle qui parle le latin
Aeneas, ou Énée en français, utilise « des milliers d’inscriptions latines, récupérant des parallèles textuels et contextuels en quelques secondes qui permettent aux historiens d’interpréter et de s’appuyer sur les résultats du modèle », explique le communiqué de presse de l’Université de Nottingham. Elle a été créée d’après Ithaca, la précédente IA de Google DeepMind utilisée pour les mêmes objectifs sur les textes en grec ancien.


Aeneas a donc été formé à partir de milliers de données « s’appuyant sur des décennies de travail des historiens ». Les chercheurs les ont organisées en une seule base commune qu’ils ont appelée « l’ensemble de données épigraphiques latines (LED) ». Elle contiendrait plus de 176 000 inscriptions nous venant de l’Antiquité romaine.

En plus d’appuyer les historiens sur l’interprétation des textes, cette intelligence artificielle permet aussi de :
- chercher des liens avec d’autres inscriptions pour aider les chercheurs à les replacer dans leur contexte historique. Avant, faire émerger ces parallèles relevait du travail des chercheurs qui s’appuyait sur leurs connaissances et des ressources spécialisées ;
- déterminer l’origine géographique des textes ;
- compléter des parties manquantes des textes ;
« Énée identifie rapidement des noms, des phrases et des formules partagées à travers des milliers d’inscriptions latines, ce qui nous permet de reconstituer des informations perdues et d’acquérir une compréhension plus complète de l’histoire ancienne », a déclaré la chercheuse Thea Sommerschield.
Aeneas peut aussi interpréter d’autres langues et d’autres écritures. Il fonctionne sur plusieurs types de supports comme le papyrus, mais aussi les pièces de monnaie.
Une précision augmentée grâce à une intelligence artificielle
L’étude publiée a réuni « vingt-trois historiens qui travaillent régulièrement avec des inscriptions pour restaurer, dater et placer un ensemble de textes en utilisant Énée », décrit le communiqué de Google DeepMind.
Les résultats montrent que l’utilisation de cette IA a permis aux chercheurs de mettre en évidence de nouveaux liens entre les gravures étudiées ainsi que de dater et de localiser plus précisément les épigraphies présentées.

« Les parallèles d’Énée ont complètement changé ma perception de l’inscription. Il a remarqué des détails qui ont fait toute la différence pour restaurer et attribuer chronologiquement le texte » s’enthousiasme une des participantes de l’étude dans le communiqué de Google.
L’idée d’Énée n’est pas de remplacer le travail des historiens mais plutôt d’avoir un outil pour leur faciliter la tâche et d’élargir leurs interprétations.
Aujourd’hui, Aeneas est en open source et « l’interface du système est disponible gratuitement pour les enseignants, les étudiants, les professionnels de musée et les universitaires », rapporte un article du site MIT Technology Review.
La professeure de l’Université de Cambridge, Dame Mary Beard, conclut : « Aeneas ouvre des horizons entièrement nouveaux, et il est ici testé par certains des plus grands chercheurs dans le domaine. Cela promet d’être transformateur ».
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