La sortie de The Flash, un raté sur toute la ligne, et l’arrivée prochaine d’Aquaman 2, signent la fin du DCEU, entamé il y a exactement 10 ans. Warner Bros. rêvait d’un univers cinématographique DC capable de se comparer à celui de Marvel. Il n’en restera qu’un immense gâchis.

On peut voir le film The Flash comme la métaphore parfaite de ce qu’est devenu le DCEU — ou univers cinématographique DC. Pendant 2h30, le film d’Andy Muschietti détruit tout et reconstruit maladroitement. C’est exactement ce qu’a produit Warner Bros. depuis la sortie de Man of Steel en 2013. Cinq après les premières pierres du MCU (Marvel Cinematic Universe) et alors qu’Avengers, la grande réunion, avait déjà eu lieu, l’entreprise veut aussi se tailler une part de l’immense gâteau en pleine cuisson.

Warner Bros. a toutes les raisons du monde de se lancer à son tour dans les adaptations de super-héros inter-connectées. Il y a la popularité des personnages, qui n’ont pas attendu le MCU pour briller (les précédents films Batman et Superman). Il y a surtout l’appât du gain : en 2012, Avengers a dépassé les 1,5 milliard de dollars au box office mondial. Aujourd’hui, cela peut paraître dérisoire. À l’époque, c’était une performance encore rare. Si les super-héros Marvel peuvent marier grand spectacle au cinéma et gros succès, il n’y a pas de raison que leurs homologues DC Comics ne profitent pas de l’attractivité du genre. Mais encore aurait-il fallu que Warner Bros. bâtisse intelligemment son DCEU.

4 super-héros de Justice League // Source : Warner Bros.
Quatre super-héros sans avenir // Source : Warner Bros.

Warner Bros. n’a rien fait de manière intelligente avec ses films de super-héros

La manière dont Marvel a érigé son MCU est d’une cohérence à montrer dans toutes les écoles. On introduit chaque super-héros dans des films indépendants qui se référencent les uns les autres, puis on réunit tout ce beau monde autour d’un projet en forme de point d’exclamation. Dès le début, Warner Bros. s’est sabordé en se privant de certaines pièces introductives essentielles. Commencer par Superman était louable. Enchaîner directement sur une confrontation face à Batman, sans introduire cette version de Batman au préalable, en revanche, n’était pas l’idée du siècle. Même topo avec Justice League, qui réunit Batman, Superman, Wonder Woman, Cyborg, Flash et Aquaman à l’écran. On ne connaît que la moitié de l’équipe au début du film, forçant le récit à introduire au forceps des éléments qui auraient déjà dû l’être.

Warner Bros. a donc construit son DCEU n’importe comment, comme s’il avait voulu assembler une étagère sans mettre les pieds censés la tenir. Et puisque le projet central Justice League est un échec critique cuisant, pas aidé par le fait que Zack Snyder ait été remplacé par Joss Whedon pendant la production, il était ensuite difficile de rectifier le tir. Aujourd’hui, le Marvel Cinematic Universe a le luxe de pouvoir se planter (un peu), étant donné que ses fondations sont solides. Le DCEU, lui, était friable dès le début et, pour ne rien arranger, Warner Bros. a commencé à enchaîner les dérivés qui ont davantage parasité l’image que l’on se faisait de l’édifice global. Le meilleur exemple reste le Suicide Squad de David Ayer, qui a été charcuté par Warner Bros. en raison d’un manque de légèreté (la marque de fabrique du… MCU). Quelques années plus tard, James Gunn s’est permis un reboot beaucoup plus réussi, totalement en phase avec le projet initial.

Warner Bros. a donné l’impression de tout remettre en question à chaque film

Il est d’ailleurs édifiant de constater que la vision de Warner Bros. a eu raison du DCEU, trop calquée sur celle du MCU. Batman v Superman : L’Aube de la Justice est un tout autre film en version longue, tant il offre des clés de compréhension sur le conflit qui oppose les deux personnages. La Snyder Cut ? Là encore, on gagne en épaisseur narrative, voulue par un réalisateur qui tient à conserver le même cap depuis son tout premier film (Man of Steel). Un cap que Joss Whedon n’avait plus tenu, provoquant une rupture de ton abrupte entre les bases précédemment posées et le résultat final. Chahuté à droite et à gauche, le spectateur n’avait plus qu’à constater les dégâts : quand les producteurs ne savent plus où ils vont, on ne peut plus les suivre. On peut reconnaître beaucoup de torts au MCU (son manque d’audace, en tête), mais l’absence de ligne éditoriale n’en fait pas partie. À l’opposé, Warner Bros. a donné l’impression de tout remettre en question à chaque film. Pour la cohérence, c’est compliqué.

Justice League, version Zack Snyder // Source : Warner/DC
Justice League, version Zack Snyder // Source : Warner/DC

Warner Bros. a fini par comprendre que son DCEU allait droit dans le mur. Par conséquent, il a ouvert ses licences fortes à d’autres projets, totalement déconnectés. C’est ainsi que l’on se retrouve avec un film d’auteur centré sur le Joker, pour lequel Joaquin Phoenix a reçu l’Oscar du meilleur rôle. C’est ainsi que l’on se trouve avec un autre film Batman porté par Robert Pattinson, quand le Batman du DCEU n’a jamais eu droit au sien. Un comble, et autant de moyens de cannibaliser tout le reste. Marvel et Disney ont toujours intégré le moindre de leurs projets super-héroïques dans le MCU, réussissant même à le décliner au format TV avec les séries sur Disney+. La stratégie a toujours été claire et limpide. Warner Bros., lui, s’est éparpillé avec pourtant les mêmes armes : des licences fortes à mettre en avant, une légitimité légendaire et des moyens colossaux pour les faire briller.

Warner Bros. va quand même se donner une seconde chance et, cette fois, la vision devrait être continue. James Gunn, réalisateur derrière la trilogie Les Gardiens de la galaxie (pour le MCU) et l’hilarant The Suicide Squad, doit aujourd’hui enfiler son costume de messie pour bâtir un vrai équivalent du MCU. D’aucuns diraient qu’il est peut-être trop tard. Mais le cinéma ne doit jamais être réduit à une notion de timing : si des cinéastes ont des choses à dire, même dans un genre d’abord pensé pour le divertissement, alors laissons-les s’exprimer. De toute façon, ce DCEU 2.0 pourra difficilement être pire.

Notre classement des films du DCEU

1. Man of Steel (2013)

Le meilleur film du DCEU serait-il le tout premier ? Eh bien oui, et ce constat tiendrait presque à la seule présence d’un acteur au casting : Henry Cavill, qui campe un Superman tout simplement parfait. Il irradie l’écran de son charisme, apportant tout à la fois de la puissance (son physique taillé dans le marbre) et de la fragilité au super-héros. C’est simple, quand il sourit, on sourit. En prime, Zack Snyder nous gratifie d’une réalisation très geek, avec des combats épiques qui transforment les personnages en figures divines. Autant dire que Man of Steel coche beaucoup de cases.

2. Justice League Snyder Cut (2021)

Le Justice League diffusé dans les salles de cinéma était une véritable abomination, une vaine tentative de recoller des morceaux après le départ de Zack Snyder (pour des raisons personnelles). Joss Whedon a tout cassé. De fait, Zack Snyder, au terme d’un lobbying insistant de la part des fans (et parce que Warner Bros. avait besoin d’une vitrine pour soutenir le lancement de HBO Max), est revenu pour tout construire. Justice League Snyder’s Cut est encore un film imparfait, mais il lave quand même un sacré affront. C’est peut-être la rédemption la plus inattendue du genre.

3. The Suicide Squad (2021)

Quand James Gunn a été viré — temporairement — par Disney pour des vieux tweets, le cinéaste est allé s’épanouir chez DC Comics. Son but ? Redorer le blason de la Suicide Squad après un premier essai honteux. Visiblement, il n’a pas eu les mêmes problèmes que David Ayer : son The Suicide Squad est décomplexé, irrévérencieux, violent et ultra drôle. Il pouvait difficilement rêver meilleur C.V. pour prendre les rênes du nouveau DCEU.

4. Aquaman (2018)

Aquaman pourrait être résumé à… Star Wars sous l’eau, en version kitsch (même la bande son est kitsch). Mais l’énergie déployée par Jason Momoa reste appréciable, d’autant qu’il parvient à rendre classe un super-héros qui, à la base, ne l’est pas du tout. Il y a un petit plaisir coupable avec ce blockbuster qui dégage un capital sympathie évident.

5. Batman v Superman : L’Aube de la Justice (Director’s Cut) (2016)

Batman v. Superman : L’Aube de la Justice est un film incomplet. Mais, en version longue, il est beaucoup plus digeste. Superman y gagne de longues minutes qui permettent de mieux comprendre le litige qui l’oppose à Batman. Ces éclaircissements rendent le film plus regardable, même si le potentiel ne sera jamais vraiment exploité. À noter, quand même, que Ben Affleck est particulièrement à son aise dans le costume de Batman.

6. Shazam! (2019)

Shazam! est un film de super-héros bon enfant. Et ça marche ! Le combo associant un ton léger et l’humour de Zachary Levi fonctionne sans trop forcer. Il sait se jouer du côté un peu ridicule d’un super-héros qui transforme un jeune garçon en sorcier ultra puissant rien qu’en criant son nom. Ce n’était vraiment pas gagné.

7. Wonder Woman (2017)

On peut reprocher beaucoup de choses à Warner Bros. dans la construction de son univers cinématographique, certainement pas le choix des acteurs principaux. À l’instar d’Henry Cavill en Superman et Ben Affleck en Batman, Gal Gadot est parfaite en Wonder Woman. Son film ? Certains lui trouvent des qualités, d’autres n’y voient qu’une origin story fade opposant une amazone badass à un méchant moustachu.

8. Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn (2020)

Margot Robbie semble vraiment née pour incarner Harley Quinn (en attendant de voir Lady Gaga dans la suite de Joker). Il n’y a rien de plus logique de voir Warner Bros. lui dédier un film entier. Porté par une réalisation chiadée, Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn est un long métrage résolument girl power. Le propos est un peu dilué dans la volonté de faire d’abord le spectacle. Mais on a vu bien pire dans le genre.

9. Batman v Superman : L’Aube de la Justice (2016)

Comme dit plus haut, Batman v. Superman : L’Aube de la Justice est un film incomplet. Dans sa version diffusée au cinéma, il cherche à trop en mettre. En résulte un film touffu jusqu’à l’indigestion.

10. Wonder Woman 1984 (2020)

Shiny Wonder Woman qui se bat contre une femme guépard. C’est pire que le méchant moustachu…

11. Justice League (2017)

Justice League représente le plus gros échec artistique de Warner Bros.. Il se rêvait en équivalent d’Avengers. Il se prend les pieds dans le tapis avec une proposition horrible, aussi bien scénaristiquement qu’artistiquement. Appelé à la rescousse pour remplacer Zack Snyder, Joss Whedon est venu, il n’a pas vu grand-chose des précédents films et il a vaincu tout le monde. Les fans en tête.

12. Suicide Squad (2016)

Ne parlez pas de Suicide Squad à son réalisateur, il risquerait de mal le prendre… On ne saura probablement jamais à quoi aurait ressemblé sa vision d’une réunion entre des vilains. Là, on se retrouve avec une promesse de noirceur qui fait pschitt et un Joker incarné par un Jared Leto en roue libre (y compris pendant le tournage). Warner Bros. a voulu en faire un film drôle. Il l’est, mais certainement pas pour les bonnes raisons.

14. Shazam! La Rage des Dieux (2023)

Shazam! se suffisait à lui-même. Sa suite ne fait que forcer le trait, tombant dans le ridicule en permanence.

15. Black Adam (2022)

Quand on voit tout le cirque qu’a orchestré Dwayne Johnson pour nous faire croire que Black Adam est le meilleur film de super-héros de l’univers, on se dit que c’est le plus gros escroc d’Hollywood.

16. The Flash (2023)

The Flash n’a strictement rien pour lui. Visuellement, c’est laid. Ezra Miller fait le show. Les caméos sont gâchés. La narration est inexistante… Peut-être qu’Aquaman 2 fera encore pire, mais on ne compterait pas trop là-dessus.

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