2025 s’impose comme une bonne année pour le RPG japonais. Entre les remakes et remasters de Trails in the Sky, Final Fantasy Tactics : The Ivalice Chronicles, Dragon Quest I & II, la sortie de Légendes Pokémon Z-A et l’hommage que représente Clair Obscur: Expedition 33, la table du J-RPG était déjà bien garnie. Il fallait toutefois attendre le dessert Octopath Traveler 0 pour conclure l’année, et quel dessert !

Pour celles et ceux qui ne le savent pas, Octopath Traveler 0 est portage du jeu mobile free-to-play Champions of the Continent sorti en 2020 sur Android and iOS. Loin d’être un simple portage de la version mobile, Octopath Traveler 0 est une refonte complète du jeu à destination des consoles de salon. Le 0 présent dans le titre symbolise à la fois un anneau, élément important de l’intrigue, mais aussi un nouveau départ.

Nouveau départ pour un titre qui renaît sous une nouvelle forme, sous la réalisation de Yasuhiro Kidera, et nouveau départ pour le protagoniste, dont la reconstruction de sa ville natale à partir de rien est l’un des éléments centraux du jeu. Dans une superbe HD-2D — un style graphique d’ailleurs inventé avec le premier Octopath Traveler en 2018 — Octopath Traveler 0 explore les thèmes de la reconstruction et de la vengeance, avec un récit dont près de la moitié du contenu est totalement inédit.

Mais ne vous méprenez pas : derrière sa patte graphique mignonne, ses thèmes en apparence classiques et son passé de jeu mobile, Octopath Traveler 0 dévoile une maturité étonnante. À la fois dans son gameplay et dans son récit, le jeu s’aventure dans les recoins les plus sombres de son univers, offrant une expérience bien plus profonde qu’il n’y paraît. Mais est-ce que le titre de Square Enix peut se targuer d’être le meilleur J-RPG de l’année 2025 ? Réponse dans notre test.

Des pixels et des hommes

Ce qui frappe d’emblée, comme dans tous les jeux adoptant le style HD-2D, est la beauté de la direction artistique. Même si le jeu paraît moins bluffant que le remake de Dragon Quest I & II, en raison de textures plus marquées, Octopath Traveler 0 se savoure sur la durée. Les effets de lumière et de particules parviennent à créer un univers sensoriel tangible, que ce soit dans les zones extérieurs, plus sauvages, ou dans les villes. Ces dernières regorgent de recoins chaleureux, éclairés par la lueur d’une torche ou d’un rayon de soleil, et l’effet recherché est immédiat. Malgré le minimalisme des décors, l’immersion est totale et il ne faut que quelques heures de jeu pour adhérer totalement au parti pris esthétique que représente la HD-2D.

Un soin particulier est accordé aux villes, dans lesquelles les PNJ en pixel art évoluent et semblent réellement vivre, tant tout paraît organique. Se promener dans les villes, entrer dans une boutique, marcher dans un champ enneigé ou dans une clairière ensoleillée prend alors tout son sens, tandis que l’environnement du jeu devient comme matériel. Tout y est certes restreint et cloisonné, mais peu importe : le petit monde d’Orsterra est délicieusement vivant.

Le joli village enneigé d'Emberglow  // Source : Captures PS5
Le joli village enneigé d’Emberglow. // Source : Capture PS5

Et dans ce nouvel épisode, l’expérience gagne en immersion : vous devrez contribuer activement à cet univers en reconstruisant une ville entière à partir de rien, à la manière d’un city-builder. À vous de collecter les matériaux, d’inviter les habitants rencontrés durant votre périple et de revenir régulièrement sur l’immense chantier à ciel ouvert pour accueillir les nouveaux venus et placer de nouveaux bâtiments. Chaque personne recrutée participe à l’effort de reconstruction de manière unique, qu’il s’agisse d’élever des poules ou de gérer le restaurant de la ville.

En nous offrant la possibilité de façonner un village selon nos envies, les développeurs de Square Enix repoussent l’immersion plus loin que dans les autres J-RPG. En mettant l’accent sur la création d’un coin de ce joli monde, nous devenons acteurs du lore autrement. À partir d’un simple bout de terre, nous façonnons nous-mêmes le jeu, construisons son histoire, et approfondissons les relations avec ses habitants tout au long de notre aventure.

Wishvale, le village à reconstruire. // Source : Capture PS5
Wishvale, le village à reconstruire. // Source : Capture PS5

L’art de la guerre

Bien sûr, Octopath Traveler 0 n’est pas qu’un simple jeu de cosy farming à la Stardew Valley. Comme tout bon J-RPG, vous passerez beaucoup de temps à perfectionner vos personnages, leurs compétences et leurs équipements, afin d’être le plus efficace possible dans les nombreux affrontements au tour par tour qui vous attendent.

Vous pourrez contrôler jusqu’à huit personnages pendant les combats, chacun doté de ses propres armes et capacités, répartis sur deux rangs distincts. Le premier rang part au front, tandis que le second se renforce en récupérant des points de vie et de la magie. Vous pouvez changer un personnage de rang à chaque tour, et combattre ainsi en alternant entre les lignes arrière et avant.

Jouer avec les rangs avant et arrière apporte une composante stratégique passionante. // Source : Capture PS5
Jouer avec les rangs avant et arrière apporte une composante stratégique passionnante. // Source : Capture PS5

Si vous êtes de nature prudente, vous pourrez par exemple privilégier le second rang pour les soigneurs, et les utiliser au bon moment pour guérir vos alliés avant de les replacer à l’abri. Les combats sont ainsi ultra dynamiques et stratégiques : le moindre mauvais placement peut en effet compliquer les affrontements, mais rarement de façon totalement punitive.

Enfin, le système de combat Break & Boost permet de cibler les points faibles des ennemis tout en gérant les attaques bonus. Trouver les failles des adversaires s’avère une petite récompense en soi, et permet surtout de briser par la suite leur bouclier afin de les rendre plus vulnérables. Vos personnages peuvent ensuite utiliser leur Boost Point sur l’ennemi affaibli pour s’en donner à cœur joie, dans une déferlante de violence grisante.

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Breaker un ennemi, c’est l’assurance d’un déferlement de violence gratuite. // Source : Capture PS5

Alors que le monde entier a les yeux tournés vers Clair Obscur: Expedition 33 et son système de parades et de contres, Octopath Traveler 0 prouve que l’on peut encore prendre part à du tour par tour classique sans enfiler ses pantoufles. Un gameplay à la fois exigeant, gratifiant et incroyablement dynamique, sans jamais sacrifier le pure plaisir de jeu.

France Travail, mais en mieux

À la fin de chaque bataille, votre équipe gagnera des Points de Job (JP), utiles pour débloquer des compétences pour chaque membre de l’équipe. Toutes les compétences d’un personnage ou d’une classe sont disponibles dès le départ et peuvent être achetées pour le même nombre de JP, ce qui permet d’orienter le personnage dans la direction que l’on souhaite à l’avance. Chaque personnage possède aussi des compétences complémentaires (actives ou passives) qui peuvent radicalement améliorer la force et la défense.

Chaque personnage à un Job de base et des pouvoir qui lui sontliés. A ips d'en tirer parti. // Source : Capture PS5
Chaque personnage a une classe de base et des pouvoirs qui lui sont liés. A vous d’en tirer parti. // Source : Capture PS5

Contrairement à vos alliés, votre héros peut librement changer de classe à mesure que vous en débloquez de nouvelles. Libre à vous de jouer un guerrier, un magicien, un érudit ou un danseur. Vous pouvez revenir à votre classe préférée à n’importe quel moment, et tester ainsi plusieurs façons d’engager un combat, et autant de manières de jouer. Bref, vous avez un contrôle total sur votre équipe et, contrairement à d’autres J-RPG qui complexifient chaque décision, tout reste diablement simple sans tomber dans le simplisme.

en apprenant de nouvelles technique, vos personnages gagnent des capacités passives bien utiles. // Source : Capture PS5
En apprenant de nouvelles techniques, vos personnages gagnent aussi des capacités passives bien utiles. // Source : Capture PS5

Inévitablement, il faudra passer par la case farm d’XP pour venir à bout des ennemis les plus coriaces et de certains boss. En accomplissant divers objectifs dans le monde, vous débloquerez de nombreuses quêtes secondaires que vous pourrez entreprendre à tout moment pour gagner ces fameux points d’expérience, des Points de Job ou de l’argent. La carte et la liste des quêtes sont claires et on ne se sent jamais perdu. Combattre pour progresser n’est jamais ennuyeux ou vain, tant les niveaux montent vite et les récompenses abondent.

La carte d'Octopath Traveler 0 se découvre au fur et à mesure de l'aventure.  // Source : Capture PS5
La carte d’Octopath Traveler 0 se découvre au fur et à mesure de l’aventure. // Source : Capture PS5

Octopath Traveler 0 structure d’ailleurs son récit en une série de quêtes, encourageant à en entreprendre le plus possible, y compris pour l’histoire principale qui va de pair avec la reconstruction du village. Composé de trois parties, le scénario peut être abordé librement, chaque segment pouvant se dérouler en parallèle selon le niveau d’expérience recommandé. Bien que complémentaires, ces trois arcs principaux évoluent indépendamment et ne se rejoignent réellement que beaucoup plus tard dans l’aventure.

Petits pixels, grandes émotions

Octopath Traveler 0 joue clairement la carte du classique : un héros muet, des compagnons au grand cœur, de vrais méchants bien sombres et un monde de fantasy déjà parcouru mille fois. Et pourtant. En reprenant avec soin le meilleur de trente ans de J-RPG, ce nouvel épisode réussit à toucher juste. Même si son intrigue puise beaucoup à droite à gauche, empruntant autant à Final Fantasy VI qu’à l’épisode Tactics, et évoquant parfois Berserk dans ses moments les plus forts, elle demeure remarquablement efficace et maîtrisée de bout en bout.

L'introduction du jeu montre d'emblé la couleur. On est pas là pour rire. // Source : Capture PS5
L’introduction du jeu montre d’emblée la couleur. On n’est pas là pour rire. // Source : Capture PS5

Il suffit de voir ces petits personnages en 2D s’acharner à nous faire croire à leur désespoir ou, au contraire, à leur joie débordante. Les dialogues sont fins et ciselés, avec une économie de mots bienvenue, à l’heure où d’autres jeux préfèrent le bavardage surexplicatif. On pourrait dire que les doublages japonais ou anglais — au choix — donnent de l’épaisseur aux sprites, mais ce serait réduire la portée tragique du récit, oscillant entre drame intimiste et véritable tragédie grecque, avec tout ce que cela implique de clichés. Mais, si vous vous laissez porter et jouez pleinement le jeu, certains chapitres pourraient bien venir chatouiller votre corde sensible, grâce notamment aux compositions de Yasunori Nishiki.

Il y a de nombreuses scènes de dialogue dans Octopath Traveler, heureusement, de grande qualité. // Source : Capture PS5
Il y a de longues heures de dialogue et d’exposition dans Octopath Traveler 0, heureusement toujours de grande qualité. // Source : Capture PS5

Il y a fort à parier que, si vous vous intéressez un tant soit peu à la musique de jeux vidéo, vos oreilles aient déjà croisé le travail de Yasunori Nishiki. Déjà à l’œuvre sur Octopath Traveler 1 et 2, ainsi que sur la version mobile à l’origine de ce nouvel épisode, le compositeur japonais signe ici une sorte de best of maîtrisé. En puisant intelligemment dans les centaines de thèmes qu’il a déjà créés pour la saga, il parvient avec cette nouvelle partition à revendiquer l’une des plus belles compositions de l’histoire du jeu vidéo.

La bande-son d’Octopath Traveler 0 témoigne d’un véritable savoir-faire musical qui rappelle l’âge d’or des J-RPG et le génie de compositrices et compositeurs comme Nobuo Uematsu (Final Fantasy), Hitoshi Sakimoto (Vagrant Story, Odin Sphere) ou Yoko Shimomura (Kingdom Hearts). Par petites touches, Yasunori Nishiki parvient à condenser l’essence d’un personnage ou d’un lieu avec une identité émotionnelle forte et reconnaissable.

Certrains passages et personnages ne sont pas sans rappeler les scène de la troupe du Faucon dans Berserk. // Source : Capture PS5
Certains passages et personnages ne sont pas sans rappeler les scènes de la Troupe du Faucon dans Berserk. // Source : Capture PS5

Le compositeur excelle dans l’art de créer des thèmes qui saisissent avec élégance une ambiance ou une émotion, renforçant ainsi l’immersion. La bande-son brille notamment par ses pièces émotionnelles accompagnées d’une orchestralisation d’une intensité remarquable et maîtrisée de bout en bout. C’est simple, la musique de Yasunori Nishiki est capable de toucher et de raconter un voyage sans le moindre mot.

C’est l’addition de toutes ses qualités qui fait d’Octopath Traveler 0 un très grand nom du J-RPG, sans jamais prétendre révolutionner le genre. Fort de décennies d’expérience, Square Enix maîtrise sa recette sur le bout des doigts et y ajoute, au fil des années, de nouveaux ingrédients qui donnent plus de relief à l’ensemble, avec le délicat défi d’en ajuster les doses. Octopath Traveler 0 ressemble ainsi à un plat parfaitement équilibré que l’on aimerait faire découvrir à tous ses amis, tout en sachant pertinemment que sa saveur ne conviendra malheureusement pas à tous les palais.

Le verdict

Est-ce qu’Octopath Traveler 0 est vraiment le meilleur J-RPG de 2025 ? La question reste difficile à trancher. Le jeu de Square Enix assume une identité forte, aussi bien dans son univers que dans sa direction artistique, ce qui peut autant séduire que diviser. Et si, comme pour nous, vous deviez lui décerner la couronne de meilleur J-RPG de l’année, ce serait un titre qu’il n’aurait clairement pas volé. Avec son gameplay ciselé, son univers séduisant, ses personnages à la fois complexes et attachants, et ses musiques qui coulent comme du miel dans les oreilles, Octopath Traveler 0 se parcourt le sourire aux lèvres et les trémolos dans la gorge. C’est un jeu profondément réconfortant, de ceux qu’on savoure lentement, bien au chaud sous un plaid, avec une tasse fumante à portée de main. Une lettre d’amour réussie aux J-RPG d’hier et d’aujourd’hui, parfaite pour s’évader.
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