Connaissez-vous Jann Mardenborough ? Ce pilote britannique, aujourd’hui âgé de 31 ans, a connu un tremplin atypique vers le monde du sport automobile : il a remporté la GT Academy, une compétition organisée par Nissan et prenant place dans les jeux vidéo Gran Turismo (développés par Polyphony Digital sous l’égide de PlayStation). 24 Heures du Mans, Formule E, Endurance, GT… Jann Mardenborough s’est fait un nom, d’abord grâce à un jeu vidéo. Mais il n’est ni Lewis Hamilton, ni Sébastien Loeb, ni Alain Prost… C’est pourtant lui qui a inspiré le film Gran Turismo, au cinéma à partir du 9 août.
On ne vous mentira pas en affirmant qu’on craignait le pire avec cette adaptation de la saga automobile phare des consoles PlayStation (le premier opus est sorti en 1997 sur la toute première console de Sony). On a vu ce que Need for Speed avait donné : un film d’action bateau qui se raccroche maladroitement à une marque, à des pures fins marketing. Avec Gran Turismo, l’objectif est différent et sert à asseoir les jeux vidéo de Polyphony Digital comme des bâtisseurs de rêves. En résulte une sorte de documentaire bien réalisé, c’est vrai, mais qui dilue son récit inspiré d’une vraie vie dans un océan de naïveté effarante.
Gran Turismo empile les moyens pour échouer au pied du podium
Anecdote rigolote
À noter que le vrai Jann Mardenborough a participé au tournage de Gran Turismo, en qualité de cascadeur. Un vrai gage d’authenticité.
On sent que Sony a quand même mis les moyens pour éviter à Gran Turismo de tomber dans le ridicule et de se prendre un mur à 250 km/h, pied au plancher. Neil Blomkamp est un cinéaste référencé (District 9, Elysium, Chappie), quand bien même ce n’est pas le premier nom qui viendrait à l’esprit pour un film sur des voitures. Le casting est impliqué, entre Orlando Bloom, certes un tantinet cabotin, et David Harbour, bourru mais attachant. Il y a même des références un peu perchées au monde du sport automobile, en témoigne la présence de Geri Halliwell en mère qui croit aux chances de son fils. À la ville, l’ex-membre du groupe Spice Girls est la femme de Christian Horner, patron de l’écurie de Formule 1 Red Bull. Les initiés apprécieront le clin d’œil qui échappera aux autres.
En dépit de cette somme encourageante d’arguments, Gran Turismo peine à décoller en raison d’une histoire qui manque d’épaisseur. Jann Mardenborough dégage de la sympathie, mais son parcours se nourrit un peu trop des obstacles attendus, qui sont peut-être vrais. Un père trop terre-à-terre, la défiance d’un peu tout le monde à l’encontre des jeux vidéo, un instructeur brut de décoffrage (David Harbour, donc). Ce n’est qu’au moment où la réalité vient rattraper le rêve — un crash mortel, qui a vraiment émaillé le parcours de Jann Mardenborough — que Gran Turismo parvient à susciter un soupçon d’émotion à la hauteur de son sujet. Un moyen de rappeler que le sport automobile se nourrit hélas de drames pour construire des légendes, le risque faisant partie du jeu.
En somme, Gran Turismo n’est souvent rien d’autre qu’un film bon enfant sur l’accomplissement, comme on en a déjà vu plein au cinéma, avec certains raccourcis qui prêtent à sourire (les victoires à l’arrachée sont un peu trop romancées pour qu’on y croit), un frein à main sans cesse enclenché et des arrêts au stand en veux-tu en voilà. Il y a aussi un problème de mise en scène, quand Neil Blomkamp se force à rappeler que Gran Turismo est d’abord un jeu vidéo — en intégrant par exemple des éléments d’interface du titre de Sony ou encore des angles de caméra typiques issus du jeu vidéo.
Mélanger les deux ne fonctionne pas en matière de réalisation, et le mariage tue plus le spectacle qu’autre chose. C’est dommage, car certaines séquences de course valent le détour et on sent que le budget a été bien dépensé.
En se montrant bien trop lisse dans ses intentions et paralysé par cette volonté de rester dans une approche résolument grand public, Gran Turismo n’évite pas le syndrome de la belle vitrine déguisée (et de la publicité pour Nissan). Il ne fait finalement que mettre en avant l’argument technique de la saga vidéoludique (un simulateur suffisamment pointu pour « fabriquer » des pilotes légitimes), socle de la matérialisation d’un fantasme de gosse (devenir quelqu’un grâce aux jeux vidéo). Ou quand le permis de conduire devient plutôt le permis de rêver. C’est mignon, mais loin d’être captivant.
Il manque tout ce qui fait l’essence du sport automobile au sens noble du terme, à commencer par la rivalité tout à la fois destructrice (de carrière) et créatrice (d’exploits). À côté de Rush de Ron Howard, qui s’appuie sur le duo iconique Niki Lauda/James Blunt pour retranscrire un duel haletant entre deux titans, Gran Turismo manque cruellement de cylindres. Si talentueux soit-il, Jann Mardenborough n’est pas de la trempe de ces géants, et il n’y peut rien. Maintenant, certaines histoires vraies ne méritent pas un film entier.
Le verdict
Gran Turismo
Voir la ficheOn a aimé
- Le casting au top
- La réalisation globalement sérieuse
- Geri Halliwell = la meilleure référence
On a moins aimé
- Récit trop lisse et naïf
- Jann Mardenborough n’est pas Lewis Hamilton
- Merci la pub pour Nissan
Gran Turismo aurait pu être bien pire que la proposition de Neill Blomkamp, qui n’est jamais vraiment éloigné d’un documentaire bien réalisé sur Jann Mardenborough, un pilote né de sa passion pour les jeux vidéo de Polyphony Digital. Si le capital sympathie est indéniable, le spectacle peine à captiver. Il y a finalement trop peu à raconter sur un homme inspirant comme on en croise beaucoup trop souvent.
Il n’y avait sans doute pas beaucoup mieux à faire, et cela en dit long sur un projet qui, peut-être, n’a aucune raison d’être. Sinon dédiaboliser une fois encore la passion du jeu vidéo, et cette propension à devenir une véritable usine à rêves. Nissan et Gran Turismo apprécieront le coup de pub. Gentillet, mais déjà oublié. Trop lisse et insuffisamment goudronné.
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