Les chiens sont-ils vraiment des boussoles morales ? La croyance est tenace, mais une étude rigoureuse de l’université de Kyoto vient la démonter méthodiquement.

À Numerama, on adore les chiens. Les chats aussi, on ne va pas se mentir. Mais si on prête aux seconds un comportement facilement espiègle et hautain, nos amis qui aboient sont décrits comme des créatures dignes de confiance, qui savent s’attacher aux bonnes personnes.

Est-ce que cela signifie que les chiens sont capables de flairer la morale des humains ? Une étude de l’université de Kyoto, publiée le 18 juillet 2025 dans Animal Cognition et reprise par Science Daily montre que quarante chiens de compagnie n’ont affiché aucune préférence significative entre un humain généreux qui offrait une friandise à un congénère et un humain égoïste qui la lui refusait.

Même après un contact direct avec les deux personnes, leurs choix reposaient… sur le hasard. Ce résultat bouscule la croyance tenace selon laquelle les chiens seraient des « détecteurs » infaillibles de bonnes ou mauvaises personnes. En clair, on peut les dresser à trouver de la drogue ou des explosifs, mais il faudra repasser si on souhaite en faire des arbitres de la morale.

Une photo de chien // Source : Pexels
Une photo de chien // Source : Pexels

La croyance populaire à l’épreuve de la science

On raconte qu’un chien qui grogne « sent » la vraie nature d’un visiteur, alors qu’une queue frétillante signerait sa bonté. Des blogs de dressage et autres comptes Instagram versés dans les mythes new age vont même jusqu’à conseiller de laisser l’animal choisir un partenaire amoureux, renforçant l’idée d’un juge canin infaillible. Les éthologistes rappellent pourtant qu’il s’agit là d’un biais de confirmation : on retient les anecdotes qui valident nos attentes et l’on oublie les contre-exemples.

C’est pour donner une réponse définitive et scientifique à ces questions que les chercheurs japonais ont mis en place un protocole efficace. Ils ont d’abord montré aux chiens une interaction entre deux étrangers et un chien complice : le « généreux » tendait un morceau de saucisse, tandis que « l’égoïste » le retirait au dernier moment. De la cruauté à l’état pur, comme on l’imagine.

Après cette phase d’« espionnage social », chaque sujet était lâché et pouvait approcher librement l’un ou l’autre humain. C’est dans cette phase que les chercheurs prenaient des mesures : premier choix du chien, temps passé à proximité, comportements et signaux d’affection. Et c’est là que la sentence est tombée : le même constat a été fait lorsque le chien recevait ou non la friandise. Aucune préférence statistiquement significative n’apparaît, que ce soit après observation ou interaction directe, et cela dans tous les groupes d’âge. Les auteurs soulignent que les tests à « deux choix » peuvent masquer des jugements plus subtils, mais qu’à ce stade rien ne prouve une attribution de réputation chez ces chiens.

Un débat qui peut tromper les maîtres et les éducateurs canins

Entre 2011 et 2017, plusieurs laboratoires semblaient prouver l’inverse. À Buenos Aires, des chiens familiaux apprenaient en moins de trois séances à contourner l’expérimentateur égoïste pour rejoindre celui qui partageait la nourriture. Une variante de 2015 montrait que la discrimination s’accentuait si le généreux parlait d’une voix douce ou établissait un long contact visuel. Ces résultats ont participé à la réputation du « flair moral » canin.

Et pourtant, le débat n’était déjà pas figé avant cette étude japonaise : une méta-analyse parue en juin 2025 montre que, dès qu’on contrôle le biais spatial (même emplacement du bol) et la position de l’humain dans la pièce, l’effet disparaît dans la plupart des études. Les auteurs dénoncent aussi un « effet tiroir » : les résultats négatifs sont moins publiés, créant une illusion de consensus scientifique, alors qu’il n’y aurait qu’un biais sélectif. Et puis, on ne va pas se mentir, on aime bien croire que les chiens trouvent en nous des humains aux vertus morales recommandables quand ils se jettent sur nous en frétillant de la queue.

Les résultats de l’étude japonaise peuvent paraître anodins, mais ils donnent tout de même un cas pratique pour les maîtres, qui peuvent mieux comprendre les intentions de leurs amis poilus. Par exemple, il est contreproductif de croire qu’un chien grogne parce qu’il détecte une mauvaise personne : mieux vaut comprendre la source du grognement. D’après les comportementalistes et les auteurs de l’étude, elle est généralement liée à la nouveauté (odeur, visage et… motivation alimentaire) et pas du tout à la personnalité de l’humain qu’ils ont en face.

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