Que vaut la saison 1 de Snowpiercer, sur Netflix ?

La bande-dessinée était culte. L’adaptation cinématographique était marquante. L’adaptation en série ne sera rien de tout cela. Voilà le malheureux constat à tirer après avoir visionné Snowpiercer, la nouvelle série de SF disponible sur Netflix. Non pas qu’elle soit mauvaise, car vous pourrez aisément binger les 10 épisodes en passant un moment divertissant. Mais elle est vaine. Alors qu’on pourrait pourtant exiger bien davantage d’une série qui réside sur un potentiel si riche.

Snowpiercer, c’est le nom du dernier train après l’apocalypse climatique. Ses 1001 wagons sont le dernier bastion de l’espèce humaine. Les passagers y survivent en auto-suffisance absolue, un peu à l’image d’une station spatiale isolée qui ne pourrait bénéficier d’aucun ravitaillement. Sous l’égide d’un ordre très militaire, les wagons sont socialement hiérarchisés : vers les wagons de tête, on retrouve l’aristocratie et plus l’on se rapproche des wagons de queue, plus la pauvreté est palpable et les habitants livrés à eux-mêmes.

Le post-apo remplacé par du cop show

Un contexte comme celui de Snowpiercer est précieux tant il permet d’offrir une approche post-apocalyptique innovante. Aux grands espaces urbains désolés souvent représentés à l’écran en post-apo, on substitue un monde glacé, des espaces confinés et donc des enjeux nécessairement communs de survie, des défis techniques pour que le train puisse rouler. Tout est réuni pour créer des ressorts humains, politiques, sociaux passionnants. Mais cette promesse ne survient presque jamais.

Dans le premier épisode, pourtant, le personnage de Melanie Cavill (que l’on peut introduire de prime abord comme la « voix du train ») présente une serre où l’on fait pousser de la nourriture, elle soulève alors quelques enjeux de place, de répartition alimentaire. On entend parler d’un contrôle socialement inégal des naissances — la stérilisation des femmes des wagons inférieurs. Le premier épisode met en scène les débuts d’une rébellion. Le second soulève la problématique de la vitesse du train, de sa gestion électrique.

Tous ces sursauts montrent que tant de sujets pourraient donner lieu à des intrigues surprenantes, nouvelles, puissantes. Ce n’est pas vraiment le cas. Parfois, on sent qu’on en est proche, la pression monte sur les enjeux de fond, mais cela tombe rapidement à plat. Tout ce versant de Snowpiercer est survolé, quand, en parallèle, le focus narratif se concentre trop longuement, avec trop d’insistance… sur une enquête policière. Bien écrite, certes, car on a relativement envie d’en connaître la suite. Mais cela devient un cop show, un polar à bord d’un train. De fait, la série Snowpiercer ne s’émancipe pas de codes habituels et déjà-vu, alors qu’elle aurait pu.

Jennifer Connelly dans le rôle de Melanie Cavill, la voix du train. // Source : Netflix

Jennifer Connelly dans le rôle de Melanie Cavill, la voix du train.

Source : Netflix

Difficile de s’impliquer

Difficile de s’impliquer réellement dans une simple enquête policière à bord d’un train. Agatha Christie l’avait fait bien mieux. Toute la rhétorique post-apocalyptique du récit passe au second plan et, avec elle, l’un de ses ingrédients clé : des liens humains qui nous bouleversent. En regardant Snowpiercer, peu d’émotions nous traversent. Le sort de la plupart des personnages et de leurs relations indiffère. On suit la série comme un train-train ni totalement lassant ni vraiment passionnant. Elle passe à côté du fond et de ce qu’on aimerait vraiment voir développé.

Car le concept de base d’un récit, aussi génial soit-il, ne suffit pas. Nous dire : « regardez, il s’agit d’un train où des humains sont confinés, et cela crée des problèmes sociaux et de survie », c’est un synopsis, pas une oeuvre complète. On a besoin, en tant que téléspectateur, téléspectatrice, de ressentir chaque implication de ce scénario sur les personnages et leur environnement. On a besoin de rire, pleurer, stresser avec les personnages. Typiquement, l’effort est très inégal pour que l’on perçoive à quel point les lieux sont étriqués, les déplacements compliqués.

Au fond, en quelques points, cette première saison pourrait presque rappeler celle de The Expanse : ce petit bijou de la science-fiction télévisuelle avait démarré comme un cop show spatial. Plein de promesses, certes, mais sans éclat au début. En s’émancipant de cette base, en cours de saison 2, elle s’était hissée avec le temps au rang des plus grandes séries SF du moment. Espérons que Snowpiercer, renouvelée pour une deuxième saison, emprunte une voie rien qu’un peu similaire. Car ce dernier train après la fin du monde aurait tant d’explorations futuristes à livrer.

Snowpiercer, saison 1, disponible en France sur Neflix.

Le verdict

TBS
4/10

Snowpiercer

Sans être une mauvaise série, Snowpiercer passe à côté du sens de son propre récit. L'atmosphère post-apocalyptique, comme ses messages, sont contorsionnées, réduites comme peau de chagrin, au profit d'une tournure cop show dans lequel on a du mal à s'impliquer. La série finit par se libérer, à quelques reprises, de ce défaut -- mais un peu trop tardivement. Tant et si bien que le potentiel n'a jamais éclos. Espérons que la saison 2 sera plus ambitieuse.
Source : Montage Numerama

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