Grosse exclusivité de cette année 2025, Ghost of Yotei ne corrige pas tous les défauts de son prédécesseur, les combats en tête. Mais il lui reste son incroyable direction artistique, qui envoûte de la première à la dernière seconde. Notre test.

Il y a quelque chose de terriblement envoûtant quand on chevauche des vastes plaines, poussé par des bourrasques, chatouillé par les centaines de fleurs au sol, guidé par un oiseau doré qui passe par là. Ce sentiment, Ghost of Yotei ne cesse de le procurer, dans son monde ouvert découpé en régions suffisamment grandes pour occuper, et assez petites pour ne pas être découragé par un contenu harassant. C’est même sa principale force : proposer un terrain de jeu encore plus organique que son prédécesseur, théâtre de mille moments entre poésie et relaxation. Bref, le décor nippon dans toute sa splendeur, et même un peu plus, voire un peu trop.

Cet atout de Ghost of Yotei, pour le moment exclusif à la PlayStation 5, tranche — c’est le cas de le dire — avec la violence animant la quête d’Atsu. Comme tant d’autres héroïnes et héros avant elle, elle assiste, enfant, à l’assassinat de ses parents. En résulte une vengeance nourrie par une détermination sans faille : elle devient l’onryo, un fantôme dont l’unique but est de pourchasser et tuer ses cibles, coûte que coûte. Ghost of Yotei est une revenge story comme on en a vu ou lu des dizaines. Sucker Punch l’habille avec ses multiples références aux films de samouraïs, mâtinées de western.

Ghost of Yotei est souvent sublime

On ne pourra pas reprocher à Ghost of Yotei sa direction artistique. Il est le prototype du jeu pensé pour le mode photo. On a constamment envie de s’arrêter pour le simple plaisir de contempler. On sort la longue-vue pour guetter un coin paisible où aller, puis on appelle son cheval pour s’y rendre, profitant d’un spectacle visuel saisissant — et bien davantage encore sur PS5 Pro. Les éclairages, les reflets, les particules fines : tout est pensé pour mettre en avant les différents tableaux conçus par Sucker Punch. Chaque biome dispose de son identité propre, afin d’offrir une généreuse variété — et vous avez aussi des modes graphiques inspirés de grands réalisateurs japonais (l’option Miike est encore plus poussée sur l’hémoglobine). Alors qu’Atsu est animée par un sentiment d’urgence, on a envie de la voir s’arrêter et se poser pour souffler un bon coup.

On a constamment envie de s’arrêter pour le simple plaisir de contempler

Néanmoins, tout n’est pas tout beau tout rose dans la réalisation de Ghost of Yotei, contrairement aux fleurs de cerisiers. Quand on y regarde de plus près, certaines textures sont moins heureuses que d’autres. Les animations sont étranges. La modélisation des visages et leurs expressions sont passables. Et les développeurs veulent parfois en faire trop, par pure recherche de la poésie. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des feuilles d’érable rouges qui côtoient de la neige, ou encore avec des tourbillons de pétales dès qu’on bouge un cil. Sucker Punch manque de dosage, et cette authenticité factice nuit à l’immersion tant recherchée. On vous passera, bien sûr, les ennemis qui se ressemblent tous, avec si peu de modèles 3D différents. Ghost of Yotei est un jeu de contrastes, mais pas toujours pour de bonnes raisons. Il y a de l’esbroufe qui finit par s’estomper.

La narration n’est pas non plus un argument de Ghost of Yotei. Difficile en effet d’oublier cette anecdote : en arrivant au sommet de la plus haute montagne, Atsu constate, « Cela fait un moment que personne n’est venu ici », alors que notre objectif est littéralement de répondre à l’invitation d’un grand maître pour l’affronter. L’histoire repose aussi sur des ellipses étranges, et on a vite cessé de compter le nombre de fois où Sucker Punch transforme en un rebondissement un échec sur le fil face à un ennemi majeur. Un mécanisme qui existait déjà dans Ghost of Tsushima, d’ailleurs. Heureusement qu’Atsu est bien plus charismatique que Jin Sakai. Elle profite en prime d’une épaisseur bienvenue, à mesure qu’elle s’adoucit au contact des autres, malgré sa soif de sang.

Ghost of Yōtei // Source : Capture PS5
Ghost of Yotei est poétique à souhait // Source : Capture PS5

Ghost of Yotei n’a pas corrigé les combats

Au-delà de la forme tout à la fois douteuse et éclatante, il y a quelque chose qui cloche dans Ghost of Yotei : les combats. Si vous n’étiez pas fan de ceux de Ghost of Tsushima, alors vous pouvez passer votre chemin. On retrouve cette même construction à 360 degrés, sans véritable ciblage (il y en a un dans les options, mais c’est pire que mieux) et avec une caméra bien trop souvent à l’agonie tellement elle n’arrive pas à suivre. Il y a certes une science du spectacle, avec un côté viscéral à harponner tout ce qui bouge. Mais elle dessert totalement le gameplay en lui-même. On se retrouve par exemple avec des accélérations et des changements de direction soudains au réalisme rangé dans le placard. Quant au timing des contres et des parades, on le cherche encore après plus de 25 heures de jeu.

Ghost of Yotei s’efforce tant bien que mal de varier les plaisirs en proposant un arsenal complet. Katana, lance, kusarigama, odachi, double lame : il s’agit en réalité d’un moyen de remplacer les postures vues dans Ghost of Tsushima. Concrètement, en fonction de l’arme de votre ennemi, il faut changer la sienne pour être plus efficace — façon pierre-feuille-ciseaux. Ainsi, le kusarigama sera dévastateur pour casser un bouclier, quand la double lame percera plus facilement la défense des lances. Ce système prend tout son sens lors des duels avec les boss, mais manque en réalité de naturel dans l’exécution.

Ghost of Yōtei // Source : Capture PS5
Chevaucher vers la montagne parmi les fleurs // Source : Capture PS5

Le changement s’effectue en quelques secondes (tant pis pour le réalisme, encore) et rend les confrontations plus dynamiques, ce qui ne veut pas dire moins bancals. La panoplie d’Atsu est complétée par un arc, un fusil, un pistolet, quelques artifices et un grappin (pour les phases de grimpette très saccadées quand on compare à Assassin’s Creed Shadows).

La partie action de Ghost of Yotei n’est pas aidée non plus par l’intelligence artificielle des adversaires. Soit ils attendent sagement de se faire tuer, soit ils agressent de manière frénétique, sans réel dosage. Lors des phases d’infiltration, on comprend encore plus leur bêtise : rien n’a évolué sur ce plan-là, et on peut se faufiler aisément, tuer quelques gardes et déclencher l’alerte pour finir le boulot sans sourciller. Simple comme bonjour, et terriblement répétitif. À l’inverse, il arrive qu’on se fasse pincer sans trop comprendre pourquoi. On navigue alors d’un extrême à un autre.

Ghost of Yōtei // Source : Capture PS5
Ghost of Yotei multiplie les ambiances // Source : Capture PS5

L’intérêt, et le plaisir qui en découle, de Ghost of Yotei se trouve dans l’exploration. Les quelques tâches annexes que vous prendrez le temps d’accomplir renforceront la progression d’Atsu en tant qu’esprit vengeur puissant. Et découleront peut-être sur un indice sur l’une des cibles à abattre (selon une structure établie, mais avec quelques choix tout de même). Certes, il y a des redites, entre les bains chauds pour améliorer sa santé, les bambous à couper pour renforcer son esprit ou encore les sanctuaires pour gagner des compétences, mais le cheminement et la manière dont tout est amené se révèlent addictifs. Les décors de Ghost of Yotei sont une invitation permanente, pourvu que le sabre soit rangé dans son fourreau.

Le verdict

Vous avez adoré Ghost of Tsushima ? Alors vous succomberez sans aucun souci au charme de Ghost of Yotei, qui étale sa direction artistique prodigieuse pour masquer ses errances. Sucker Punch n’a pas tout corrigé des défauts de sa première aventure au Japon. Et c’est bien dommage. Derrière la narration bancale et les combats vite pénibles, à cause d’une caméra inadaptée, Ghost of Yotei trouve finalement son salut dans l’exploration de ses décors qui invitent à la balade et à l’extase. En résulte une expérience contemplative, qui frôle parfois l’esbroufe.
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